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mardi 9 octobre 2018

ETHIOPIQUES - NEGRITUDE : PROBLEME D'APPORT


A la Présidente Tarja Kaarina Halonen et à son pays, à son peuple qui, malgré tant d'années d'occupation et de luttes, sut s'accouder sur son sisu pour se relever et construire un pays modèle de démocratie, de développement économique et technique, un pays qui porte la tête haute au Banquet des Nations. Puisse cette même flamme éclairer l'esprit de mon continent. Ihan varmasti Karjalasta kajahti ! Donc Ave Suomi Neito !



  1. INTRODUCTION

    Voilà le point multidimensionnel et fondamental sur lequel, les Nègres, il nous semble, devraient se pencher pour apporter une réponse définitive, raison pour laquelle nous aurions du laisser des pages blanches à partir de ce point, pages à remplir par tous les nègres, comme dans les blogs. Il s’agit ici de notre place dans la Civilisation de l’Universel et cela pourrait se résumer en termes d’être et de devenir ; de notre développement. De ce point de vue l'Ayant été, c'est-à-dire le point historique, ne devrait plus d'emblée nous servir que comme miroir et devoir de mémoire pour mieux embrasser le futur et nous y faire une place confortable. Encore une fois ce point est important mais il est capitable de réaliser que pour aider l'oiseau Afrique à prendre de l'aile, nous ne devons pas nous concentrer sur une plume surtout pas l'aile du passé, car alors nous n'aurions eu entre les mains que la carcasse d'un oiseau mort qui jamais ne montera dans les airs.


    1. LE PASSE

      Comme pour ne pas oser faire face à demain, voilà le point sur lequel nous campons. Lors d'un échec, nous remontons vers ce passé pour pointer des doigts accusateurs et cela, pour deux raisons et par conséquent dans deux cas distinctifs :

      1. Remonter vers une Egypte lointaine

        comme un affamé qui se rapelle les bonnes odeurs d'un festin que garde la mémoire encore dans un recoin du passé. C'est cette recherche noble de racines qu'il faut aller fouiller dans la terre en archéologue de mauvaise foi pour trouver des vestiges de notre identité en lambeaux. Nous avons répété à maintes reprises que nous avons le devoir de mémoire; que cela était bien, mais ces vestiges sur lesquels nous nous accoudons sont importants au même titre que les carcasses de dinosaures que l'on étale dans les musées; au même titre que ces pierres en silex taillées que l'on interprête et nous présente comme outils de nos lointains ancêtres. Ce point représente un bourbier et nous empêche de fournir des efforts dans l'essentiel, ce que voulait retracer textuellement le Discours de Dakar de Monsieur Sarkozy. Monsieur Lilian Thuram a fait un effort considérable dans son très beau et riche livre Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama - devoir de mémoire oblige -, mais qui tombe dans le même bourbier qui fait qu'au XXIe sièle, au lieu de participer, nous cherchons toujours à nous faire accepter, à nous faire reconnaître.

      2. Pointer des doigts accusateurs vers la colonisation

        Nés quelques années avant la vague des indépendances, nous avions été contaminés par cette nouvelle flamme, nous berçant sous des hamacs de zéphyrs indicibles au milieu de jardins de rêves les plus fabuleux. Il y avait les belles chansons sur L'unité Africaine, sur Air Afrique qui unissait l'Afrique du Nord au Sud et l'Est à l'Ouest, sans oublier la fameuse chanson issue de la Table ronde Congo - Belgique du Grand Kallé et L'African Jazz - Table ronde. Il y avait, par-dessus tout, l'espoir que la jeunesse à venir allait porter le flambeau beaucoup plus haut, n'ayant pas essuyé les coups et les crachats d'hier comme l'atteste le poète dans Désespoir d'un volontaire libre: « Et au-delà, la plaine soudanaise que dessèchent le Vent d’Est et les maîtres nordiques du Temps et les belles routes noires luisantes que bordent les sables, rien que les sables les impôts les corvées les chicottes et la seule rosée des crachats pour leurs soifs inextinguibles au souvenir des verts pâturages atlantidiens, car les barrages des ingénieurs n’ont pas apaisé la soif des âmes dans les villages polytechniques. ».

        C'est que nous n'avions pas compté avec le fait que, ayant grandi au sein des anciens, ils étaient eux aussi contaminés et leur contamination était plus grave, plus dangereuse : ballotés entre un semblant d'indépendance qui ne dépassait pas l'exercice intellectuel et une incapacité à devoir se prendre en charge, la société est tombée dans l'obscurantisme avec des veillées à tue-ête entre les amphithéatres, les mouvements politiques dans les universités et les révoltes pour la nourriture et les bateaux de fortune vers un Eldorado de brume au-delà des rives méditerranéennes. A contre courant notre jeunesse écrit sur les murs, comme le dira Demis Roussous avec des slogans « France dégage !» et « Auchan dégage !» alors qu'au même moment ils veulent tous débarquer sur les côtes de la Mer Egée, de la Baltique ou de l'Atlantique ouest et de la Méditerranée. Ils déboulonnent des statues de gouverneurs de colonies mais ne disent rien des ponts qui portent leur nom. Et comme le superstitieux qui ne prend jjamais de responsabilité - c'est toujours la faute du collègue, du voisin, d'un sorcier, d'un marabout, d'un génie - ils se déchargent sur les Pères Fondateurs qui ont pourtant eu le mérite de former des nations, de fédérer un peuple jusque là épars autour d'un drapeau, autour d'une nation dont ils sont prêts à défendre l'intégrité et à maintenir la gloire et à oeuvrer pour elle. Ils nous ont initiés à la Notion de Nation.


    2. LE PRESENT

      Cela renferme ce que nous sommes, ce que nous avons, culture et visions confondues et que nous ne devons jamais perdre. Ce n'est pas à marchander en termes de débarras, mais plutôt comme valeur ajoutée à présenter à la rencontre des Nations. Encore une fois, Sarkozy vous dira : « Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de s'inventer un passé plus ou moins mythique pour s'aider à supporter le présent mais de s'inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres ... ? Je ne suis pas venu effacer le passé car le passé ne s'efface pas ... Je suis venu vous proposer de regarder ensemble, Africains et Français, au-delà de cette déchirure et au-delà de cette souffrance. Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non d'oublier cette déchirure et cette souffrance qui ne peuvent pas être oubliées, mais de les dépasser. Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non de ressasser ensemble le passé mais d'en tirer ensemble les leçons afin de regarder ensemble l'avenir... ».

      Comme vu dans la partie ETHIOPIQUES - NEGRITUDE : LE REFUS, ce n'est pas seulement l'Afrique qui ait connu une domination-occupation par le passé et à travers le monde. Inutile ici, de s'attarder sur la superfialité des modes et procédures appliquées durant les diverses occupations de peuples par d'autres peuples : ici le plus important c'est qu'il y a des peuples qui se sont relevés et qui ont trouvé une place digne dans le monde présent:

      1. Hong Kong

        s'est relevé et a su faire valoir son know how; a fait des produits dont on se moquait dans le temps et qu'il a su pousser au plus haut degré de qualité. C'est ainsi, grâce à son sérieux, à son application pour une finition propre, qu'il a su apater les grandes entreprises pour une déportation de la production de leurs produits vers son territoire.

      2. Le Japon

        a fait de même. Il est maintenant en tête dans la production automobile et dans l'électronique en général et vient juste de réussir un atterrissage historique sur l’astéroïde Ryugu, précieux vestige du système solaire.

      3. La Chine

        s'est faite puissance mondiale aussi bien dans le domaine économique que militaire

      4. L'Allemagne

        a vu pratiquement ses villes être rasées, surtout sa capitale, a connu la division de Berlin et a su se relever, rebâtir et se positionner pratiquement à la tête de l'économie européenne

      5. Les Juifs

        éparpillés à maintes reprise à travers le monde, ils se sont vu massacrés, la majorité ayant tout perdu jusqu'à la dernière chemise, ne possédant plus qu'une tenue de bagnard et un numéro sur le bras. Ils ont rebâti Israel, mis en place des kiboutz pour leur autosuffisance alimentaire et le bien-être de leur peuple. Pourtant, comme nous, ils avaient mille raisons de planter les pieds accusateurs dans une boue, de camper sur place et de pointer des doigts et surtout de s'excuser et de se pardonner un non-avancement et mille raisons possibles, cause d'un sous-développement. Ce ne sont pas les exemples qui manquent et au lieu de faire le Mea culpa nous développons une allergie quand d'autres nous disent la vérité. Et cette vérité, nous l'interprêtons avec l'émotion nègre: elle est paternaliste ou bien raciste. Elle ne peut pas être vérité objective à nos yeux.


    3. LE FUTUR

      Comme tout organisme ou élément, nous sommes appelé aux changements. Ici il faut se souvenir d'Héraclite qui dit: « On ne peut pas entrer une seconde fois dans le même fleuve, car c'est une autre eau qui vient à vous ; elle se dissipe et s'amasse de nouveau ; elle recherche et abandonne, elle s'approche et s'éloigne. Nous descendons et nous ne descendons pas dans ce fleuve, nous y sommes et nous n'y sommes pas ». Ainsi nous sommes forcé d'emboîter le pas à une certaine cadence du monde, le bon choix de cette cadence devant trouver ses racines dans le point de l'Etre.

      C'est ainsi que cette question, au-delà du Nègre, interpelle tout Etre Humain, surtout dans ce monde qui semble tombé sur la tête. Ce ne sont pas les tentatives qui manquent, pour ce qui concerne la justification ou la vérification de l'apport, mais hélas ! A notre avis elles nous semblent toutes être comme ce mot « nègre » que l’on retourna comme une pierre à l’expéditeur, c'est-à-dire toujours comme une ré-action et non en initiative auto-promulguée. Et pourtant, cette réponse est au début et à la fin de tous nos problèmes car ce serait une prise de conscience d’une autre dimension, une décision quant à la trajectoire, au rôle que nous nous définissons et partant, à notre raison d’être, à notre part et place dans cette Civilisation de l’Universel.

      Dans le « Discours de Dakar », le Président Nicholas Sarkozy a bien effleuré le juste switch, faisant toutefois une contradiction personnelle quand, après avoir parlé d'un « continent qui a connu tant de civilisations brillantes », il nous sert une « Afrique n'étant pas assez entrée dans l'histoire ». Etant donné qu'il s'adressait spécifiquement aux jeunes d'Afrique, symboles d'avenir et partant, un devoir de prise de part dans l'apport, il aurait du certainement dire que « l'Afrique n'est pas assez entrée dans le présent ou ne s'est pas encore assez munie pour faire face au futur ». Mais si l'on regarde de plus prêt, il se rattrape dans un autre paragraphe de sons discours quand il dit expressément : « Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de s'inventer un passé plus ou moins mythique pour s'aider à supporter le présent mais de s'inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres ».

      Quoi que l'on puisse dire ou penser de l'homme, sa vision est très juste. Mais l'émotion nègre se fera juge et va lui infliger la « perpéte ». C'est ainsi que le Président François Hollande, se préparant pour venir à Dakar, va recevoir des menaces à peine voilées à travers les blogs locaux : on « l’attendait de pied ferme ». C’est dire que bien que notre nez dégoulinât, il ne fallait pas qu’il nous enjoignît d’aller nous moucher. Pathétique ! car son discours plaisant aurait du nous faire beaucoup plus peur : il nous a justement dit seulement ce que nous voulions entendre, pas forcément la vérité en ce qui nous concerne.

      A nous aussi on va certaiement en vouloir, car nous ne partageons pas la même vision que les gros bonnets appelés à la rescousse pour démonter Monsieur Sarkozy, à savoir Messieurs Boubacar Boris Diop, Universitaire et écrivain sénégalais, Ibrahima Thioub du Département d'Histoire de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Achille Mbembe, Universitaire camerounais, professeur d’histoire et de sciences politiques à l’université Witwatersrand de Johannesburg, Afrique du Sud, ni avec Monsieur Habib Thiam, ancien Premier ministre du Sénégal de 1981 à 1983 puis de 1991 à 1998 et ancien président de l’Assemblée nationale sénégalaise de 1983 à 1984.

      Voilà que, fidèles à notre amour du clinquant superficiel, nous avons dressé une liste de gros bonnets ayant pris le contre-pied et qui, de par l'analyse râtée, donnent des arguments qui font froid au dos. Encore une fois, nous y sommes partis armés de l'émotion et non de la raison. C'est ainsi que d'un discours de presque deux heures on soutirera une simple phrase contredite par l'orateurlui-même : un os sans garniture de la carcasse d'un chameau qui était pourtant tout graisseux !

      Comment peut-on accuser celui qui a dit expressément : « ce continent qui a connu tant de brillantes civilisations » d'avoir nié l'histoire de ce même continent ? On pourrait peut-être accuser le Président Sarkozy d'avoir opté pour un ton aux nuances paternalistes, ce qui, à notre avis, est aussi un tort, notre tort à nous, tort issu de notre incapacité malgré une fierté mal mesurée et, partant, négative et négationiste puisque nous refusons ce paternalisme dans les discours mais l'acceptons dans les salons de Paris, de Londres, de Washington ou de Berlin comme nous l'acceptons en en faisons même colonne vertébrale de nos plans de budgets. Dans les recherches de solutions de nos conflits comme dans des recherches-personnes en mer ou lors d'incendies chez nous, ne nous accoudons-nous pas sur des coups de main de ces puissances d'outre-mer ? N'est-ce point une deamnde directe ou indirecte de paternalisation ? Et cela à chaque fois que cela nous arrange ? L'on ne peut vouloir l'un et son contraire ! Des présidents, ministres et députés ne vont-ils pas se soigner dans les hôpitaux de la Métropole, comme y vont accoucher leur femme avec un espoir de pouvoir offrir à leur progéniture quelque citoyenneté américaine au passage ? Quel est le candidat à une présidentielle africaine qui ne s'accoude sur « des amis d'Outre-mer» pour le financement de ses visions inexistantes, de trop courte portée ou bien noyées dans les brumes du culte de la personnalité - car le pouvoir est comme l'alcool : il faut une forte tête pour le supporter - ? Et la liste est loin d'être exhaustive, loin d'être assez accerbe ou pessimiste.

      Pourtant, comme Senghor le dit en d'autres circonstances « il ne fallait pas faire un mur de ce qui n'était que voile transparent », nous disons qu'il suffisait juste d'être conscient du fait que la cible du discours c'est la jeunesse africaine en particulier. Il pose sur la table les questions relatives à notre présent sans lequel nous ne pourrons jamais faire face au futur en acteurs accomplis : «... Je veux, ce soir, m'adresser à tous les Africains qui sont si différents les uns des autres, qui n'ont pas la même langue, qui n'ont pas la même religion, qui n'ont pas les mêmes coutumes, qui n'ont pas la même culture, qui n'ont pas la même histoire et qui pourtant se reconnaissent les uns les autres comme des Africains. Là réside le premier mystère de l'Afrique. Oui, je veux m'adresser à tous les habitants de ce continent meurtri, et, en particulier, aux jeunes, à vous qui vous êtes tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois vous combattez et vous haïssez encore mais qui pourtant vous reconnaissez comme frères, frères dans la souffrance, frères dans l'humiliation, frères dans la révolte, frères dans l'espérance, frères dans le sentiment que vous éprouvez d'une destinée commune, frères à travers cette foi mystérieuse qui vous rattache à la terre africaine, foi qui se transmet de génération en génération et que l'exil lui-même ne peut effacer... Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, pour pleurer avec vous sur les malheurs de l'Afrique. Car l'Afrique n'a pas besoin de mes pleurs. Je ne suis pas venu, jeunes d'Afrique, pour m'apitoyer sur votre sort parce que votre sort est d'abord entre vos mains. Que feriez-vous, fière jeunesse africaine de ma pitié ? Je ne suis pas venu effacer le passé car le passé ne s'efface pas...

      «... Ne vous laissez pas, jeunes d'Afrique, voler votre avenir par ceux qui ne savent opposer à l'intolérance que l'intolérance, au racisme que le racisme. Ne vous laissez pas, jeunes d'Afrique, voler votre avenir par ceux qui veulent vous exproprier d'une histoire qui vous appartient aussi parce qu'elle fut l'histoire douloureuse de vos parents, de vos grands-parents et de vos aïeux. N'écoutez pas, jeunes d'Afrique, ceux qui veulent faire sortir l'Afrique de l'histoire au nom de la tradition parce qu'une Afrique ou plus rien ne changerait serait de nouveau condamnée à la servitude. N'écoutez pas, jeunes d'Afrique, ceux qui veulent vous empêcher de prendre votre part dans l'aventure humaine, parce que sans vous, jeunes d'Afrique qui êtes la jeunesse du monde, l'aventure humaine sera moins belle. N'écoutez pas jeunes d'Afrique, ceux qui veulent vous déraciner, vous priver de votre identité, faire table rase de tout ce qui est africain, de toute la mystique, la religiosité, la sensibilité, la mentalité africaine, parce que pour échanger il faut avoir quelque chose à donner, parce que pour parler aux autres, il faut avoir quelque chose à leur dire...

      « ... Car chaque peuple a connu ce temps de l'éternel présent, où il cherchait non à dominer l'univers mais à vivre en harmonie avec l'univers. Temps de la sensation, de l'instinct, de l'intuition. Temps du mystère et de l'initiation. Temps mystique ou le sacré était partout, où tout était signes et correspondances. C'est le temps des magiciens, des sorciers et des chamanes. Le temps de la parole qui était grande, parce qu'elle se respecte et se répète de génération en génération, et transmet, de siècle en siècle, des légendes aussi anciennes que les dieux. L'Afrique a fait se ressouvenir à tous les peuples de la terre qu'ils avaient partagé la même enfance. L'Afrique en a réveillé les joies simples, les bonheurs éphémères et ce besoin, ce besoin auquel je crois moi-même tant, ce besoin de croire plutôt que de comprendre, ce besoin de ressentir plutôt que de raisonner, ce besoin d'être en harmonie plutôt que d'être en conquête... ».


  2. LA CIVILISATION

    Nous allons puiser dans Wikipedia la définition de la civilisation : « Le terme civilisation — dérivé indirectement du latin civis signifiant « citoyen » par l'intermédiaire de « civil » et « civiliser » — a été utilisé de différentes manières au cours de l'histoire.
    « La civilisation, c'est d'abord l'ensemble des traits qui caractérisent l'état d'évolution d'une société donnée, tant sur le plan technique, intellectuel, politique que moral, sans porter de jugement de valeur. A ce titre, on peut parler de civilisations au pluriel et même de civilisations primitives...

    « ... Comme ceux de culture, de religion ou de société, le mot civilisation est devenu un concept clé ou un « maître-mot » pour penser le monde et l'histoire à l'époque des Lumières. Le premier à avoir employé le mot civilisation dans une acception qui relève de la signification qu'il a encore aujourd'hui est Victor Riqueti de Mirabeau, le père de Mirabeau le révolutionnaire. En 1758, dans L'Ami des Hommes, il écrit : « La religion est sans contredit le premier et le plus utile frein de l'humanité : c'est le premier ressort de la civilisation. » De façon similaire, en 1795, dans Esquisse d'un tableau des progrès de l'esprit humain de Condorcet, l'idée de civilisation désigne les progrès accomplis par l'humanité dans une nation donnée lorsqu'il fut possible de passer de l'état de barbarie à celui de citoyen, de civil ou de civilisé.

    « ... Au XIXe siècle la civilisation, alors envisagée comme un idéal à atteindre et comme un processus de transformation de la société vers cet idéal, fut la principale légitimation donnée à la colonisation impérialiste. Il s'agissait de « civiliser » les peuples du monde dans une vision hiérarchique et évolutionniste des degrés de civilisation auxquels ceux-ci avaient accédé.

    « ... Aujourd'hui les vues sur la civilisation sont plus égalitaires de sorte que le terme désigne davantage un état de fait historique et social à valeur constante qu'un processus de transformation des sociétés. L'idée a cessé de fonctionner en opposition avec celles de barbarie ou de sauvagerie, tandis qu'était affirmé le principe du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ». Par suite, c'est dans l'égalité ou l'équivalence de ces entités supposées que peut se jouer l'affrontement, le dialogue ou l'entente des civilisations.

    « ... L'idée de civilisation reste cependant problématique car pour pouvoir désigner des civilisations, qui n'ont dans les faits ni structure précise, ni représentation institutionnelle, il faut sélectionner parmi les faits observables ceux que l'on juge aptes à définir les civilisations envisagées. Ainsi, on se fondera sur des faits linguistiques, éthiques, géographique, culturels, religieux ou politiques, mais, en procédant ainsi, il n'est pas plus aisé de savoir ce qu'est une civilisation qu'une religion ou une culture, des idées par ailleurs elles aussi assez vagues et qui sont parmi celles les plus employées pour décrire ce que sont les civilisations. Pour Bertrand Binoche « Après avoir prédit le triomphe de la civilisation, on peut bien annoncer le choc des civilisations, mais cela ne contribue pas à y voir plus clair ».

    Voilà la longue définition qui nous est fournie, avec ces diverses facettes et complications avant de nous livrer, comme baromètre, les deux groupes de classifications suivants. Selon ce baromètre, pour être qualifiée de civilisation, celle-ci doit regrouper la plupart des caractéristiques suivantes :

    1. Cinq critères primaires (organisation)

      1. Présence d'une ville (sédentarisation des populations)
      2. Spécialisation du travail à temps plein
      3. Concentration de surplus de production
      4. Structure de classe (hiérarchie)
      5. Organisation étatique (État)

    2. Cinq critères secondaires (réalisations matérielles)

      1. Travaux publics monumentaux
      2. Commerce à longue distance
      3. Réalisations artistiques monumentales
      4. Ecriture (comptabilité, registre, etc.)
      5. Connaissances scientifiques (arithmétique, géométrie, astronomie)

      On peut être d’accord sur certains points, mais sur d’autres on pourrait être dubitatif. L’existence de villes, ces jungles des magasins, des hauts buildings où les hommes pullulent dans leur solitude, se croisant comme des somnambules servent certes de baromètres, mais le baromètre de quoi ? Certes pas celui du petit enfant nègre qui ne voulait pas en faire partie, qui ne voulait pas être comme un monsieur de la ville. Pour le reste, la sédentarisation, la spécialisation du travail, la structure des classes, l’organisation étatique, le commerce – nous ne sommes pas forcé de les accepter « sur de longues distances » comme points pertinents, et ils ne nous sont pas étrangers -.

      Pour certains points, comme la construction de monuments colossaux, écriture, comptabilité, registres, nous pensons qu’ils purent exister dans certains coins du monde surtout à cause d’une certaine conception de la vie. Une conception linéaire force l’homme à vouloir laisser une trace sur terre à sa mort. Celui qui replonge dans un système cyclique de la vie pour réapparaître le long des générations n’a pas la hantise de cette disparition. Il n’est pas poussé par une peur de disparaître à jamais : « Et la mort sur la crête de l’exultation ; à l’appel irrécusable du gouffre. Mais la pirogue renaîtra par les nénuphars de l’écume, surnagera la douceur des bambous au matin transparent du monde ».

      La notion de la science, astronomie, mathématique, médecine, est tout à fait arbitraire. Mon propre père savait guérir des morsures de serpent et a empêché plusieurs personnes vivantes encore aujourd’hui, d’être aveugles à jamais. Le vrai problème qui se pose, jusque dans l’apport, est justement que le Nègre, depuis sa colonisation, doit donner des réponses à des questions conceptuelles qui lui sont posées sur la base d’une certaine vision du monde qui n’est pas forcément la sienne. Par exemple il est facile de penser que si c’est lui qui avait été dominateur, la polygamie comme l’excision à travers certains de ces colons, auraient pu être imposées à l’Occident colonisé - Attention, donner comme exemple l’excision ne veut pas dire qu'elle est totalitaire sur une quelconque étendue territoriale en Afrique, ecnore moins que nous la défendosns : elle n'existe pas chez nous les sérères, raison pour laquelle cette nuane de à travers quelques uns de ses colons ! -

      C'est juste pour choquer et montrer que tout au long de l'histoire, la tendance est que c'est le vainqueur qui trace et dicte les lois qui ne sont pas forcément les meilleures du monde bien qu'on est parfois forcé de faire faire avec, force oblige !
      Convenons que le système occidental tel qu'il se présente actuellement avec tout son tralala monétaire et financier n'est pas du tout le meilleur du monde et des gens nous font très peur en exposant certaines facettes de ce système, comme par exemple David Icke dans son livre, « Le plus grand secret Tome I » et « Le plus grand secret Tome II ». Revenant sur les lignes tracées pour définir ce que c'est qu'une civilisation, force est de noter que le systeme occidental actuel qui vire à la mondialisation de force n'est pas forcément le système le mieux adapté pour la gestion des choses humaines. Senghor est aussi d'avis qui dit dans « Le message » :

           «... Enfants à tête courte, que vous ont chanté les kôras ?
           Vous déclinez la rose, m’a-t-on dit, et vos ancêtres les Gaulois.
           Vous êtes docteurs en Sorbonne, bedonnants de diplômes.
           Vous amassez des feuilles de papier –
           si seulement des louis d’or à compter sous la lampe,
           comme feu ton père aux doigts tenaces !

           Faut-il vous dérouler l’ancien drame et l’épopée ?
           Allez à Mbissel à Fa’oye ;      récitez le chapelet de sanctuaires qui ont jalonné la Grande Voie.
           Refaites la Route Royale et méditez ce chemin de croix et de gloire.
           Vos Grands Prêtres vous répondront : Voix du Sang !
           Plus beaux que les rôniers sont les Morts d’Elissa ;
           minces étaient les désirs de leur ventre.
           Leur bouclier d’honneur ne les quittait jamais ni leur lance royale.
           Ils n’amassaient pas de chiffons, pas même de guinées à parer leurs poupées.
           Leurs troupeaux recouvraient leurs terres,
           telles leurs demeures à l’ombre divine des ficus,
           et craquaient leurs greniers de grains serrés d’enfants.
           Etes-vous plus heureux ?
           Quelque trompette à wa-wa-wâ et vous pleurez
           aux soirs là-bas de grands feux et de sang.»

      Voilà son propre système mis côte à côte avec la civilisation occidentale par un prince autochtone et à travers ses yeux on voit bien la pâleur de celui qu'on vuet lui imposer, d'où sa question : Etes-vous plus heureux ? - Et puis, si le doute subsiste, reconnaissons que la colonisation française est différente de la colonisation britannique à travers plusieurs de leurs facettes. A travers ses écrits, Senghor s’est longuement penché sur la civilisation nègre, comme Cheikh Anta et le professeur Ki-Zerbo.


  3. L’APPORT HISTORIQUE

    Les tentatives d’apports historiques, à travers des fouilles archéologiques et des études de recherche ne sont pas des moindres, bien qu’une tendance de justification semble dominer et pousse coûte que coûte à vouloir pointer vers un cordon ombilical reliant à une autre civilisation pour se faire accepter. Il est tout à fait naturel que fouiller l’histoire ramène, d’une façon ou d’une autre, à se rapprocher des autres civilisations qui tapissent notre planète. C’est ce que le professeur Joseph Ki-Zerbo a bien senti et c’est ce qui fait la différence de vision entre lui et le professeur Cheikh Anta Diop. Monsieur Ki-Zerbo affirme que : « l’Egypte, par sa richesse économique, agricole, commerciale et culturelle est un point attracteur énorme et un creuset pour de nombreux peuples (comme les Hébreux, les Hyksos, les Ethiopiens, les Nubiens, etc.) qui viennent se mélanger au fond originel. Plus globalement, l'Histoire de l'Afrique (1972) est ainsi un vaste panorama diachronique et circonstancié, rendu vivant par des extraits de chroniques, des grands évènements et des évolutions des peuples du continent. En cela, la forme, le fait de présenter les évolutions sociales économiques et politiques de la même manière que d'autres encyclopédies ont présenté l'Europe et l'Asie, replace de fait, dans la pratique, l'Histoire de l'Afrique au même rang que celles des autres continents. Et cela, sans avoir besoin de clamer une Afrique originelle, objectif de pureté à retrouver que proclame Cheikh Anta Diop. La présentation diachronique à l'échelle du continent souligne ainsi de fait l'évolution contiguë des différentes grandes civilisations, soulignant ainsi les points communs et l'échange des idées mais aussi le fait que les chocs qui les ont abattues ont une origine commune : l'expansion européenne et ses conséquences (expansion marocaine, turque et omanaise) ».

    Bien sûr, Cheikh Anta Diop a fait de grands efforts en ce sens, même si « ses thèses restent aujourd'hui contestées, et sont peu reprises dans la communauté scientifique. Si une grande partie de ses thèses, en particulier au sujet de l'Égypte antique, sont considérés comme dépourvus de fondements solides, Cheikh Anta Diop a toutefois eu un indéniable rôle de visionnaire en ce qui concerne la place de l'Afrique dans l'histoire. Sa vision peut en effet être interprétée comme une anticipation des découvertes archéologiques majeures des années 2000 sur le continent africain que ce soit Kerma ou, beaucoup plus ancien, Blombos ».

    L’historien anglais Basil Davidson a apporté une part qui n’est pas du tout négligeable, surtout dans son œuvre « L'Afrique avant les Blancs : découverte du passé oublié de l'Afrique », traduite de l’anglais et parue en France en 1962.


  4. L’APPORT CULTUREL

    La vision culturelle de Senghor va extrêmement plus loin que notre mbalax, qui est en réalité, dans sa forme actuelle, la paresseuse part de la tâche. Ce que lui projetait, c’était de rassembler des hommes et femmes qui apprendraient « le rythme au monde défunt des machines et des canons », une race qui « pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore » et qui « rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventrés ».

    L’affirmation de la culture africaine ne pourrait s’arrêter aux tam-tams qui maintenant rythment des mesures et pèsent sur la balance gourmande et décadente du showbiz. La création du magazine « Présence Africaine » par Alioune Diop en 1947 qui rimera à la création de la maison d’éditions du même nom en 1949 et plus tard la construction du Théâtre Daniel Sorano et la mise en place d’un Ballet national regroupant toutes les ethnies du Sénégal en passant par les tapisseries de Thiès seront autant de pièces pour ériger l’édifice de la culture. A cela il adjoindra l'amour de la connaissance, du rafinement de l'idée comme toilette primordiale menant à la table de la fête de la culture de l'universel.

    Un texte que nous allons citer longuement s'est penché sur les diverses phases du mouvement de la Négritude en exposant ce qui l'occasionna avant de présenter l'échelonnement du réveil et de la résistance à travers les oeuvres littéraires qui virent le jour par la suite. Ne voulant pas réinventer la roue et convaincu que nous ne pourrions pas trouvr meilleure approche, permettez-nous de l'emprunter intégralement.


    1. LE DOMAINE LITERAIRE

      L'image de l'Afrique noire émerge dans la conscience à partir du 1750 grâce aux témoignages de nombreux écrivains philosophes et voyageurs .Néanmoins, la connaissance du monde noir reste rudimentaire, superficielle, fictive voire fragmentaire et cela pour deux raisons. D'une part peu d'explorateurs ont pénétré l'intérieur du continent, d'autre part l'africain lui-même reste absent parce que le privilège de prendre la parole lui était refusé. Ainsi la littérature coloniale dégage à la fois une image ambiguë et stéréotypée. Pour les uns, c'est un continent maudit, un repère de démons, de sorciers et d'animaux féroces. C'est l'exemple de l'écrivain Pierre Loti dans l'ouvrage « Le roman d'un Spahi » qui est le cliché de la représentation médiévale tandis pour d'autres, l'Afrique est un lieu parasidiaque.

      Par la suite, de nombreux intellectuels africains vont contribuer à modifier cette perception fallacieuse et négative que l'Occident avait du continent africain. Ainsi s'impose petit à petit l'idée selon laquelle chaque peuple, chaque civilisation, chaque culture, possède son originalité, sa spécialité, ses richesses propres.


      1. NAISSANCE LITÉRATURE NÉGRO-AFRICAINE

        La prise de conscience de la spécificité, la lutte contre l'injustice qui pèse sur le nègre, la réhabilitation de la personnalité nègre, l'appel à l'unité, à la solidarité des peuples opprimés, vont se faire sentir par la publication et le couronnement de « Batouala », du guyannais René Maran, véritable roman négre qui eut le Prix Goncours en 1921. Dans ce roman, l'auteur dénonce sans crainte les abus de l'exploitation coloniale et le traitement inhumain des Noirs en Oubangui Chari. Le livre fit scandale dans le milieu colonial et donna le signal du début de la littérature négro-africaine d'expression française qui fut engagée politiquement ou contre la colonisation.


      2. LA NÉGRO-RENAISSANCE

        Force est de reconnaître que, bien avant la publication de « Batouala », le mouvement de la négro-renaissance luttait aux USA pour l'émancipation et la dignité de l'homme noire. En somme il luttait contre l'aliénation du Noir en Amérique et dans la monde. L'illustre père de ce mouvement était le noir américain W. E. B Dubois, 1869-1963, qui fut l'auteur du livre : « Ame noire ». Il faut également noter parmi les vaillants précurseurs de cette renaissance Claude McKay, 1860-1945, fondateur du roman psycho-réaliste negro-africian. Dans ses écrits, comme « Home to Harlem », il attaque violemment le Christianisme, la raison, la technique et leur influence sur les Négres. Ainsi sa célèbre boutade : “ Vous les Noirs instruits, vous êtes une bande perdue ”. Il y avait aussi Countee Cullen, 1903-1946., qui est le plus nostalgique et le plus religieux des poètes de ce mouvement. Il chante une Afrique mystique et idéalisée et enfin Langstone Hughes, 1902-1967, auteur de l'ouvrage « Le ménage », « Avoir peur » et « Moi je suis l'Amérique ». Il dit : “ Comme créateurs de la nouvelle génération nègre, nous voulons exprimer notre personnalité noire sans honte ni crainte, si cela plaît aux Blancs, nous en sommes forts heureux; si cela ne leur plaît peut importe, nous savons que nous sommes beaux et laids aussi ”.


      3. LA NÉGRITUDE

        La Négritude est née en 1934 à Paris avec la publication de « L''etudiant noire ». C'est un néologisme qui a paru pour la première sous la plume du martiniquais Aimé Césaire .Le mot est vulgarisé par la suite avec la publication de « Cahier d'un retour natal » en 1939. Les principaux acteurs de la négrititude que sont Aimé Césaire, 1913-2008 et Léon Gontran Damas, 1912-1978, disaient : ”la négritude a été un projet, un projet spontané; elle a été la réaction d'une catégorie donnée d'individus dans un milieu donné à un moment de l'histoire ”. Pour Léopold Sédar Senghor, 1906-2001, et Lamine Diakhaté ”plus qu'un concept, la négritude est un ensemble de valeurs de définitions ”. Pour Alioune Diop : ”la négritude est née du sentiment d'avoir été frustrés au cours de l'histoire de la joie de créer et d'être considérés. En effet, la négritude est la simple reconnaissance du fait d'être noir et l'acceptation de de ce fait, de notre destin de noire, de notre histoire et de notre culture. Elle ne compte ni racisme, ni reniement de l'Europe, ni exclusivité mais au contraire une fraternité entre les Hommes ”.


      4. EVOLUTION DE LA LITÉRATURE NÉGRO-AFRICAINE

        1. NEGRITUDE ET POESIE : ANNEES 1940

          L'intelligentsia noire de Paris va tenter de relever le défit colonial. Les exactions de tout genre, comme la politique de la “table rase”, visaient à l'assimilation pure et simple du noir. Les étudiants antillais lancent « Légitime défense 3 », un journal paru en 1932 et qui sera le dernier, parce que les initiateurs furent victimes de la répression coloniale. Le mouvement de la négritude voit le jour à Paris, place de la Sorbonne, dans les années 1933-1935. Les pionniers de ce mouvement lancent en 1934 un périodique intitulé « L'Etudiant noir ». L'esclavage et la colonisation constituent les étapes essentielles de la dépersonnalisation de l'africain contre laquelle tout intellectuel noire doit se lever. Pour ce faire, la négritude utilise de la poésie comme moyen d'expression pour la réhabilitation et la restauration de l'homme noire.

          Le roman de la négritude lui, se fixe comme objectif de redonner aux Noirs le goût de la vie, la fierté d'être noir, de réaffirmer sa dignité dans le monde, de défendre les valeurs culturelles du monde noir au point de prendre parfois pour source de malheur l'Occident. Nous avons, à titre d'illustration, « Pigments » 1937 de Léon Gontran Damas, « Les armes miraculeuses », 1946 de Aimé Césaire, « Hosties noires », 1948 de L. S. Senghor. Ainsi le passé africain est idéalisé, un retour à la source vive delà la tradition africaine est prôné tout en incitant le feu de la nostalgie. En 1945, Alioum Doip fonde la revue présence africaine qui permet la diffusion de la poésie négro-africaine contemporaine.


        2. LE COURANT ROMANESQUE : ANNEES 1950

          C'est une période qui va de 1950à 1960.Elle connaître une production importante d'ouvres romanesques qui met sous l'éteignoir (étouffé,caché), le mouvement de la negritude que la production poétique a fait connaître dans les années 30 et 40.Cette période connaît de grands auteurs tels que Ferdinand Oyono qui écrit « Une vie de boy »; Mongo Beti : « Le pauvre Christ de Bomba », Eza Bota : « Ville cruelle », Semben Ousmane : « Les bouts de bois de Dieu » , Bernard Belin Dadier : « Cimbier », 1966.

          Dans leurs romans, ils prennent position politiquement et se considèrent comme des militants de la libération de l'Afrique noire colonisés, un devoir qui s'impose à tout homme de lettres. L'ennemi commun à abattre est le colonisateur. Ainsi, administrateurs coloniaux, commerçants blancs et leurs alliés africains de même que les missionnaires constituent leurs cibles favorites. Ils font le procès de la colonisation. En général si le courant reste anti-colonial, il en demeure pas moins que certaines oeuvres vont ramer à contre courant de cette position. Parmi celles-ci, on peut citer « L'enfant noir » de Camara Laye. En effet dans ses oeuvres, il peint un tableau idyllique et joyeux de l'Afrique de l'Ouest avec une mère qui est toute tendresse, un père travailleur, un enfant choyé... Nulle part ailleurs on ne voit Camara Laye fustiger la colonisation. Alors sera-t-il rejeté, haï par ses pairs et connaîtra-t-il l'exil au Sénégal suite aux exactions du régime de Sékou Touré.


        3. LES ANNEES 1960

          Au lendemain des indépendances, les écrivains changent leurs fusil d'épaule : ce n'est plus le colonisateur qui est la cible mais les nouveaux maîtres de l'Afrique qui ont pris la place du colonisateur et qui perpétuent les abus, pires que ceux de la période coloniale : parti unique, dictature, le favoritisme, le tribalisme, le népotisme, le détournement deniers publics, la gabegie, la démagogie, le favoritisme... En général cette période connaît trois niveaux de courants littéraires qui sont :

          • Le courant du désenchantement

          • Le courant passette

          • >Le courant du malaise

          Le courant le plus important est toutefois le premier cité. En effet le courant du désenchantement, appelé aussi la désillusion ou la déception, montre la déception et la révolte des africains qui attendaient beaucoup de l'indépendance : la liberté, le retour au passé colonial hanté. Ils seront déçus par le comportement des nouveaux dirigeants africains, bourreaux de leurs peuples qui s'attribuent les titres les plus vagues et les plus fanfarons : Guide providentiel, Eclairé, Grand timonier, Oeil droit du peuple, Père fondateur, etc, et qui sont obsédés par des complots irréels ou supposés de tout genre afin de terroriser et écraser le peuple.

      Après avoir joué un rôle déterminant dans l'éveil de la conscience africaine face à la colonisation et à la domination coloniale et entraîné par les Européens à avoir une vision des Noirs autre que celle d'une race sauvage et sans culture, le mouvement de la négritude représente aujourd'hui un obstacle non négligeable à la libération définitive de la démarche intellectuelle des africains à l'égard des préoccupations de renaissance.

      En effet ce qui n'était au début qu'un slogan et un mot d'ordre de lutte pour l'affirmation d'une personnalité nègre, se transforma en une doctrine pseudo philosophique. Par ailleurs, dans un examen intérieur, on est tenté de croire que la culture africaine manque de conviction. En effet, la culture traditionnelle du monde noir est comme rejetée par la jeune génération à telle enseigne qu'on est conduit à se demander si l'Afrique est toujours aussi riche de ses valeurs ancestrales. On avance que l'africain vit en suspension, car il est entre une modernité qui n'attend pas et une africanité qui n'arrive pas. Il est donc dans une salle d'attente où il n'attend rien.

      Enracinés dans nos cultures, nous avons le devoir de savoir presque tout des autres cultures car c'est par rapport à elles et pas en elles que la nôtre trouve son identité. C'est justement ce point qui semble nous échapper encore : nous parlons comme si la nôtre trouvait son identité dans les autres, ce qui, pour ce festin à la table de l'universel, est terriblement faussé de nos jours à cause de la tendance à la globalisation. Ceci est le contraire de la vision de Léopold Sédar Senghor.

      En philosopie, le mot culture « désigne ce qui est différent de la nature, c'est-à-dire ce qui est de l'ordre de l'acquis et non de l'inné. La culture a longtemps été considérée comme un trait caractéristique de l'humanité, qui la distinguait des animaux. Mais des travaux récents en éthologie et en primatologie ont montré l'existence de cultures animales.

      « En sociologie, la culture est définie comme ce qui est commun à un groupe d'individus et comme ce qui le soude. Ainsi, pour une institution internationale comme l'UNESCO : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances . Ce réservoir commun évolue dans le temps par et dans les formes des échanges. Il se constitue en manières distinctes d'être, de penser, d'agir et de communiquer... Par abus de langage, on utilise souvent le mot culture pour désigner presque exclusivement l'offre de pratiques et de services culturels dans les sociétés modernes, et en particulier dans le domaine des arts et des lettres ».

      La musique, au moins, n’a pas été dans le lot des reniements. Ils nous l’ont concédée. Senghor a terriblement soutenu la culture, l’a tellement soutenue que certains l’accusent parce que n'en ayant pas saisi toute la portée. Pourtant jusques dans les clips actuels, si l’on prêtait l’oreille attentive de l’esprit, on verrait que Senghor nous accompagne, qu’il est présent. Mais le côté le plus subtile nous échappe, ce côté de la finition qui aurait permis de participer à la précision de la technique, nous disons à la technicité. C’est la culture profonde qui peut empêcher de sombrer vers un monde où « il n'est rien que le temps ne déshonore ».

      Mais hélas, c’est tout le contraire. Le progrès, voire l’évolution qui est dans la nature de toute chose, l’ordre et la méthode de prônait Senghor, font justement défaut jusques dans nos chansons, encore pire, dans nos clips vidéo. Nés avec le rythme dans le sang - c’est que l’on dit - notre musique locale modernisée s’appauvrit de jour en jour par manque de recherche et d’application. C’est que nous ne sommes pas, au départ, partis avec toute la force des amarres de notre culture. Pensant avoir levé l’ancre, nous sommes partis avec les lambeaux de filets éparpillés sur le wharf, une faible partie de notre culture, les prenant comme lesdites amarres. Nos clips sont blafards et empreints de mauvais goût, clips dans lesquels les danseurs font les mêmes gestes vulgaires en suivant un mimétisme exécrable dans un salon, autour d’une piscine, au fond du couloir obscur d’un studio, sur la plage, décors qui, dans leur majorité, n’ont aucun sens par rapport au thème de la chanson si ce n'est dans de grosses bagnoles ou quelques pièces où le cameraman s'attarde sur des chaussures, bracelets et montres exhibitionnistes. Et la chanson elle-même ? A part deux ou trois, aucun de nos artistes ne semble maîtriser l’approche rédactionnelle de la lyrique, encore moins sa langue, ignorant totalement ques ses voyelles longues et courtes sont distinctives. Mais il y a pire : le thème existe rarement pour ne dire jamais, puisque pas soutenu du début à la fin – des hors-sujets impardonnables dans lesquels les phrases commencent par l’amour de la maman pour braquer une torche blafarde vers minarets et marabouts.

      La musique sénégalaise est actuellement sans âme. Elle s’effrite, s’arc-boute comme un corps déformé. Les voix laissent entendre le son aigu de cordes vocales bloquées et, par conséquence, ne donnant naissance à aucune vibration aux nuances colorées. Comme déjà dit, nos langues, qui connaissent des voyelles longues et courtes, sont bâclées dans une ignorance qui fait pâlir et nos organes d’alphabétisation, sources de budgets, restent pourtant muets, se présentant comme un simple coloris dans l’amas des institutions. Ailleurs, nous savons que la finition a poussé Paul Simon a chanté dans un zoulou phonétiquement impeccable dans sa performance au « South African Concert » tenu au Zimbabwe et à Shakira un « Waka waka » de pureté embaumée d’une danse de flamme légère comme les jumelles de Ndiaré le long des tanns de Djirol. Chez nous, il n’y a aucune recherche. Quand un wolof chante sérère, c’est une catastrophe, s’il ne prend la tangente de l’anglo-saxon et, pour nous servir encore pire, un président qui, pour frimer, se fait le ridicule de ne pas utiliser des interprètes et nous crucifie sur un calvaire linguistique, ignorant que le but primordial du discours est d’être compris. L’on se moque de l’amour du français de Senghor, - sa profession -, l’on se moque du fait qu’il adorait la poésie - son don divin -. Mais les vertus suprêmes de Senghor auraient du nous faire maîtriser nos propres langues et nous empêcher de débiter des «ki nga xamante ne », des « mooy kë ne » , des « maa ngi lay jaajëfal », des « yërëmal » et des « ñu ngi lay bëge » qui font pâlir.

      Le Mali nous dessert, à ce niveau, une pureté à travers des voix profondes comme l’histoire mandingue de Salif Keïta et la recherche poursuivie par Ali Farka Touré et Toumani Diabaté est sans ambigüité, comme l’Afrique du Sud à travers la force de tigresse de Brenda Fassie qui font tous une unanimité internationale.
      Alors où est l’apport du Nègre ? S’il n’est pas encore palpable sur les hautes sphères, ce n’est pourtant pas de la place et la nécessité qui manquent. Le poète a lancé son appel pour sauver l’humanité. Il a posé et pesé le poids, lancé le défi. Pourquoi nous sommes-nous lancés pour nous agripper à son côté le plus léger, fracassantes baguettes sur la peau morte des tam-tams vifs dans une musicalité endiablée qui, de jour en jour, se dénature. Mais et l’autre bout ? Le fardeau ne se soulèvera jamais sans ce côté, qui est de « rendre la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventrés ». Qui, nous interpelle le poète, « apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons ? Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore » ?

      Il ne faut pas s’y m’éprendre : le rythme n’est pas uniquement celui de nos danses, maintenant vulgaires ambassadrices – il y en a d’autres dans le répertoire et beaucoup plus dignes. Ce n’est pas uniquement celui des « Youza » et des « Thiakhagoune ». Il s’agit du rythme du monde, la pulsation de son âme, sa marche humaine qui doit résister à l’érosion, au réveil de la Bête, parce que nous sommes d’emblée affublés de l’œil cardinal du Serpent qui permet de ne pas sombrer « …dans la nuit de [notre] sang, car guette le silence des forêts ». C’est que, comme le poète, « [notre] force s’érige dans l’abandon,[notre] honneur dans la soumission et [notre] science dans l’instinct de ton rythme ».

      Une fois les bases intrinsèques de la Négritude posées, l’apport serait vain si, après avoir exhibé des valeurs recadrant l’identité et éclairci le contrepoids par rapport à l’Autre, aux Autres, l’on s’en arrêtait là. Il reste la face invisible de l’iceberg. Cet apport ne peut s’analyser qu’en s’appuyant sur les choses qui rendent le Nègre si solitaire, si perdu dans le système : pas du conquérant, du colonisateur, mais de celui qui vend, exhibe et force ses modèles.

      La vision de Senghor n’est ni simple, ni simpliste : « Il est temps d’arrêter le processus de désagrégation du monde moderne, et d’abord de la poésie. Il faut restituer celle-ci à ses origines, au temps qu’elle était chantée – et dansée. Comme en Grèce, en Israël, surtout dans l’Egypte des Pharaons. Comme aujourd’hui en Afrique noire. Toute maison divisée contre elle-même, tout art ne peut que périr. La poésie ne doit pas périr. Car alors, où serait l’espoir du monde ? »


  5. L’APPORT POLITIQUE

    En matière politique, des idées majeures mais surtout des relectures des grandes idées ont été formulées par des dirigeants africains. Par exemple, Ujamaa, mot swahili voulant dire ‘famille élargie’ ou ‘fraternité’, est un concept de Sir Julius Nyerere qui « forma la base de la politique de développement social et économique en Tanzanie peu après son indépendance du Royaume-Uni en 1961. En 1967, le Président Nyerere a publié son plan de développement intitulé la Déclaration d'Arusha, dans lequel il a souligné la nécessité d'un modèle africain de développement et qui a constitué la base du socialisme africain tanzanien. Ce modèle est caractérisé par quelques éléments clés, le fait par exemple qu'un individu ne se construise qu'à travers la société ou la communauté à laquelle il appartient ».

    Senghor, à travers les cinq tomes qui composent la série Liberté, fera de même, surtout dans « Liberté 2 : Nation et voie africaine du socialisme, discours, conférences, Le Seuil, 1971 » et « Liberté 4 : Socialisme et planification, discours, conférences, Le Seuil, 1983 ».

    Ici, le thème est très important, car cela concerne notre ère actuelle. Arrêtons-nous donc un moment et répondons, en âme et conscience aux questions suivantes : Tous, si nous prenions notre courage à deux mains et osions froidement regarder les choses, la réalité en face, nous saurions que notre monde est malade, gravement malade et cela depuis longtemps : « Voici que meurt l’Afrique des empires – c’est l’agonie d’une princesse pitoyable et aussi l’Europe à qui nous sommes liés par le nombril ».

    Mais pour parler de ce problème, il faudrait un dépassement surhumain. Il faut que l’Homme redescende dans l’arène pour affronter la Bête qui a repris des forces incommensurables depuis le coup de pieu et la danse de la glossalie du chant rutilant dansé. L’approche serait de refuser la dictature, prêcher l’ouverture. Mais l’ouverture ne doit pas être uniquement celle des autres. C’est une ouverture de tout le monde, surtout de ceux-là qui ont tellement chanté, tellement répété la chanson qu’ils se sentent infaillibles, et incapables, même enrhumés, de faire une fausse note. C’est là que réside le danger.

    L’on a parlé du printemps arabe, l’on est en train de démanteler un à un, parfois à juste titre, parfois peut-être à tort, toute structure qui semble ne pas suivre la vague déferlante, tsunami à l’encontre du monde. Mais nous nous demandons comment nous oserions défendre une distribution aveugle de droits, alors que justement l’expérience que nous sommes en train de vivre est la chaîne d’enfants, de citoyens pouvant descendre dans une salle de cinéma, de classe et, en face des camarades de jeux, faire sortir une mitrailleuse et les arroser de balles ? Comment oserions-nous nous dresser en symbole, lorsque la dénaturation compasse notre nation ? La démocratie est dégainée à tout bout de phrase, et cela à travers le monde, comme une hallucination de masse.

    Depuis la chute du mur de Berlin, tant de choses ont changé. C’est vrai, c’était bien le mur de la honte, mais il semble aussi avoir été le garde fou qui maintenait le monde dans une folie moindre. Il faut se ressaisir, peut-être prendre les grosses têtes et tous les patriarches du monde, les mettre en conclave pendant un mois pour qu’ils se penchent sur le monde et ressortent avec une piste nouvelle. La démocratie prônée comporte des facettes dont nulle ne fait mention, sauf le Livre d’Urantia qui ose nous dire : « Bien que la démocratie soit un idéal, elle est un produit de la civilisation et non de l’évolution. Allez lentement ! Choisissez soigneusement ! Car voici les dangers de la démocratie :

    1. La glorification de la médiocrité.

    2. Le choix des chefs ignorants et vils.

    3. L’incapacité de reconnaître les faits fondamentaux de l’évolution sociale.

    4. Le danger du suffrage universel aux mains de majorités frustes et indolentes.

    5. L’obéissance servile à l’opinion publique; la majorité n’a pas toujours raison.

    « L’opinion publique, l’opinion commune, a toujours retardé la société. Elle est néanmoins précieuse, car, tout en freinant l’évolution sociale, elle préserve la civilisation. L’éducation de l’opinion publique est la seule méthode saine et sûre pour accélérer la civilisation. La force n’est qu’un expédient temporaire, et la croissance culturelle sera d’autant plus accélérée que les balles de fusil céderont la place aux bulletins de vote. L’opinion publique (les mœurs) est l’énergie fondamentale et originelle dans l’évolution sociale et le développement de l’État ; mais, pour avoir une valeur pour l’État, il faut que son expression soit dépourvue de violence. La mesure du progrès d’une société est directement déterminée par le degré auquel l’opinion publique parvient à contrôler la conduite personnelle et les règlements d’État sans recourir à la violence. L’apparition du premier gouvernement réellement civilisé coïncida avec le moment où l’opinion publique fut investie des pouvoirs du droit de vote personnel. Les élections populaires ne décident pas toujours de la chose correcte à faire, mais elles représentent la manière juste de commettre même une erreur. L’évolution ne produit pas instantanément une perfection superlative, mais plutôt un ajustement comparatif avec des progrès pratiques. L’évolution d’une forme pratique et efficace de gouvernement représentatif comporte les dix étapes ou stades suivants :

    1. La liberté des personnes : L’esclavage, le servage et toutes les formes de servitude humaine doivent disparaître.

    2. La liberté mentale. À moins qu’une population libre ne soit éduquée — qu’on lui ait appris à penser intelligemment et à faire des projets sagement — la liberté fait généralement plus de mal que de bien.

    3. Le règne de la loi. On ne peut jouir de la liberté que si la volonté et les caprices des chefs humains sont remplacés par des actes législatifs conformes à la loi fondamentale acceptée.

    4. La liberté de parole. Un gouvernement représentatif est impensable sans la possibilité pour les aspirations et opinions humaines de s’exprimer librement sous toutes les formes.

    5. La sécurité de la propriété. Nul gouvernement ne peut durer longtemps s’il ne réussit pas à assurer le droit de jouir de la propriété privée sous une forme quelconque. Les hommes ont le désir ardent d’utiliser leurs biens personnels, d’en avoir le contrôle, de les donner, de les vendre, de les louer et de les léguer.

    6. Le droit de pétition. Un gouvernement représentatif implique le droit pour les citoyens d’être entendus. Le privilège de la pétition est inhérent à la libre citoyenneté.

    7. Le droit de gouverner. Il ne suffit pas d’être entendu. Il faut que le pouvoir de pétition progresse jusqu’à la direction effective du gouvernement.

    8. Le suffrage universel. Le gouvernement représentatif présuppose un électorat intelligent, efficace et universel. Le caractère de ce gouvernement sera toujours déterminé par le caractère et l’envergure de ceux qui le composent. À mesure que la civilisation progressera, le suffrage, tout en restant universel pour les deux sexes, sera efficacement modifié, regroupé et différencié encore autrement.

    9. Le contrôle des fonctionnaires. Nul gouvernement civil ne jouera de rôle utile et efficace à moins que ses citoyens ne possèdent et n’emploient de sages techniques pour guider et contrôler les détenteurs de charges publiques et les fonctionnaires.

    10. Des représentants intelligents et formés. La survie de la démocratie dépend de la réussite des gouvernements représentatifs, et cette réussite est conditionnée par la pratique de ne nommer aux charges publiques que les individus techniquement formés, intellectuellement compétents, socialement loyaux et moralement dignes. Ces dispositions sont indispensables pour préserver le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

    Selon Platon, il y a une logique interne qui gouverne la marche des régimes. On passe de l’un à l’autre selon cette logique, c’est-à-dire que c’est inévitable. Bien entendu, cette loi n’est pas un progrès mais une dégénérescence, c'est donc une loi de corruption et de décadence : « tout ce qui naît est soumis à corruption ». Ici, l’idée essentielle est que, soumise au temps, qui est la loi du devenir, du monde sensible, l’idée de constitution parfaite ne peut que se dégrader, puis finalement s’anéantir. Ce qui est le plus intéressant pour notre propos est que la démocratie se situe à la fin du parcours. Elle est donc ce qui marque le passage à la désintégration de la constitution idéale, et de la politique elle-même, puisqu'elle donne naissance à la tyrannie.

    Mais comment est-ce possible et qu’est-ce que c’est que cette démocratie dont on nous rabâche les oreilles ? La démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et vient du grec démos qui signifie peuple et kratos qui est le pouvoir. Il ne faut pas confondre république et démocratie : ces deux concepts ne sont pas à mettre sur le même plan. La République désigne avant tout l’objet même du pouvoir politique : le bien commun, la chose publique, res publica. Par suite, bien sûr, c’est l’Etat de droit, un gouvernement légitime c’est-à-dire que le pouvoir ne s’exerce que sur des hommes libres, les lois ne sont pas répressives mais, plus précisément, limitent les libertés afin qu’elles s’accordent entre elles et au bout du compte soient mieux assurées :

    1. La démocratie est d’abord incapable de faire régner la justice dans la Cité : Le juste, pour Platon, résulte de l’harmonie qui s’établit en chaque homme entre les trois parties de l’âme ou qui s’instaure en chaque Cité entre les diverses classes de citoyens. Or, dans la démocratie, cette harmonie, par principe et par définition, fait défaut puisque seule la classe populaire entend gouverner, c’est-à-dire prendre un total ascendant sur les deux autres. Il est par conséquent essentiel à la démocratie qu’elle s’installe dans le déséquilibre.

    2. Ensuite, le peuple est par définition indigne de la politique : Elle doit ainsi, inévitablement, se transformer en anarchie : si tous en effet légifèrent et commandent, alors, personne ne détient l’autorité et nul n’obéit. Les vertus d’ordre et de discipline se perdent alors, et sont remplacées par le désordre et l’indiscipline.

    3. Démocratie et anarchie : Rappel : le peuple souverain chez les grecs n’est pas tout le monde, mais l’ensemble des citoyens (en sont exclus les femmes, les enfants, les esclaves, les métèques). Pourtant la dénonciation platonicienne de la démocratie est dénonciation du peuple, qui est capable du pire, et tyran en puissance. C’est qu’il ne prend pas le terme de ‘peuple’ en son sens positif. Quand on parle de ‘peuple’, il faut savoir distinguer entre la foule et le grand nombre (plèthos) et le peuple proprement dit (dèmos).

    4. Depuis Homère, le terme ‘plèthos’ désignait la masse des gens qui, n’étant pas beaux ni bons, forment une foule aveugle et insensée qu’entoure généralement le mépris. Par contre, dans l’Athènes du Ve siècle, le terme de ‘dèmos’ fut crédité par Périclès d’un sens plus positif : il reconnut que le peuple est capable de choix raisonnable, même si souvent il tombe dans l’irresponsabilité en cédant soit à la colère et à l’emportement, soit à l’apathie et à l’indifférence. Platon, lui, ne reconnaît pas la différence. Disons que quand il parle de peuple, il parle principalement de la plèbe. Pour lui, étant donné que la démocratie repose sur le principe de la souveraineté du peuple, l’anarchie en est la conséquence inéluctable, et c'est pour cette raison qu'elle donne naissance à la tyrannie : Au bout du compte, les discordes et les dissensions grondent. La vie de la communauté n’est plus possible. Au lieu de libérer, la liberté se retourne contre ceux qui l’invoquent et les asservit au déferlement de leurs désirs. Plus personne n’accepte de règles ou d’obligations, plus personne ne veut obéir. Bref, la Cité démocratique est en guerre avec elle-même.

    5. Démocratie et ignorance : Autre critique du peuple : à référer à la thématique centrale de la République : celle du ‘philosophe-roi’. De même que l’art de la médecine et que l’art de la navigation ne peuvent s’exercer que si le pilote et le médecin possèdent le savoir requis, l’art directif de l’homme politique est inconcevable sans la connaissance théorique des vérités humaines. Or, cette connaissance, pour être authentique, ne se laisse pas diviser entre plusieurs individus ; a fortiori ne se disperse-t-elle pas dans le ‘grand nombre’, qui est ‘prisonnier de la caverne’, donc, des apparences, des préjugés. Bref : la foule est incapable d’accéder à la science du philosophe. Elle est par conséquent incapable de gouverner (ou de se gouverner elle-même). Le bon gouvernement est celui du roi-philosophe, qui seul a accès à la vérité, au ciel des Idées.

    Nous précisons que Platon critique donc l’idée même de démocratie, les principes qui nous paraissent à nous avoir une valeur absolue : la liberté et l’égalité de tous. La Cité parfaite, le meilleur des régimes, est donc la totale antithèse de la démocratie. Faites donc attention : Platon ne dit nullement que, en théorie, la démocratie est le meilleur des régimes, mais que, dans les faits, elle est « le ‘plus’ mauvais ».

    Le livre d’Urantia, de son côté nous dit : « Les nations d’Urantia se sont déjà engagées dans la lutte gigantesque entre le militarisme nationaliste et l’industrialisme. Sous bien des rapports, ce conflit est analogue à la lutte séculaire entre les pâtres-chasseurs et les cultivateurs. Mais, si l’industrialisme doit triompher du militarisme, il doit éviter les dangers qui l’assaillent. Les périls de l’industrie naissante sur Urantia sont :

    1. La forte tendance au matérialisme, l’aveuglement spirituel.

    2. L’adoration de la puissance de la richesse, la dénaturation des valeurs.

    3. Les vices attenants au luxe, le manque de maturité culturelle.

    4. Les dangers croissants de l’indolence, l’insensibilité à l’esprit de service.

    5. L’accroissement d’une mollesse raciale indésirable, la dégénérescence biologique.

    6. La menace d’esclavage industriel standardisé, la stagnation de la personnalité.

    « Le travail ennoblit, mais les corvées fastidieuses abêtissent. Le militarisme est autocrate et cruel — voire sauvage. Il favorise l’organisation sociale parmi les conquérants, mais il désintègre les vaincus. L’industrialisme est plus civilisé et devrait être mené de manière à encourager les initiatives et l’individualisme. La société devrait favoriser l’originalité par tous les moyens. Ne commettez pas l’erreur de glorifier la guerre ; discernez plutôt ce qu’elle a fait pour la société afin de pouvoir imaginer plus exactement le rôle de ses substituts pour continuer à faire progresser la civilisation. A défaut de substituts adéquats, vous pouvez être certains que la guerre continuera encore longtemps. Les hommes n’accepteront jamais la paix, en tant que mode normal de vie, avant d’avoir été convaincus, entièrement et à maintes reprises, que la paix est ce qu’il y a de mieux pour leur bien-être matériel, et aussi avant que la société ait sagement fourni des substituts pacifiques pour satisfaire à l’une de leurs tendances inhérentes, celle de laisser périodiquement libre cours à une poussée collective destinée à libérer les sentiments et les énergies perpétuellement accumulés provenant des réactions de l’instinct humain de conservation. Mais, même en passant, la guerre devrait être honorée en tant qu’école d’expérience qui a contraint une race d’individualistes arrogants à se soumettre à une autorité hautement concentrée —un chef exécutif. La guerre à l’ancienne mode conduisait à choisir pour chefs les hommes naturellement éminents, mais la guerre moderne ne le fait plus...

    « ... Science et éthique forcent un droit de regard et d’ingérence de la société, du citoyen. La Science et la technologie ont aussi besoin du regard extérieur porté sur eux par la société à travers ses institutions juridiques et politiques, ses associations humanistes et religieuses, ses fondations, afin que soit instauré un dialogue fructueux sur les attentes de tous en matière de recherche et d’applications passées au crible d’une éthique centrée sur la dignité humaine, le respect de l’environnement, la sauvegarde de notre terre patrie ».

    Aristote de son côté nous dit : « C'est pourquoi toute cité est naturelle, puisque le sont les premières communautés qui la constituent. Car elle est leur fin, et la nature est fin : car ce que chaque chose est une fois que sa genèse est complètement achevée, nous disons que c'est la nature de cette chose, ainsi pour un homme, un cheval, une famille. De plus le « ce en vue de quoi » c'est-à-dire la fin, c'est le meilleur ; et l'autarcie est à la fois la fin et le meilleur. Nous en déduisons qu'à l'évidence la cité fait partie des choses naturelles, et que l'homme est par nature un animal politique ; si bien que celui qui vit hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé, soit un être surhumain : il est comme celui qu'Homère injurie en ces termes : sans lignage, sans loi, sans foyer. Car un tel homme est du même coup naturellement passionné de guerre. Il est comme une pièce isolée au jeu de trictrac.

    « ... C'est pourquoi il est évident que l'homme est un animal politique, bien plus que n'importe quelle abeille ou n'importe quel animal grégaire. Car, nous le disons souvent, la nature ne fait rien en vain. Et seul parmi les animaux l'homme est doué de parole. Certes la voix sert à signifier la douleur et le plaisir, et c'est pourquoi on la rencontre chez les autres animaux (car leur nature s'est hissée jusqu'à la faculté de percevoir douleur et plaisir et de se les signifier mutuellement). Mais la parole existe en vue de manifester l'utile et le nuisible, puis aussi, par voie de conséquence, le juste et l'injuste. C'est ce qui fait qu'il n'y a qu'une chose qui soit propre aux hommes et les sépare des autres animaux : la perception du bien et du mal, du juste et de l'injuste et d’autres notions de ce genre ; et avoir de telles notions en commun, voilà ce qui fait une famille et une cité. »


  6. CONCLUSION

    Ce n'est pas pour nous moquer de qui que ce soit, mais en guise de conclusion, nous vous présentons l'Oiseau Afrique qui a besoin de toutes ses ailes, pas juste d'une plume. Lesdites ailes sont faites de tous les pointss ci-dessus, soupe mixte de points réussis et de points faillis: de l'archéologie qui fouille la terre aux télescopes qui percent le ciel, de la poésie qui fait battre les coeurs aux maths qui font bouillir la tête en passant par les tournevis au-dessus de gadgets cuits par la pensée et la recherche scientifique

         ... Nous vous prions de continuer la liste; prière de développer les ailes pour que l'Oiseau Afrique puisse prendre les airs.

ETHIOPIQUES - NEGRITUDE : LE REFUS


  1. INTRODUCTION

    Dominé, ses terres occupées, son humanité mise en question, voire reniée, sa vision du monde et sa cosmogonie transformées, le Nègre résiste, demande et obtient son indépendance, aidé par les évènements de la Deuxième guerre mondiale : la France qui occupait ses terres avait subi l'occupation allemande de ses terres, les nègres avaient été enrôlés volontairement comme de force pour participer à l libération de la France et ne pouvaient plus d'emblée accepter que les leurs soient sous la domination. Mais le refus aura pris diverses facettes et dans la reconquête de l'identité, il fut bien les séparer pour bien comprendre.


    1. LES RESISTANCES

      Les résistances ont été la réponse des Africains face à l’invasion, l’occupation, l’exploitation et l’aliénation par les puissances européennes. L’ampleur et les formes de ces résistances ont été variables d’une zone à l’autre, en fonction des structures politiques en place et des caractéristiques des populations, formes dont deux ont été déterminantes : les résistances armées et les résistances passives avec, dans chacune, des natures variées.


      1. LES RESISTANCES ARMEES

        Elles sont liées au caractère hautement guerrier de la plus part des sociétés africaines. Dans chaque royaume africain, il existait une classe guerrière au service du souverain islamisé ou animiste. Les moyens de défense utilisés étaient la guérilla, le guet-apens, les armes blanches et même des armes à feu. Les résistances ont été partout violentes en Afrique, mais c’est surtout en Afrique Occidentale qu’elles ont eu le plus d’impact dans le temps et l’espace.


      2. LES RESISTANCES ARMEES MARABOUTIQUES

        El Hadji Omar Tall, 1797 – 1864, était originaire du Fouta. Il se rendit en pèlerinage à la Mecque où il fut nommé Khalif de la Tijanya en Afrique Occidentale et vint s'installer à Dinguiraye. Il commence la conquête d’un vaste empire qui s’étant du Bambouck à Tombouctou. En 1855, il se heurte aux troupes française en route vers Tombouctou cet rencontre se solde par la bataille de Guidimakha. En Avril 1857, il assiège le fort de Médine, capitale du Khasso. Vaincu en juillet, il se concentre sur Macina et le pays Bambara. Indignés de l’occupation de leur royaume par un frère musulman les Peuls Khadrya du Macina se révoltent et finissent, en 1863, par assiéger El Hadji Omar dans Hamdallahi la capitale. Il réussit à s’échapper et se réfugie dans les falaises de Bandiagara où il disparaît mystérieusement dans la grotte de Diagambéré.

        Son fils Ahmadou Cheikhou Tall, installé a Ségou, tente de continuer l’œuvre de son père, mais son autorité est contestée par les Bambara animistes et les Peuls de la confrérie Khadrya. De plus sont refus de s’allier à Samory réduit considérablement ses possibilités de résistance face aux troupes d’Archinard. Contraint d’abandonner aux Français une grande partie de son empire (Ségou, Dinguiraye, Kaarta, Nioro…). Il meurt insoumis, en 1898, à Sokoto.

        Samory Touré, roi du Wassoulou, se convertit à l’islam et prit le titre d’Almamy, pour mettre son pouvoir religieux aux services de la résistance contre l’impérialisme français. Son empire est comprit entre le fleuve Niger, le Fouta Djallon, la Sierra Léone et la Côte d’Ivoire, avec comme capital, Bissandougou.

        Homme intelligent disposant d’une armée solide et bien organisé Samory a été l’un des plus grands résistants africains. Grâce à la technique de la « terre bruléé », il s’oppose farouchement au français et porte de sérieux coup à leurs entreprises coloniales. Attaqué par le colonel Archinard en 1891, il résiste jusqu’en 1894, date à laquelle il déplace sont royaume aux nord de la Côte d’ivoire. En détruisant la ville de Kong en 1895, il souleva contre lui l’hostilité des peuples de la côte des fleuves Bandama et Comoé. Le 28 septembre 1898, il est surpris et capturé dans sont camp de Guélémou par le colonel Gouraud. Déporté aux Gabon, il y meurt en 1900.


      3. LES RESISTANCES ARMEES TRADITIONNELLES

        Lat Dior Ngone Latyr Diop, 1842 – 1886, est né à Keur Amadou Yalla. Il devient Damel du Cayor en 1862, après sa victoire sur le Damel Madiodio imposé par les Français. En effet, pour réaliser la liaison Dakar – Saint-Louis, Faidherbe signe des traités avec les Damel Birima Ngoné, Macodou et Madiodio. Lat- Dior qui s’oppose à tous ses traités signés par ces prédécesseurs, devient dès lors une menace sérieuse pour les Français. Le premier Affrontement a lieu à Ngolgol le 30 novembre 1863 contre les troupes de Pinet-Laprade. Il leur inflige leur première grande défaite au Sénégal. Le 17 janvier 1864, Lat-Dior, battu à Loro par les Français, est contraint à l’exil dans le Rip auprès de Maba Diakhou Ba qui lui impose la conversion à l’islam. Les deux hommes battent les troupes françaises à Pathé Badiane, prés du ravin de Paoskoto, le 28 décembre 1865.

        A la mort de Maba pendant la bataille de Somb contre le Bour Sine en juillet 1967, Lat-Dior retourne au Cayor. En 1871, après quelques moment de turbulence, Pinet-Laprade finit par le reconnaître comme Damel (moyennant la signature d’un traité de protectorat). Mais la décision Française en 1879, de construire le chemin de fer Dakar – Saint-Louis, va entraîner une nouvelle rébellion de Lat Dior. Il est alors destitué 1882, et remplacé par Samba Yaya Fall, puis par son neveu, Samba Laobé Fall. Lat Dior s’exile de nouveau au Djolof, auprès d’Alboury Ndiaye. Les Français obligent Alboury à l’expulser du Djolof.

        Trop fier de lui, Lat Dior revient au Cayor et décide de libérer sa patrie au prix de sa vie. Il tombe le 26 octobre 1886, à la bataille de Dékhélé, au cours de laquelle le capitaine Valois a été aidé par l’un de ces anciens fidèle, Demba War Sall. Behanzin accède au trône du Dahomey, actuel Bénin, en 1869, succédant à son père, Glélé. Cette période coïncide avec l’invasion coloniale française à laquelle il s’oppose farouchement. En effet, son royaume entravait l’expansion Française au Niger. Son armée valeureuse très disciplinée, et comprenant un corps de femmes-soldat (les amazones), a vaillamment résisté de 1890 à 1894, à l’expédition français.

        En 1892, sous des prétextes futiles le colonel Dodds, à la tête de 3000 hommes, envahit le Dahomey. Béhanzin fut vaincu par la trahison de ses compatriotes, mais résista pendant deux ans. Il est capturé en 1894 et déporté à la Martinique puis en Algérie ou il meurt en 1906.

        Le roi du Sine Coumba Ndoffène Famak Diouf, littéralement Coumba Ndoffène Diouf Senior, dans le cadre de la résistance opposée par le peuple sérère du Royaume du Sine, dirigea la bataille de Logandème livrée le 18 mai 1859 contre les troupes coloniales françaises ayant à leur tête Louis Faidherbe, nommé gouverneur du Sénégal par le gouvernement français à Paris. L'affrontement a eu lieu à Logandème, un quartier de Fatick, qui faisait partie du royaume précolonial sérère du Sine, une région du Sénégal indépendant.

        Après la défaite de la reine Ndaté Yalla Mbodj du Waalo en 1855, Faidherbe avait décidé de lancer des guerres contre les royaumes sérères du Sine et du Saloum. Il avait déclaré tous les traités déjà signés entre les rois Sérères et les Français, ceux en faveur des Sérères, nuls et non avenus et avait demandé la mise en place de nouveaux traités selon les termes de Faidherbe. D'après des chercheurs, comme Klein, c'était une énorme erreur de la part des Français, car ouvrant la voie aux rois Sérères futurs pour utiliser le même tactique contre les Français, en particulier Maad a Sinig San-Moon Faye, le successeur de Maad Kumba Coumba Ndoffène en 1871.

        La révocation des droits excessifs des coutumes traditionnelles versés par les marchands français à la Couronne, le refus des rois Sérères d'avoir à acheter français et de posséder des terres dans les pays sérères ou de construire dans la maçonnerie (voir Maad a Sinig Hama Diouf Gnilane Faye Diouf) étaient tous des facteurs contribuant à cette guerre. En mai 1859, Faidherbe arrive à Gorée avec 200 tirailleurs et 160 troupes de marine. Il rassemble la garnison de Gorée, des gens de Gorée, de Rufisque et des Lébous de Dakar pour lutter contre les Sérères du Sine. Dans une lettre envoyée à Paris en ce qui concerne la façon dont il a prétendument réussi à obtenir le soutien des Wolofs et des Lébous, il rapporte : « Je leur ai dit qu'ils étaient Français, et que pour cette raison ils ont dû prendre les armes pour se joindre à nous et ont eu à participer à l'expédition que nous allons faire contre leurs voisins pour obtenir des réparations pour les torts de ces personnes avaient fait pour nous ».

        De Rufisque, les troupes françaises entrent à Joal, l'une des principautés du Royaume du Sine. Dans Joal, ils se heurtèrent au Buumi - prince héritier - Sanmoon Faye, qui était en patrouille avec certaines des forces du Sine. Pris par surprise et totalement ignorant de ce que les forces françaises faisaient en pays sérère, les deux parties ouvrent le feu. La force de patrouille du Sine fut forcée de se retirer, mais deux de ses membres furent capturés par les Français, et on confia à l'un d'eux la tâche d'aller dire à Maad Coumba Ndoffène Famak Diouf que l'armée française serait à Fatick dans trois jours. Il faut expliquer en passant que Fatick était l'une des plus importantes principautés du royaume du Sine.

        Dans la matinée du 18 mai 1859, l'armée française arrive à Fatick et prend ses positions. Le roi du Sine et son armée qui a été mobilisée par le son des junjung (les tambours de guerre sacrés du Sine), montaient la garde à Logandème. Vers 9 heures, l'armée Sérères ouvre le feu contre les forces françaises. Les Français ripostent et la bataille commence. A 9 h 30, bouleversés par la puissance militaire française, Maad a Sinig Coumba Ndoffène Famak Diouf et ses forces ont été contraints de faire une retraite précipitée. Quelques minutes plus tard, le roi du Sine et sa cavalerie réapparaissent sur le champ de bataille. Cependant, étant incapables de rompre les rangs français, ils sont finalement vaincus. Après la victoire française, le gouverneur Louis Faidherbe donne l'ordre de brûler Fatick et les villages environnants. Faidherbe a affirmé que 150 Sérères étaient « tués ou blessés, mais que la force française avait seulement cinq blessés ».

        Le gouvernement français à Paris a critiqué Faidherbe pour avoir effectué une expédition militaire sans l'en aviser. En réponse à cette critique, Faidherbe a affirmé qu'il ne faisait qu'occuper une superficie qui appartenait à la France depuis 1679. Selon les historiens, comme Klein, Faidherbe a joué avec les mots et a élaboré la politique de base au Sénégal, aboutissant à une occupation d'une zone qui n'avait jamais appartenu à la France. Ni le Royaume du Sine, ni aucune de ses provinces n'avait jamais appartenu aux français. En 1898, il est surpris et capturé dans sont camp de Guélémou par le colonel Gouraud. Déporté aux Gabon, il y meurt en 1900.


      4. LES RÉSISTANCES PASSIVES

        Elles ont été spontanées, populaires, culturelles, villageoises ou sous la direction de chefs religieux et de chefs traditionnels. Le refus de soumission à l’autorité coloniale s'exprime à travers des désertions, des actions de sabotage, la désobéissance civile et le refus à l’assimilation culturelle.

        Aline Sitoé Diatta est née vers 1920 à Kabrousse, un village du département d’Oussouye, en Casamance. En 1940, elle résiste au colonisateur Français, en exhortant ces concitoyens à la désobéissance civile : refus de payer l’impôt et de reconnaitre le pouvoir de l’homme blanc. Elle élabore une doctrine basée sur les principes suivant :

        • Sur le plan religieux, elle œuvre pour le retour aux croyances traditionnelles.
        • Sur le plan politique, elle brandit l’étendard de la révolution contre l’occupant Français
          en réaffirmant le droit ancestral des Noirs sur la terre d’Afrique.
        • Sur le plan économique elle recommande aux populations de boycotter la culture de
          l’arachide, source de dépendance économique, et de développé les cultures vivrières.

        Cette forme de résistance gêna l’administration coloniale qui finit par déporter Aline Sitoé Diatta au Mali. Elle mourut à Tomboutou le 28 mai 1944.

        Si Senghor a prôné le métissage et, partant, la civilisation de l'universel, c'est que chaque côté a son côté positif et son côté obscur. Là où le Nègre, comme l'Aztèque, le Zapotec ou l'Inca gardait une relation naturelle avec son environnement et l'universel de par sa cosmogonie et sa culture, l'Occidental se déshumanisait sous les faisceaux intégrateurs d'un système basé sur la technique sur laquelle elle s'appuyait pour se proclamer maître d'un monde dont elle ravageait une à une ses richesses.

        Le Nègre, comme les Indiens d'Amérique à travers Chief Seattle, aspirait à des choses plus simples, à un humanisme naturel et naturaliste qui semble forcé de disparaître, effacé par la règle et l’équerre : « Mon calvaire. Je voyais dans un songe tous les pays aux quatre coins de l’horizon soumis à la règle et au compas. Les forêts fauchées les collines anéanties, vallées et fleuves dans les fers. Je voyais les pays aux quatre coins de l’horizon sous la grille tracée par les doubles routes de fer, je voyais les pays du Sud comme une fourmilière de silence au travail. Le travail est saint, mais le travail n’est plus le geste, le tam-tam ni la voix ne rythment plus les gestes des saisons… ».

        Le remous incessant des paragraphes formant la présentation des royaumes francs contraste terriblement avec le caractère humain qu’appose le Kaya Magan à travers son empire. L’organisation semble concertée, le chef semble être père de famille, protecteur mais en même temps gardant la capacité d’écouter « dans le bois la complainte murmuré », tel Coumba Ndoffène Diouf, le pèlerin royal parcourant ses provinces, précédés par le bruit de ses aïeux et ses dioung-dioungs.

        Ce qui est très important et qu’il ne faut jamais perdre de vue c’est que, chez Senghor, l’essence même de l’homme n’est pas dans la technique, peut-être dans la technicité. Il a en opprobre le fruit ultime de l’esprit déployé par l’Occident à travers les âges, fruit ultime qui n’est pas celui de souder les cœurs mais de distiller les chairs humaines. D’ailleurs dans le paradis, ce n’est jamais la technique qui est mise en avant, mais le panorama décrit dans son poème, le « Kaya Magan »:

        « Le ravissement de vous émaillant les plaines du silence !
        Vous voici quotidiennes mes fleurs mes étoiles, vous voici à la joie de mon festin.
        Donc paissez mes mamelles d’abondance, et je ne mange pas qui suis source de joie.
        Paissez mes seins forts d’homme, l’herbe de lait qui luit sur ma poitrine »

        et encore :

        « Je suis le buffle qui se rit du Lion, de ses fusils chargés jusqu’à la gueule.
        Et il faudra bien qu’il se prémunisse dans l’enceinte de ses murailles.
        Mon empire est celui des proscrits de César, des grands bannis de la raison ou de l’instinct »
        .

        Cela ne rappelle-t-il pas un passage de la Bible ? Voyons : « Le loup et l'agneau paîtront ensemble, et le lion mangera de la paille comme le bœuf; et la poussière sera la nourriture du serpent. On ne fera pas de tort, et on ne détruira pas sur toute ma montagne sainte, dit l'Éternel ».

        Voilà l’agneau qui paît avec le loup, le buffle qui se rit du Lion, le paradis, l’Eden, la Paix. Quelle place pour les fusils chargés jusqu’à la gueule, les fusils de Ceux-qui-nous-définirent-comme-sous-homme ? Qu’ils prennent garde, qu’ils se prémunissent dans l’enceinte de ses murailles, car l’empire du poète, nouveau Kaya Magan, est l’empire des proscrits de César, dont voici, en partie, les termes de la proscription :

        « Marcus Lepidus, Marcus Antonius et Octavius Caesar, choisis par le peuple pour gouverner et mettre la république sur le droit chemin, déclarent que, si de perfides traîtres n'avaient pas demandé pitié et quand ils l'ont obtenue n'étaient pas devenus les ennemis de leurs bienfaiteurs et n'avaient pas conspiré contre eux, Gaius Caesar n'aurait pas été massacré par ceux qu'il a sauvé par sa clémence après les avoir capturé lors de la guerre, ceux qu'il a considérés comme des amis et à qui il a donné des charges, des honneurs et des cadeaux ; et nous ne devrions pas être obligés d'employer cette sévérité contre ceux qui nous ont insultés et nous ont déclarés ennemis publics » Il a opté pour l’empire des grands bannis de la raison ou de l’instinct, ceux que l’on ne voit qu’en sous-hommes. Mais si l’empire du Nouveau Kaya Magan est celui des proscrits de César, c’est certainement à cause de la teneur du premier paragraphe : « Marcus Lepidus, Marcus Antonius et Octavius Caesar, choisis par le peuple pour gouverner et mettre la république sur le droit chemin, déclarent que, si de perfides traîtres n'avaient pas demandé pitié et quand ils l'ont obtenue n'étaient pas devenus les ennemis de leurs bienfaiteurs et n'avaient pas conspiré contre eux, Gaius Caesar n'aurait pas été massacré par ceux qu'il a sauvé par sa clémence après les avoir capturé lors de la guerre, ceux qu'il a considéré comme des amis et à qui il a donné des charges, des honneurs et des cadeaux ; et nous ne devrions pas être obligés d'employer cette sévérité contre ceux qui nous ont insultés et nous ont déclarés ennemis publics ».

        Ici, les bienfaiteurs c’est le colon qui va reprocher aux colonisés de s’être révoltés après tant de bienfaits civilisateurs, après l’ouverture à tant de richesses ou bien d’avoir demandé l’indépendance. C’est la bombe lâchée dans le jardin gagné des épines, le discours de non assimilation de la Chambre de Commerce de Dakar. Mais pouvait-il en être autrement ?

        Dans Orphée noir, Jean-Paul Sartre abordera le même thème en d’autres termes : « Qu'est-ce donc que vous espériez, quand vous ôtiez le bâillon qui fermait ces bouches noires ? Qu'elles allaient entonner vos louanges ? Ces têtes que nos pères avaient courbées jusqu'à terre par la force, pensiez-vous, quand elles se relèveraient, lire l'adoration dans leurs yeux ? Voici des hommes noirs debout qui nous regardent et je vous souhaite de ressentir comme moi le saisissement d'être vus. Car le blanc a joui trois mille ans du privilège de voir sans qu'on le voie ; il était regard pur, la lumière de ses yeux tirait toute chose de l'ombre natale, la blancheur de sa peau c'était un regard encore, de la lumière condensée. L'homme blanc, blanc parce qu'il était homme, blanc comme le jour, blanc comme la vérité, blanc comme la vertu, éclairait la création comme une torche, dévoilait l'essence secrète et blanche des êtres. Aujourd'hui ces hommes noirs nous regardent et notre regard rentre dans nos yeux ; des torches noires, à leur tour, éclairent le monde et nos têtes blanches ne sont plus que de petits lampions balancés par le vent » . Césaire dira : « Ecoutez le monde blanc horriblement las de son effort immense ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures, ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs ».

        Pour s’associer au poète et donner le coup de grâce, Sartre continue : « Nous voilà finis, nos victoires, le ventre en l'air, laissent voir leurs entrailles, notre défaite secrète. Si nous voulons faire craquer cette infinitude qui nous emprisonne, nous ne pouvons plus compter sur les privilèges de notre race, de notre couleur, de nos techniques : nous ne pourrons nous rejoindre à cette totalité d'où ces yeux noirs nous exilent qu'en arrachant nos maillots blancs pour tenter simplement d'être des hommes ».

        Le coup est lâché. Pour la Négritude, le problème, encore une fois, ne se pose pas en termes de techniques, d’inventions, bien qu’elle ne s’oppose à la technicité. Ces choses ne sont pas exclues, mais sont reléguées au deuxième plan puisque devant être au service de l’homme et non un moyen de sa destruction. Pour réellement appréhender la répugnance que Senghor éprouve devant la technique du blanc, il faut visualiser la superbe série « Les Grandes Batailles » du documentariste et auteur de télévision Daniel Costelle. Dans « Chant de printemps », Senghor, comme un reporter de guerre, caméra sur l’épaule, braque l'objectif sur une de ces scènes horribles de la Deuxième Guerre mondiale et nous montre la jungle moderne et destructrice qui s’est apposée sur l’originale de l’Afrique : « Ecoute mon ami, lointain et sourd, le grondement précoce de la tornade comme un feu roulant de brousse. Et mon sang crie d’angoisse dans l’abandon de ma tête trop lourde livrée aux courants électriques. Ah ! Là-bas l’orage soudain, c’est l’incendie des côtes blanches de la blanche paix de l’Afrique mienne. Et dans la nuit où tonnent de grandes déchirures de métal, entends plus près de nous, sur trois cents kilomètres, tous les hurlements des chacals sans lune et les miaulements félins des balles, entends les rugissements brefs des canons et les barrissements des pachydermes de cent tonnes. Est-ce l’Afrique encore cette île mouvante, cet ordre de bataille, cette longue ligne rectiligne, cette ligne d’acier et de feu ?... Mais entends l’ouragan des aigles-forteresses, les escadres aériennes tirant à pleins sabords et foudroyant les capitales dans la seconde de l’éclair. Et les lourdes locomotives bondissent au-dessus des cathédrales et les cités superbes flambent, mais bien plus jaunes, mais bien plus sèches qu’herbes de brousse en saison sèche. Et voici que les hautes tours, orgueil des hommes, tombent comme les géants des forêts avec un bruit de plâtras… »

        Voyant que le Blanc s’est positionné dans sa technique qui a la terrifiante capacité de destruction, pourquoi l’humaniste revendiquerait-il une place auprès de lui, pourquoi lui lancerait-il un défi dans ce Colysée du carnage, de la déshumanisation ? Et en plus, science et technologie ne sont pas des synonymes, la dernière étant, d’un point de vue, fille de l’autre, son application.

        Il serait malhonnête pour les pères de la Négritude de nier les avancées de l’autre, mais ce sont des avancées qui, en dépit de notre monde qui semble ne pas pouvoir ou plutôt oser s’arrêter et prendre une autre direction, leur sont répugnantes. Et ils ne sont pas les seuls. Depuis l’avènement de la bombe atomique, la course à l’armement et maintenant tous les projets visant au clonage, à la production des OGM, beaucoup d’Occidentaux ont commencé à sérieusement se poser des questions et à s’engager corps et âmes contre les garanties précaires, les expérimentations hasardeuses. En réalité, l’autre camp n’a de couleur que dans la mesure où l’on s’est servi de la couleur du Nègre pour faire accepter l’assujettissement. Même sans colonisation, le Nègre se serait senti solitaire dans le système déporté chez lui, solitaire dans la globalisation devenue petit à petit mondialision, le contraire même de la Civilisation de l'Universel. C’est le choc des cultures que toute personne ressent lorsqu'elle sent que la sienne est submergée par une autre. Ici le degré est toutefois fatal, puisque découlant d’une imposition après assujettissement et reniement. Déjà en 1992, un collègue finlandais regardait froidement les avancées de la mise en place de l'Union Europénne : premièrement il y aura un mouvement des nations vers cette union mais, avec le temps, à cause de géants qui sembleront dicter les voies à suivre, en particulier l'Allemagne, la France et l'Angleterre, on risque de voir un nationalisme se redresser dans les petites nations pour contrer cette langue qui les happe pour faire disparaître leur identité intrinsèque. L'etat actuel des choses semble confirmer cette vision avec les menaces de la Grèce à un certain moement donné et une grande suprise qui laisse tout le monde pantoi, à savoir le Brexit entamé par une des premières puissances de l'Union.

        Le réveil brutal à cet état de fait de la nature de la science appliquée a poussé au développement ou la remise en surface de l’étique de la science et poser la question : Une Science au service de l’humanité ou une menace ? Nous savons que « Pour beaucoup de scientifiques, techniciens et bien d’autres personnes, la science et la technologie sont intrinsèquement bénéfiques à l’humanité. Depuis trois siècles, l’essor des sciences et leur impact social ont été énormes. Pourtant, la recherche scientifique depuis 1945 est caractérisée par la prééminence du secteur militaire. La science et la technique ont créé la plus grande menace ayant jamais existé pour l’homme et toute la vie terrestre : la bombe atomique. Plus récemment, les recherches dans le domaine de la génétique et les avancées en matière de clonage humain ont projeté sur nos écrans des images de chercheurs “ docteurs folamours diaboliques”. Face à cela, il s’avère urgent de se demander, comment, et sur quelles bases saines, engager l’esprit imaginatif, l’énergie intellectuelle et matérielle consacrés à la recherche et ses applications ».

        Tout récemment, le célèbre cosmologiste et physicien britannique Stephen Hawking, né le 8 janvier 1942 à Oxford, a expliqué, en marge d’une conférence pour la BBC, que le genre humain était en passe de devoir affronter ses moments les plus difficiles; que le progrès génère des dangers existentiels. D’après Monsieur Hawking, il est presque certain qu’une catastrophe frappera la planète Terre d’ici un à dix milliers d’années. En revanche, « nous n’établirons pas de colonie autarcique dans l’espace avant au moins les cent prochaines années, donc nous devons être très prudents durant cette période », a-t-il expliqué à la chaîne britannique Radio Times.

        Cette inquiétude est partagée par Carl Sagan qui, en plus d’être un astrophysicien connu pour son scepticisme, était également un homme lucide et visiblement visionnaire. Il a fait « une prédiction » sinistre sur l’avenir du monde il y a de cela plus de 20 ans : « En 1995, l’astrophysicien Carl Sagan, publiait un livre intitulé « The Demon-Haunted World », un manifeste du rationalisme et du développement des connaissances qui met en garde contre les dangers des pseudosciences et de l’analphabétisme scientifique et qui encourage ses lecteurs à apprendre la pensée critique et sceptique. Il semblerait qu’en plus d’être doué dans son domaine, l’astrophysicien était également visionnaire : Carl Sagan nous parle de baisse des emplois manufacturiers, d’une certaine défiance de la population envers la politique et des politiciens qui ne peuvent ou ne veulent représenter l’intérêt de tous et de technologies révolutionnaires et brillantes qui ne semblent pas servir le bien public. Sagan prédit alors un penchant de plus en plus prononcé pour les superstitions et les pseudosciences et, encore plus inquiétant, et que le public sera intellectuellement incapable de distinguer ce qui servira ses intérêts ou non.

        C'est le même état de fait qui a donné naissance au mouvement éthique dans les sciences, mouvement dont nous donnerons ci-dessous, les textes majeurs qu'il a engendrés. Ce mouvement est né « d’une prise de conscience interne. La réflexion éthique sur les sciences a des origines très anciennes. En fait elle a toujours été présente sous la forme d’une question qui hante toute démarche de recherche et application scientifique : « que faire ?», ou encore à travers les écrits et discours de grands noms de la science comme Rabelais « Science et conscience », Pascal et bien d’autres. Plus récemment, le siècle qui vient de s’achever a été jalonné de remises en question sérieuses du bien fondé de la recherche et de ses applications aux vues de certaines conséquences catastrophiques pour l’humanité.

        « Au XXème siècle, des évènements dramatiques obligent les sciences à se doter de textes véritables gardes fous éthiques. La Première Guerre Mondiale a semé un vent de panique : des millions de jeunes fauchés par des techniques de mort perfectionnées, une génération martyrisée qui provoqua un ressentiment anti science profond dans les années vingt. 1945, un double choc terrible pour les consciences : la bombe d’Hiroshima et la découverte d’Auschwitz. Le monde scientifique se mobilise. En lien direct avec Auschwitz, et à l’initiative des biologistes et des médecins est né en 1947 le code de Nuremberg pour encadrer strictement l’expérimentation sur les êtres humains. Après Hiroshima et principalement à l’initiative des physiciens en 1955 le Manifeste Russell - Einstein voit le jour. Il est publié à Londres le 9 Juillet 1955 ».

        Deux ans plus tard, les Mouvements de Pugwash pour la science et les affaires mondiales sont instaurées. Elles recevront le prix Nobel de la Paix en 1995, puis suit le Traité de Non Prolifération Nucléaire, TPN , signé le 1er juillet 1968 puis promulgué en 1969 pour 25 ans puis renouvelé, et enfin le manifeste de Séville, diffusé par décision de la Conférence générale de l'UNESCO à sa vingt-cinquième session à Paris, France le 16 novembre 1989.

        Ce fut en 1986 que des scientifiques des quatre coins de la planète rédigèrent ce manifeste, y dénonçant des a priori pseudo scientifiques sur la violence. Là ils déclarent qu’il est de leur responsabilité d’attirer l’attention de tous sur les activités les plus dangereuses et les plus destructrices de notre espèce à savoir la violence et la guerre.

        Rédigé sous formes de cinq propositions, ils y dénoncent les a priori qui font que plus de 50% des jeunes du monde entier croient au mythe selon lequel la violence et la guerre seraient inhérentes à la nature humaine, opinion probablement partagée par une large partie du public quelque que soit l’âge, le niveau d’instruction et l’origine sociale.

        Contre les secousses de la science qui ne cessent de se répercuter, la lutte continue toujours, comme un écho venu du fond du cœur des hommes de la Négritude, cet humanisme profond qui se veut début et fin de l’homme, sa raison d’être. L’un d’entre eux n’a-t-il pas dit : « Et au-delà, la plaine soudanaise que dessèchent le Vent d’Est et les maîtres nordiques du Temps et les belles routes noires luisantes que bordent les sables, rien que les sables les impôts les corvées les chicottes et la seule rosée des crachats pour leurs soifs inextinguibles au souvenir des verts pâturages atlantidiens, car les barrages des ingénieurs n’ont pas apaisé la soif des âmes dans les villages polytechniques » ?

        La négritude chante la différence, réfute et refuse la déshumanisation de l’homme, « l’appel des caméléons sourds de la métamorphose ». Voilà l’un de ses pères qui convoite la simplicité humaine de la vie en ironisant les gadgets étalés comme une fourrure renouvelée de la Bête, ou une fourrure de la Bête renouvelée : « Vous ignorez le bon pain blanc et le lait et le sel, et les mets substantiels qui ne nourrissent pas, qui divisent les civils et la foule des boulevards, les somnambules qui ont renié leur identité d’homme, caméléons sourds de la métamorphose, et leur honte vous fixe dans votre cage de solitude. Vous ignorez les restaurants et les piscines, et la noblesse au sang noir interdite, et la Science et l’Humanité, dressant leurs cordons de police aux frontières de la négritude ». Un autre père dira : « Au bout du petit matin ...Va-t-en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t-en je déteste les larbins de l'ordre et les hannetons de l'espérance. Va-t-en mauvais gris-gris, punaise de moinillon. Puis je me tournai vers des paradis pour lui et les siens perdus, plus calme que la face d'une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d'une pensée jamais lasse je nourrissais le vent, je délaçais les monstres et j'entendais monter de l'autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane que je porte toujours dans mes profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d'un sacré soleil vénérien ».

        Ne serait-il pas prétentieux de notre part de vouloir recadrer la dimension de la Négritude ? Ne serait-ce pas trop ? Nous disons non, si l’on prend en compte la valse lancinante des écrits de ses pères. Bien sûr, puisque dès le départ le Nègre est attaqué dans sa couleur, à travers sa couleur, puis réduit en quasi animal dont la langue n’est pas aussi développée que cela et dont les coutumes sont barbares, et qu’il fallait par conséquence le classer comme un énergumène particulier d’un niveau un peu plus évolué que les autres primates – après tout, le chimpanzé a des choses plus proches de l’homme que le lion, donc pourquoi pas le Nègre juste un peu plus que le Chimpanzé mais n’arrivant même pas à la cheville de l’Occidental, du Caucasien ? – sa première réaction est de se redispositionner par rapport aux accusations. Ou aurions-nous du dire par rapport aux condamnations ?

        Il est vrai que l’homme blanc, classificateur des genres, a beaucoup créé et apposé sa raison de fer sur la nature. Il a redonné visage à mille choses ; il sait vider la terre de ses entrailles comme les moustiques vident le sang des enfants ; il a défié la pesanteur, s’est arraché de la terre, puis déplié des ailes plus larges que palmes de rôniers au-dessus de la cime des arbres ; il a créé des étoiles filantes que l’on peut voir la nuit, lentes comme des tortues à l’échelle des météores de Dieu ; il sait transformer en four toute une ville et le chauffer si terriblement que la farine surréelle, chair humaine, acier, colonnes de bétons devienne plus fine que cendre ; il a commencé la vente de terrains sur la lune ; devant l’arbre fruitier il voit les lignes rabotées d’un fauteuil Louis XIV dans un salon ; la mer est parcourue de lignes imaginaires, grand gâteau réparti entre les nations qui déploieront leurs filets contre les enfants de ma vie marine tandis qu’au loin un sexe d’acier fouille l’oreiller profond des baleines et des dauphins ; c’est vrai qu’au soir, repu du bruit citadin, l’on déploie le cocktail de sirènes et de klaxons et de mégaphones des enfants initiés au nid secret de Mammon.


  2. LE MOUVEMENT NEGRITUDE

    C'est dans le lot des résistances passives qu'il faut bien mettre le mouvement de la Négritude. Intellectuels assemblés dans la métropole et vivant au quotidien la discrimination à titre personnel ou bien à partir des échos qui leur parviennet des colonies et la politique qui y est appliquée, ils ne pouvaient rester sourds ou bien aveugles face aux rires bananias sur les murs de Paris. Après la Deuxième guerre mondiale et vu le degré de barbare déployé par l'Esprit Evolué et Super Homme, cela le pouvait plus émouvoir le Nègre. Ce n’est pas cela son aspiration, car tout au long des barricades longeant ces éléments, le compagnon-jamais-absent semble être la déshumanisation. L’homme s’érige d’emblée en instrument, une enveloppe pour cette Bête terrassée qui semble somnoler tout en grognant sournoisement en guise de ronflement. Le Nègre veut se tourner « vers le paradis pour lui et les siens - entendez l’homme blanc - perdu, plus calme que la face d'une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d'une pensée jamais lasse, nourrir le vent, délacer les monstres ». Il entend « monter de l'autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane [qu’il] porte toujours dans [ses] profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d'un sacré soleil vénérien » .

    Jean Paul Sartre dira : « Il est un autre motif qui court comme une grosse artère à travers ce recueil : « Ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole ... » Ils savent en ses moindres recoins le pays de souffrance ... A l'absurde agitation utilitaire du blanc, le noir oppose l'authenticité recueillie de sa souffrance ; parce qu'elle a eu l'horrible privilège de toucher le fond du malheur, la race noire est une race élue. Et bien que ces poèmes soient de bout en bout antichrétiens, on pourrait, de ce point de vue, nommer la négritude une Passion : le noir conscient de soi se représente ses propres yeux comme l'homme qui a pris sur soi toute la douleur humaine et qui souffre pour tous, même pour le blanc : La trompette d'Armstrong sera au jour du jugement l'interprète des douleurs de l'homme. »

    Devant la technique vers laquelle veut se réfugier le Blanc comme preuve irréfutable de sa suprématie, le Nègre va se dresser, bien avant les mouvements ayant accouché de manifestes et de traités, contre cette ivraie, ces lambeaux de la Bête que l’Humain a tendance à oublier. Il a vécu et veut continuer à vivre dans la simplicité du Paradis, entouré des fleurs de la brousse, des papillons dépliant contre le ciel des tableaux surréels aux couleurs variées, marchant sur la souplesse de sa chair contre le sable fin, prêtant sa chevelure aux caresses des peignes souples des cascades du Zambèze et gardant la mémoire ardente des Ancêtres par delà : « la plaine soudanaise que dessèchent le Vent d’Est et les maîtres nordiques du Temps et les belles routes noires luisantes que bordent les sables, rien que les sables les impôts les corvées les chicottes et la seule rosée des crachats pour leurs soifs inextinguibles au souvenir des verts pâturages atlantidiens, car les barrages des ingénieurs n’ont pas apaisé la soif des âmes dans les villages polytechniques » .

    Il veut se dresser contre cette hache qu’on lui a tendue contre les arbres pour des traverses de voies ferrées. Il a dans la mémoire le viol, déchirement des jupes frêles de nos arbres millénaires qui gardaient un alignement des constellations perdu de la mémoire : « Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers qui dominait l’Afrique, au centre de l’Afrique. Droits et durs les Saras beaux comme les premiers hommes qui sortirent de vos mains brunes. Elles abattirent la forêt noire pour en faire des traverses de chemin de fer ; elles abattirent les forêts d’Afrique pour sauver la Civilisation, parce qu’on manquait de matière première humaine». Ecoutons Césaire nous dire : « Ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole ceux qui n'ont jamais su dompter ni la vapeur ni l'électricité ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel ... »

    « Mais cette revendication hautaine de la non-technicité renverse la situation : ce qui pouvait passer pour un manque devient source positive de richesse. Le rapport technique avec la Nature la dévoile comme quantité pure, inertie, extériorité : elle meurt. Par Son refus hautain d'être homo faber, le nègre lui rend la vie. Comme si, dans le couple homme-nature, la passivité d'un des termes entraînait nécessairement l'activité de l'autre. A vrai dire, la négritude n'est pas une passivité, puisqu'elle troue la chair du ciel et de la terre : c'est une patience, et la patience apparait comme une imitation active de la passivité. L'action du nègre est d'abord action sur soi. Le noir se dresse et s'immobilise comme un charmeur d'oiseaux et les choses viennent se percher sur les branches de cet arbre faux.

    « Il s'agit bien d'une captation du monde, mais magique, par le silence et le repos : en agissant d'abord sur la Nature, le blanc se perd en la perdant ; en agissant d'abord sur soi, le nègre préfère gagner la Nature en se gagnant. Ils s'abandonnent, saisis, à l'exercice de toute chose ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose insoucieux de compter, mais jouant le jeu du monde véritablement les fils aînés du monde poreux à tous les souffles du monde ...chair de la chair du monde palpitant du mouvement même du monde. On ne pourra se défendre, à cette lecture, de songer à la fameuse distinction qu'a établie Bergson entre l'intelligence et l'intuition.

    « Et justement Césaire nous appelle Vainqueurs omniscients et naïfs. De l'outil, le blanc sait tout. Mais tout griffe la surface des choses, il ignore la durée, la vie. La négritude, au contraire, est une compréhension par sympathie. Le secret du noir c'est que les sources de son existence et les racines de l'Être sont identiques. Si l'on voulait donner une interprétation sociale de cette métaphysique, nous dirions qu'une poésie d'agriculteurs s'oppose ici à une prose d'ingénieurs. Il n'est pas vrai, en effet, que le noir ne dispose d'aucune technique : le rapport d'un groupe humain, quel qu'il soit, avec le monde extérieur est toujours technique, d'une manière ou d'une autre. Et, inversement, je dirai que Césaire est injuste : l'avion de Saint-Exupéry qui plisse la terre comme un tapis au-dessous de lui est un organe de dévoilement. Seulement le noir est d'abord un paysan ; la technique agricole est droite patience; elle fait confiance à la vie; elle attend. Planter, c'est enceinter la terre ; ensuite il faut rester immobile, épier : chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr, chaque instant apporte cent fois plus que l'homme n'avait donné, au lieu que l'ouvrier ne retrouve dans le produit manufacturé que ce qu'il y avait mis ; l'homme croît en même temps que ses blés ; de minute en minute il se dépasse et se dore ; aux aguets devant » . Ici, il y a lieu d’appliquer un petit redressement des choses et présenter des excuses surtout celles qui nous sont propres. Mais avant cela, permettez-nous de dire à Sartre que les poèmes ne sont pas antichrétiens. S’il y a un semblant, cela n’émane que du fait qu’en réalité, dans ce combat Nègre, après la restitution culturelle et la mise au point visant à faire voir que le noir n’est que couleur et, partant, émail sur le même élément apposé à l’épiderme du frère-aux-yeux-bleus, rien n’est vraiment propre au Nègre. Tout, d’emblée, part de l’Humain pour retourner à lui comme un boumerang dans sa trajectoire fatale. Donc, en parlant de « Blanc » pour décrire l’autre camp, il se pose un problème de champ sémantique. Il y a des Blancs conscients qui ont l’anima Nègre et qui participent au combat contre les mêmes causes que la Négritude dans son côté extensionnel. En ne cernant pas cette réalité, les Nègres vont tomber sur des pièges terribles qui jonchent notre ère : au lieu d’accepter que certaines transformations sont intrinsèquement liées au développement de l’homme, ils ont tendance à les mettre sur le compte des blancs. Toute société se transforme…

    Prenant part dans le combat à côté des Nègres, nous pouvons compter ceux qui permirent que voie le jour le moratoire d’Asilomar sur les manipulations génétiques en 1975, puis lors des nouvelles secousses qui les réveillèrent avec la catastrophe de Tchernobyl en Russie, et l’affaire du sang contaminé en France. Ces évènements avaient provoqué de vives émotions dans les opinions publiques et marqué un tournant, notamment en France, dans les relations entre science et société. Ainsi se pose un nouveau problème relationnel : la science, l’éthique et la responsabilité intergénérationnelle : « La science et la technologie posent des questions nouvelles qui élargissent le champ de réflexion en matière d’éthique. Il en est ainsi des problèmes posés par les déchets radioactifs par exemple, qui crée une responsabilité intergénérationnelle, puisque la question de leur traitement se projette très loin dans le temps. Ces préoccupations se sont traduites par la déclaration universelle sur les devoirs des générations présentes envers les générations futures, adoptée par l’Unesco en 1997, contribuant ainsi au développement d’une éthique commune ». ET

UN RAPIDE EXEMPLE POUR LE DICtiONNAIRE

Njamala Njogoy