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samedi 20 juin 2020

AUTOPSIE D'UN ROYAUME D'ENFANCE


AUTOPSIE D'UN ROYAUME D'ENFANCE


The Third World se demande : « Maintenant que nous avons trouvé l'amour / Qu'allons-nous en faire ? » et Stevie Wonder, dans “ Mater blaster jamming ˮ, de renchérir : « Ils veulent qu'on se joigne à leur combat / Mais notre réponse aujourd'hui / Et de laisser [glisser] tous nos soucis / Comme la brise à travers nos doigts. / La paix est arrivée au Zimbabwe, / Le Tiers Monde est à la une / C'est le temps de la célébration / Et nous ne faisons que commencer.» Recommencements perpétuels à tout évènement majeur, de notre Table Ronde nappée à la rumba congolaise en Belgique en passant par la longue marche de Martin Luther King, la création de l'OUA, celle d'Air Afrique qui unissait l'Afrique du nord au sud et de l'est à l'ouest, la libération de Mandela… tant d'évènements durant lesquels les africains font des bonds qui ne survivent pas à dix secondes. Toujours cet élan patriotismo-continentalo-épidermique comme une sangsue rivée à notre identité !

Et on a au fond de la gorge l'amer goût que les messages sous-jacents à ces évènements, messages auxquels vient s'ajouter celui de la Covid-19, semblent nous laisser complètement indifférents comme tombés dans de sourdes oreilles contre lesquelles viennent mourir les échos innombrables de nos grandes gueules vides. Et, malheureusement ce n'est pas une surprise car c'est le fait de s'attendre à ce que l'Afrique, surtout le Sénégal, en apprenât quelque chose qui aurait été surprenant.

Ainsi donc, l'ère des monuments a sonné. Pas de leur construction, mais celle de leur déboulonnement à travers le monde. Bien avant cela, Léopold Sédar Senghor, en précurseur, déchirait les rires banania sur les murs de Paris, on a tendance à l'oublier. Bien après les statues qu'on fit tomber concomitamment à la chute de l'URSS, bien après la chute de celle de Saddam Hussein, Saint-Louis-du-Sénégal s'est tournée vers celle du gouverneur Faidherbe... À la mort de Floyd, c'est un semi tsunami au cœur les anciens empires coloniaux, la condition du nègre étant toutefois l'œil du cyclone.

Nous comprenons et sommes d'accord, tout en nous munissant d'un autre paramètre qui nous pousse à nous demander si nous mesurons l'étendue des démolitions à atteindre forcément si nous voulons rétablir la pureté de notre environnement culturel et historique originel en lavant celui-ci à grands coups de piques et de marteaux.

Là, n'est-ce point l'autopsie de notre royaume d'enfance qui s'impose ? En parlant de dénaturation, voire d'acculturation, il est bien naturel et plus facile que les regards désintégrateurs se tournent vers et contre la France, l'infâme puissance coloniale. Très facile, disons-nous, même de la part de professeurs d'histoire émérites, à étaler les dizaines de milliers de gens massacrés par Faidherbe. C'est tout à fait exact. Et abominable. Mais chez un professeur il y a forcément l'approche descriptive et non normative qui s'impose. Puisqu'il est question de terribles crimes commis contre la race noire, que s'est-il donc passé à Nder ? Une simple razzia de voyous à la recherche d'esclaves ? Que disons-nous de Nder que nous voulons maintenant célébrer chaque année avec un petit peu de fard de féminisme qui amenuise quelque peu l'étendue du drame ?

Comment pourrons-nous égrener les chapelets des affres de la colonisation et laisser de côtés les 17 millions de noirs vendus par les arabes, esclaves qui ne laisseront pas de diaspora puisque castrés à leur arrivée pour servir d'eunuques et dont près de 80 % mourraient des suites de l'opération ? « En castrant la plupart de ces millions de malheureux, l'entreprise ne fut ni plus ni moins qu'un véritable génocide, programmé pour la disparition totale des Noirs du monde arabo-musulman, après qu'ils furent usés, utilisés, assassinés » (Cf. Tidiane Ndiaye, Le génocide voilé).

Au moins aux États Unis il y a la trace des esclaves, cette diaspora qui y est présente aujourd'hui tandis que dans les pays arabes c'est tout le contraire à cause de cette pratique de castration systématique ! Comble de scandale, Bilal est soulevé comme un trophée parmi les nègres, lui qui, dit-on, fut parmi les 5 premiers compagnons du prophète – et quel place lui est réservée ? C'est en cela que chaque jour, en jetant un regard critique alentour, nous nous posons la question sur la vision de Ibn Batouta qui dit : « Au sud du Nil existe une race nègre [dont les hommes] ressemblent plutôt aux animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables. [...] Quelquefois ils se dévorent les uns les autres ; aussi ne méritent-ils pas d'être comptés parmi les hommes [...], leur place étant plus proche du stade bestial » ou encore : « … les seuls peuples à accepter l'esclavage sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade animal »

Attention, ici nous ne sommes pas en train de justifier un côté face à l'autre. Plutôt, contrairement à l'approche générale, nous mettons tous les deux sur la même balance. Et en le faisant, nous semblons obtenir le même poids ! Donc nous invitons à ne pas avaler un chameau et refouler de sa bouche un moustique ! Ici, disons-nous, l'esprit est d'emboîter le pas à Sembene Ousmane dans son film « Ceddo » où il a le courage qui nous manque de nos jours de tout mettre sur la balance ; il a eu la sagesse qui s'arme de discernement et, partant, n'a pas le droit de s'habiller d'un obscurantisme pour occulter la réalité et cela ni sur la base d'une conviction politique, philosophique ou religieuse. Parmi les arabes, il n'y avait pas de distinction entre fidèles musulmans et ceux qui s'adonnaient aux razzias : ils étaient un et indissociables, comme en témoigne l'histoire de Godomaat. « Ama Gôdô Maat (ou Ama Gôdô Maat ) est le nom donné dans la tradition orale à un archer Sérère du 11ème siècle. Ce récit affirme qu'Abou Bakr, un chef almoravide a été tué d'une flèche par Ama Gôdô Maat au nord du Sénégal lors d'une razzia couplée à un djihad. Selon la tradition orale, le nom de Godomat proviendrait apparemment de " Amar ou Amath (fee) Roog o Maad", "Amar Dieu Roi", "Amar [de] Dieu [qui seul est] roi".

Ce sujet de déboulonner les statues nous met mal à l'aise à cause d'une approche autruche qui sévit actuellement au Sénégal : On parle de « nasaraan » sans savoir réellement de quoi il s'agit puisque le terme a une connotation religieuse plutôt que raciale et n'a rien à faire avec Tubaab: il vient de Nazaréen, titre que l'on donnait à Jésus (Jésus de Nazareth, comme qui dirait Mbar o Ndiongolor) puisque ses parents vivaient à Nazareth. Le terme sera par la suite collé aux chrétiens mais, bien avant cela, aux judéonazaréens qui jouèrent d'ailleurs un grand rôle dans le proto-islam à Yatrib qui n'est autre que Médine où ils vinrent s'installer après la destruction du deuxième temple de Jérusalem en l'an 70 (après Jésus-Christ). AL Ya'qubi a écrit : « Parmi les arabes qui sont devenus nazaréens, il y a un groupe de Qurayš… parmi eux figure… et Waraqa Ibn Nawfal ibn Assad » (Cf. Al Ya'qubi, Histoire, Tarih, trad. Houtsma, Leiden, 1883, vol. 1 p.257 / Azzi, p.29). Il faut aussi souligner que peu après le début du livre premier de La collection authentique Al Jâmi' Al Sahîb, le commentateur AL-BUHÂRI (m. 870) donne les indications suivantes : « Cet home [Waraqa], qui était le cousin de Hadija du côté de son père, avait embrassé le nazareïsme avant l'apparition de l'Islam. Il savait l'hébreu et avait copié en hébreu toute la partie de l'évangile que Dieu avait voulu qu'il transcrivît. D'ailleurs ce même commentateur apporta une autre précision : Lorsque Waraqa est mort, la révélation [de Muhammad] s'est tarie » (AL BUHÂRI, al Jâmi, as şahih, Le Caire, sans date, vol. I, p.38 / AZZI p.45)

Ainsi, avec une extrême allergie, les nasaraan sont mis en opposition lorsqu'on parle de « suñu mag ñu baax ña », ancêtres dont la génération ne fait pas la distance d'un jet de pierre dans le passé. N'est-ce point évident que ni Lat-Dior, Ni Coumba Ndoffène, ni Aline Sitoé Diatta, ni Ndiadiane Ndiaye et encore moins Waasila Maak o yaal a Tiiñaan, ne vient à l'esprit lorsque cette expression est dégaînée ? Et si tel est le cas, n'est-ce point un grand tort envers le Pharaon noir, Cheikh Anta Diop qui s'est tellement battu pour nous faire remonter à cinq mille marches d'escalier de l'histoire ?


mardi 2 juin 2020

DEMOCRATIE ET (IN)CIVISME

DEMOCRATIE ET (IN)CIVISME

Du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, la Covis-19 a montré que les régimes forts auraient pu s'en sortir ou peuvent s'en sortir mieux, surtout en matière de suivi des règles de confinement. Tous sont d'avis qu'une réussite d'érradication de cette pandémie repose presque intégralement sur un strict suivi des directives indiquées par les corps médicaux et décrétées par les gouvernements. C'est dire que la réussite repose sur l'autodiscipline des peuples; que les peuples imbus de civisme et accrochés à une bonne éducation réussiront mieux. Par contre, dans des pays comme le nôtre, où insubordination et ignorance s'allient à l'obscurantisme, il n'y aura que des pierres d'achoppement sur la piste menant au succès des efforts déployés pour endiguer l'expansion de cette pandémie. C'est dans des situations comme celle qui prévaut que les régimes forts sont salutaires car en eux on ne saurait assister à la remise en question quasi journalière des directives données par les autorités.

Osons le dire : En matière d'incivisme, le Sénégal mérite une place dans le Guinness et cet incivisme sévit depuis longtemps : il a eu sa partition dans la grande pièce orchestrale des catastrophes, ravissant même la palme d'or de l'horreur maritime avec la catastrophe du Diola. Et les scènes se poursuivent car n'y a-t-il pas toujours des bus surchargés dont les apprentis montent dégager des bagages afin de pouvoir passer sous un pont ? N'a-t-on pas assisté au théâtre de gens urinant entre la file des véhicules bloqués dans un embouteillage ? Un chauffeur n'a-t-il pas fait grimper son taxi sur une passerelle pour piétons à cause de la pluie ? Faut-il omettre de la liste les automobilistes qui changent leur pneu crevé en pleines voies de circulation ? Et des gens qui, durant un couvre-feu, prennent des sentiers de brousse pour regagner d'autres villes ? Et un agent sanitaire contaminé qui fuit et va contaminer sa communauté ? Le haut fonctionnaire qui se bat pour des per diem, condition sine qua non pour aller secourir les victimes d'une catastrophe, comme un ambulancier se battrait pour une cravate ou se soucierait de l'état de sa coiffure devant un accidenté au crâne ouvert ?

L'image de la rue renseigne rapidement sur l'état économique et le degré civique d'un pays, sur la mentalité qui le régit ou y sévit : au Sénégal le parc automobile est fantastique, mais presque 99% des véhicules portent des égratignures et/ou sont cabossés ; nous traversons les rues comme un troupeau de moutons, aveugles aux feux de réglementation de circulation que nous prenons comme un simple ornement ; parmi tables et étalages posés jusque sur la chaussée, les mots « ordre », « méthode » et « propreté » semblent être des chimères. Penser appliquer un revirement total en une nuit tiendrait d'une prière projetée vers le Ciel et que l'on ne sait exhaussable ou non. C'est dire que c'est bien bien-avant-hier qu'il aurait eu fallu redresser les choses, car le civisme ne s'apprend encore moins ne peut s'appliquer en une nuit. Comment peut-on d'ailleurs redresser, puisque cet incivisme qui se dresse dru comme une colonne faite de diamant s'alimente à l'amalgame que l'on a de la notion de liberté et de liberté d'expression en se gavant de « yasi » tonifiant et portant ses boucliers électromagnétiques de « maŋkaane » acquis auprès des Devins Défenseurs de Droits ?

C'est bien εποχή της δημοκρατίας, (lire : épokhé tés démokratias = l'époque de la Démocratie), qui a sonné ! En réfléchissant sur la situation sénégalaise, on ne peut ne pas être tenté de repeser cette fixation du monde sur l'idéal démocratique. Et pourquoi pas, puisque le Professeur Fukuyama l'a fait avec le néo-libéralisme ? Ne peut-on pas raisonnablement trouver bizarre, dans un monde qui avance à grande vitesse et se réadapte sans cesse à cause de l'avancée technologique et des métamorphoses sociales, le fait que le système politique n'ait été revisité par les érudits modernes, comme jadis en Grèce, et cela pour voir s'il n'y a pas d'autres variances ou alternatives ?

Platon savait que la démocratie finit toujours par succomber sous son propre poids, qui n'est autre que la liberté qu'elle-même prône : « Mais n’est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie regarde comme son bien suprême qui perd cette dernière? À savoir la liberté. En effet, dans une cité démocratique, tu entendras dire que c’est le plus beau de tous les biens, ce pourquoi un homme né libre ne saurait habiter ailleurs que dans cette cité. (…) Lorsqu’une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle s’enivre de ce vin pur au-delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie, les accusant d’être des criminels et des oligarques. Et ceux qui obéissent aux magistrats, elle les bafoue et les traite d’hommes serviles et sans caractère. Par contre, elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l’air d’être gouvernés et les gouvernés qui prennent l’air d’être gouvernants. N’est-il pas inévitable que dans une pareille cité l’esprit de liberté s’étende à tout ? Qu’il pénètre dans l’intérieur des familles (…) Que le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour ses parents, parce qu’il veut être libre, que le métèque devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque, et l’étranger pareillement. Voilà ce qui se produit et aussi d’autres petits abus tels que ceux-ci. Le maître craint ses disciples et les flatte, les disciples font peu de cas des maîtres et des pédagogues. En général les jeunes gens copient leurs aînés et luttent avec eux en paroles et en actions ; les vieillards de leur côté s’abaissent aux façons des jeunes gens et se montrent pleins d’enjouement et de bel esprit, imitant la jeunesse de peur de passer pour ennuyeux et despotiques (…) Or, vois-tu le résultat de tous ces abus accumulés ? Conçois-tu bien qu’ils rendent l’âme des citoyens tellement ombrageuse qu’à la moindre apparence de contrainte ceux-ci s’indignent et se révoltent ? Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s’inquiéter des lois écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître. »

Et le livre d'Urantia d'enchérir :

« Bien que la démocratie soit un idéal, elle est un produit de la civilisation et non de l’évolution. Allez lentement ! Choisissez soigneusement ! Car voici les dangers de la démocratie :

  1. La glorification de la médiocrité.
  2. Le choix de dirigeants ignorants et vils.
  3. L’incapacité de reconnaitre les faits fondamentaux de l’évolution sociale.
  4. Le danger du suffrage universel aux mains de majorités frustes et indolentes.
  5. L’asservissement à l’opinion publique ; la majorité n’a pas toujours raison »

Ces deux citations semblent taillées sur mesure pour le monde actuel, spécialement pour le Sénégal et nous laissent avec l'amère conviction que nous sommes en train de nous embourber dans cette piste décrite par Platon. En prenant en compte l'amalgame installé entre civisme et le couple Liberté - Liberté d'expression, n'a-t-on pas l'amer sentiment que nous vivons une époque où « les gouvernants […] ont l’air d’être gouvernés et les gouvernés […] prennent l’air d’être les gouvernants », situation entérinée par le quatrième point du Livre d'Urantia, qui veut que l'application de la démocratie dans une société où l'éducation n'est pas forte porte en soi « le danger du suffrage universel aux mains de majorités frustes et indolentes » ? Notez bien : Nous avons mis « éducation » en italiques pour dire que nous faisons bien la distinction entre deux types d'éducation. Celle dont il est question ici ne saurait être que celle nécessaire, voire indispensable à la vie de la Cité qui rend responsable en plaçant l'esprit mûr devant un choix, d'où le système électoral qui implante sa présidentielle ses élections locales et législatives.

Dans notre pays, en plus des risques soulevés par Platon et le livre d'Urantia, il y a surtout le danger qui repose sur le fait que, bien en retard sur beaucoup de choses, nous avons brulé tant d'étapes que nos peuples n'ont pas eu le temps de digérer. Tendance vers la globalisation exige, en plus d'être obligés à marquer le pas duu monde de la consommation ! Cela force inéluctablement la dérive vers un état de fait où la facilité s'allie et se renforce par un conformisme et un raccourcis latents.

Les nouvelles technologies de l'information et des télécommunications ont apporté beaucoup de facilités et auraient pu permettre un rattrapage dans pas mal de choses et à frais moindres, comparés par exemple à l'étendue des investissements qu'aurait requis l'infrastructure d'un réseau classique avec ses creusets, ses poteaux, ses câbles et ses raccordements. Et pourtant ! au lieu d'études ; au lieu d'aller puiser les incommensurables ressources du réseau Internet, le penchant est surtout de s'envoyer des images, des prières à distribuer à un certain nombre de personnes pour avoir telle ou telle bénédiction si ce n'est des photos à scandales, des charlatans tapis dans l'ombre de la toile, des vendeurs de rêves de visas et les insultes à n'en plus finir sur les réseaux sociaux. Il ne faut pas s'offusquer non plus de la réalité des Like qui, parfois, ne sont que simples réactions de solidarité envers le nom d'une connaissance au lieu d'aller vers l'essentiel, descente pour la lecture des contenus.

Revenant à la démocratie, Il faut ajouter à cela qu'en son nom et, partant, au nom de la liberté d'expression, on confond actuellement activiste et agitateur, le dernier ayant d'ailleurs disparu du vocabulaire puisque tout repose sur le droit de dire son opinion, sur la liberté d'expression et, partant, peu importent les procédures et les formes, même quand elles frisent une insolence mariée à une ignorance et à un incivisme notoires. Devant cet état de fait, la piste suivie par nos sociétés et la notion despotique de nation démocratique assumée les citoyens eux-mêmes – et non pas seulement par certains dirigeants africains – ont poussé à se demander si la démocratie était faite pour l'Afrique. Des analyses ont tenté de déceler ces problèmes en remontant vers nos cultures et l'héritage de la colonisation : « Les émeutes, les manifestations et les grèves survenues dans un certain nombre de pays d’Afrique francophone, les déclarations contradictoires de MM. François Mitterrand, Jacques Pelletier et Michel Rocard, d’une part, et de M. Jacques Chirac, de l’autre, durant l’année dernière, ont rappelé la nécessité, pour la France, de se donner une doctrine sur la démocratisation des systèmes politiques subsahariens [...]. Les pratiques autoritaires, l’échec de la greffe de la démocratie libérale en Afrique noire ne renvoient pas à la persistance d‘une culture traditionnelle dont la définition est au demeurant impossible, mais bel et bien au moment colonial et à la reproduction de son héritage au lendemain de l’indépendance. Les Africains en ont une conscience aiguë, qui citent volontiers les abus du travail forcé, le style de commandement de l’administration française, ou ses manipulations électorales.

Mais les enseignements de l’histoire et de la science politique corroborent d’une certaine manière leur perception. La corrélation entre le multipartisme et le tribalisme a toujours été beaucoup plus complexe que l’idée que l’on s’en est fait en France. Tendancielle, elle n’a jamais été absolue, ainsi que l’ont montré de nombreuses études de sociologie électorale, par exemple au Nigeria. En réalité, le multipartisme laisse apparaître au grand jour le phénomène majeur de la vie sociale en Afrique noire, que le régime du parti unique connaît aussi mais qu’il dissimule mieux au regard de l’observateur étranger : à savoir le déchaînement des luttes factionnelles, qui « parasitent » non seulement les institutions politiques mais aussi les administrations publiques, les syndicats, les chefferies dites traditionnelles, les entreprises et jusqu’aux Églises chrétiennes ou aux confréries islamiques.


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samedi 30 mai 2020

LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE : P/3-A


LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE : P/3-A

Si, dans la deuxième partie, nous avons pris la piste du parallélisme culturel sous-jacent des deux religions que nous avons adoptées, ce n'est pas en termes de révélation, ni du point de vue religieux. Étant donné que les deux ne sont pas originaires de chez nous, le but, accoudé à un souci, est de mesurer, à travers leur implantation le poids de la culture sous-jacente et susceptible d'infliger une acculturation au sein des sociétés réceptrices. Le leitmotiv est surtout le fait qu'en Afrique on est très allergique, au moins dans les discours, à toute influence venant de l'extérieur. Voilà pourquoi nous pensons qu'il est pertinent de soulever cette question d'autant plus nous dégainons toujours des « On est au Sénégal » ; « On est en Afrique » devant une remarque que l'on juge tachée de boue acculturaliste, d'assimilation.

Ainsi, pour mieux asseoir le sujet, il nous semble capital de remonter aux premiers instants de contact de l'Afrique avec ces religions après avoir brossé brièvement l'histoire de chacune d'elle pour voir s'il y a un penchant d'un impérialisme culturel sous-jacent. Quel que soit le cas, on peut dire d'office que tout compte fait, et quoi que l'on puisse dire, force est de constater que nos cultures n'ont pas eu la belle part, d'un côté comme de l'autre. Reste à savoir le taux du danger d'acculturation car toute religion, née forcément dans une société donnée, porte la marque cosmogonique de ladite société en véhiculant la vision ou révélation théogonique à travers le langage qui est le support fondamental de sa culture. Un exemple tangible est notre façon d'enterrer nos morts par rapport au système traditionnel.

  • Le christianisme est venu concomitamment à la colonisation par impérialisme ayant occupé nos terres par la force et s'étant adonné à la traite des esclaves. Ces critères sont palpables et donc plus indiqué à être regardés comme un produit « étranger », et, partant, à subir critiques et pousser à la révolte, même après ses funérailles qui auraient dû être célébrées depuis belle lurette sur le continent africain.

  • L'arrivée de l'Islam s'est faite d'une façon plus subtile mais non moins dramatique pour autant puisqu'ils y a eu la pratique de l'esclavage et des razzias mortelles et destructrices. Ainsi l'Afrique fut « le deuxième continent, après l'Asie, dans lequel l'islam s'est développé, et ce dès le VIIe siècle. L'islam s'est d'abord propagé en Afrique du Nord dans le cadre des conquêtes arabes. Depuis cette base, il s'est par la suite lentement diffusé vers le sud à partir du xe siècle, à la fois grâce aux conquêtes militaires et aux échanges commerciaux. Ainsi, l'ensemble du Sahel et son arrière-pays, une partie de la corne africaine et la frange côtière orientale de l'Afrique ont été islamisés. »

Dans notre refus d'être assimilé, les coups de pieds vont naturellement à l'encontre de l'impérialisme européen. Notre refus y trouve donc des repères et des baromètres d'évaluation, ce qui est tout le contraire quant à la conquête arabe. Sa subtile progression à travers l'islam et son enracinement dans notre société nous rend donc plus vénérables puisque faisant plus appel au discernement. Un autre point est la difficulté du parallélisme recherché, car l'approche ne saurait mettre impérialisme européen contre impérialisme arabe, celui-là ne s'étant pas, à proprement parler, implanté chez-nous. Nous nous retrouvons donc avec une dissymétrie puisque devant comparer un impérialisme politico-militaire à l'expansion d'une culture sous-jacente à une religion. Cela peut amener une incompréhension que nous voulons tout de suite clarifier pour ne pas laisser d'équivoque : les français étaient présents sur le sol africain après l'avoir conquis, ce qui n'est pas le cas des Arables, du moins en ce qui concerne l'Afrique sub-saharienne car l'Afrique du Nord fut envahie et colonisée à partir du VIIe siècle : « À la mort de Mahomet en 632, ses successeurs potentiels s'affrontent. Alors qu'Abou Bakr est désigné, une querelle naît entre les habitants de Médine et de La Mecque concernant la succession de Mahomet. Certains préfèrent une succession issue de la famille de Mahomet, en proposant notamment Ali, son gendre pour lui succéder. Les compagnons les plus proches de Mahomet s'y opposent et nomment Abou Bakr : le premier calife (littéralement « successeur » [de Mahomet]) sera donc Abou Bakr qui poursuit la conquête de la péninsule Arabique. À sa mort en 634, son premier ministre Omar (ou Umar) lui succède. Celui-ci conquiert la Palestine, la Mésopotamie, l'Égypte et la Perse ».

C'est vrai : le contact avec l'Europe, n'était pas toute innocence, mais ne l'est pas non plus le contact avec le monde Arabe : Il faut se rappeler que Ibn Batouta, bien avant les xénophobes européens tel que le Comte de Gobineau, a dit : « Au sud du Nil existe une race nègre [dont les hommes] ressemblent plutôt aux animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables. [...] Quelquefois ils se dévorent les uns les autres ; aussi ne méritent-ils pas d'être comptés parmi les hommes [...], leur place étant plus proche du stade bestial ».

La réalité actuelle est que l'Afrique semble vouloir enterrer la réalité qu'elle a été islamisée comme elle fut christianisée. Les deux religions sont arrivées de l'extérieur, d'où la nécessité indispensable de savoir conjuguer, encore une fois, l'art du donner et du recevoir qui doit s'appliquer après l'enracinement et ouverture. Croire en Dieu, quelle que soit la religion, n'est pas synonyme d'enterrer intégralement sa propre culture. À moins que, pour des raisons d'ordre social cet enterrement s'offre comme issue vers un statut qui n'existait pas dans la société traditionnelle, ce qui en grande majorité, semble être le cas du Sénégal. Il appartiendra aux universitaires, sociologues et anthropologues de s'y pencher plus profondément pour une étude approfondie, ce qui sera salutaire pour notre pays.

En embrassant une religion, le changement requis s'effectue au niveau de certains comportements qui ne sont pas forcément culturels. Des principes de ce qui est juste et les principes de droit existent dans toutes les sociétés et beaucoup d'entre eux peuvent être maintenus et continuer à servir, d'où cette vérité contenue dans l'infâme discours de Léopold II : « Le but principal de votre mission au Congo n'est donc point d'apprendre aux nègres à connaître Dieu, ils le connaissent déjà depuis leurs ancêtres ; Ils parlent et se soumettent à Mungu, Nzambi, Nzakomba Moukoulo etc… et que sais-je encore. Ils savent que tuer, voler, coucher avec la femme d'autrui, calomnier et insulter sont des actes mauvais ».

Au Sénégal nous ne semblons pas comprendre cette réalité, d'où la tendance à unilatéralement pointer le doigt contre l'influence européenne, à voir celle-ci comme étant l'acculturaliste, une culture de « Nasaraan » et cela, pas pour résister à une acculturation intégrale en plantant profondément les pieds dans la nôtre, mais pour nous engouffrer dans une autre que nous semblons prendre comme étant la nôtre. Nous plongeons, allant jusqu'à devancer le groupe sémitique originel dont elle est issue ; au-delà de peuples plus similaires et plus proches de la souche, mais qui pourtant refusent de perdre leur propre culture, comme par exemple les Berbères qu'il ne faut jamais se tromper de traiter d'arabes en leur présence.

Ici, il faut faire remarquer en passant que beaucoup parlent de « Nasaraan » sans savoir réellement de quoi il s'agit. En effet « nasaraan », équivalent de « tubaab » chez nous, vient de « nazaréen », un terme qui n'a rien à faire avec les races européennes. De plus, cette expression a une connotation religieuse qui remonte à Jésus-Christ, que l'on disait le Nazaréen, Jésus de Nazareth, à cause du fait qu'il naquit à Bethlehem ( où Joseph et Marie se rendirent, venant de Nazareth suite à l'ordre de recencement du gouverneur romain de l'époque), souche de la maison de David et, partant, issu de la souche sémite à travers Marie, descendance d'Abraham à travers Isaac, comme le seront les arabes à travers Ismaël. Ces deux races sont sémites la différence étant le fait d'avoir « le même père mais pas la même mère » puisque Isaac est de Sara et Ismaël de la servante Agar. L'étymologie remonte certainement au Nazaréïsme, une doctrine des Nazaréens judéo-chrétiens et dont l'islamisme sera, à beaucoup d'égards, la prolongation ou plutôt la revanche (Renan, Église chrétienne, 1879, p. 284). Édouard-Marie Gallez dans son livre Le messie et son prophète - Aux origines de l'Islam, p. 291, parlant du terme « nazaréen » écrit : « ... En résumé, l'appellation de nazaréens n'a guère été utilisée par les chétiens dans l'Empire romain, et seuelement durant deux siècles en Perse (où les chrétiens étaient majoritairement des judéochrétiens) ; sous l'influence de la propagande islamique, le terme a pris le sens de chrétiens en arabe (mais non parmi les Arabes chrétiens de souche ancienne).

Vu notre recherche d'identité qui se prolonge dans l'aveuglement et la complète sourdité jusqu'en ce XXIe siècle, nous risquons fort de donner raison à Ibn Khaldoun dans sa vision que « à part la race noire il n'y a aucune autre qui accepte si pleinement l'esclavage ». Pourquoi semblons-nous présenter toujours une incapacité à nous dresser en toutes choses et, avant tout, en tant que « êtres humains créés dans la plénitude de l'image divine comme toutes les autres races » ? Comme croyants, nier nos cultures et les choses qui nous sont intrinsèques n'est certainement pas une façon de remercier Dieu : au contraire, cela semble lui dire qu'il s'est trompé de nous avoir faits comme nous sommes et surtout donné cette culture, vision du monde qui nous entoure. En extrapolant, n'est-ce point vrai que c'est la croix qui a pris forme humaine et non l'homme la forme de la croix ? Garder certaines choses de nos cultures n'est donc contradictoire ni aux enseignements de la Bible, ni à ceux du Coran, à moins que l'on ne veuille les remplacer, comme nous voulons remplacer nos peaux en les éclaircissant par des produits d'usines et nos cheveux venus de la création avec des « cheveux naturels » ! Est-ce une façon d'être reconnaissant envers Dieu, d'accepter que sa création est parfaite harmonie, même, comme nous le répétons dans nos prêches, nous n'en comprenons pas toujours les tenants et les aboutissants puisque « les voies du Seigneur – mbiru Yalla – sont obscures » ?


A SUIVRE

jeudi 21 mai 2020

LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE : P/2


LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE : SUITE

Dans la première partie nous avons essayé de cerner quelques briques, faites de ciment avarié et varié, de cette bâtisse qui n'est autre que la société africaine en nous appuyant sur un exemple centré sur le Sénégal. L'espoir est de cerner certaines de ces pierres afin d'aider à comprendre l'état actuel des choses qui régissent nos mentalités, roues motrices de notre devenir. Nous avons parlé de la démocratie, un exemple parmi toutes les briques posées en mode et en modèle pour nos sociétés, piste à suivre systématiquement, qui par peur d'être au banc des accusés de l'arêne internationale, qui par zèle et ignorance rimant à une totale acculturation.


INTRODUCTION

Voilà pourquoi nous pensons qu'une approche bien réfléchie et surtout ceinte de discernement est indispensable, raison pour laquelle nous allons continuer sur la même lancée en nous penchant sur d'autres pierres d'achoppement posées sur le chemin de développement. Nous pensons que les plus substantielles proviennent de deux sources d'assimilation que nous marions aux religions révélées. Ici, pour comprendre, il est indispensable de revisiter leur cheminement historique. Cette approche repose sur le terrible constat que ce qui manque à l'Afrique c'est une froide franchise envers soi-même, sans bagages de colonisation que nous prenons comme échappatoire idéale afin d'enterrer notre médiocrité. Cette dureté de ton n'est qu'une invite désespérée à une introspection courageuse qui ferait fi de tous les tabous, surtout ceux qui nous concernent directement et découlant quasiment de son entière responsabilité. Tout ce qui nous arrive n'est pas dû au colonisateur. Nous jouons trop souvent à l'autruche et, partant, donnons de nous-mêmes une pathétique image stupide et insensée encensée de médiocrité criarde. Combien de fois n'a-t-on pas lu qu'un tel ou tel politique a dit telle ou telle chose sur l'Afrique, froide réalité derrière les mots et la vision, de Sarkozy à Poutine et de Deng Xiaoping à Donald Trump ou d'un président coréen ? La réalité n'est-elle pas que ces textes, vrais ou pure intox dépeignant les réactions, regard sur le continent africain d'hommes politiques en disent long sur notre triste réalité ? Pourtant ils renferment ce que nous-mêmes voyons dans le miroir mais n'y osons pas faire face. Si l'on dit à plusieurs reprises que nous sommes morveux, la solution n'est pas de camper dans la défense d'une dignité offensée, foulée aux pieds, mais d'aller se moucher pour être quitte avec notre conscience, quitte avec notre image. Revenons donc sur les deux sources, nommément les religions qui semblent s'offrir en baromètre quant à notre soi-disantes culture et tradition maintenues ou acculturalistes.

  1. Le christianisme : À cause de la colonisation implantée en même temps que l'arrivée des missionnaires chrétiens, le christianisme est pris, par certains, comme une religion acculturaliste ; que la puissance étrangère s'y est accoudée pour asseoir sa domination spirituelle et psychologique, espèce de moyen de lavage du cerveau. À cela il faut ajouter le fait qu'il y a eu l'esclavage pratiqué par les européens, esclavage qui ne peut disparaître de l'esprit dans la mesure où il a laissé des traces jusqu'à nos jours à travers les petits-enfants des esclaves qui forment aujourd'hui la diaspora des Amériques. Il y a aussi le discours de Léopold II au Congo que l'on peut lire encore aujourd'hui de même que les écrits du Comte de Gobineau auxquels on fait souvent allusion. Comble de preuves, le français est notre langue officielle ! Ce n'est là que quelques exemples et certes pas parmi les plus pertinents mais c'est intentionnellement que nous dressons cette longue liste, dans le dessein d'un parallélisme.

  2. L'islam : L'introduction de l'islam sur le continent, comparée à celle du christianisme, est on ne peut plus subtile, raison pour laquelle celui-ci s'offre comme alternative rédemptrice et en porte à faux avec le christianisme que l'on perçoit, c'est déjà dit, comme acculturaliste. Et c'est là où l'esprit de l'africain fait parfois froid au dos. Par exemple, au Sénégal, en même temps qu'on dénigre l'expression nos « ancêtres les Gaulois », nous courons nous réfugier chez nos « ancêtres les arables », sinon arabisés. C'est pourquoi la tendance, du moins si l'on se base sur ce qui se dit sur les plateaux télévisés, est qu'au Sénégal « nos Ancêtres », ne remontent pas plus loin que l'introduction de l'islam dans le pays. Avec plus de jugeote, on aurait compris, pourtant, que nos ancêtres les Gaulois étaient des sujets de livres d'études venant d'outre-mer et par conséquence, pas initialement conçus pour nous. Leurs concepteurs ne nous comptaient pas parmi ces petits-enfants, puisque nous étions des sous-hommes. En lisant ces textes, c'était donc comme quelqu'un qui lit, par-dessus une épaule, une lettre qui ne lui est pas destinée. C'est par contre tout le contraire lorsqu'on embrasse l'arabe et que l'on veut implanter la charia loi aux contours arabes par-dessous la religion véhiculée. Nous allons développer ces deux sources d'assimilation ci-dessous.


    LA DOUBLE ASSIMILATION

    Sommes-nous trop durs envers nous autres africains ? Sommes-nous conscients de tous les paramètres qui ont régi et régissent, et façonné et façonnent nos mentalités ? Bien avant les colons européens, qui susciteront des résistants face à l'occupation comme les Chaka, et les Béhanzin, puis le combat intellectuel des pères de la Négritude et le mouvement d'émancipation des noirs aux États-Unis, il y a eu l'esclavage pratiqué par les Arabes à travers des razzias ou avec la connivence de nos notables de jadis. Une chanson issue de cette période était parmi les chansons de berceuses de notre enfance :

    SeereerFrançais
    Aayoo neeneHuch ! petit bébé
    Aayoo aayHuch ! hush !
    O lolatangaa loolSi tu pleures encore
    Naar waa ndamongLes Maures t'attraperont
    A njiktikong fo jem.Pour aller t'échanger contre du sel.


    LA PÉRIODE ARABE

    Celle-ci commence avec les premiers voyageurs, dont nous prendront uniquement Ibn Batouta et Ibn Khaldoun. Bien avant le « négrophobe » Gobineau, nous pouvons dire que les premières graines de déshumanisation de l'Homme noir ont commencé avec Ibn Khaldoun qui dit expressément : « Au-delà du pays des Lemlem, dans la direction du sud, on rencontre une population peu considérable ; les hommes qui la composent ressemblent plutôt à des animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables... » Ceci dit, un autre viendra, nommément Ibn Batouta dont le regard va s'ingérer dans la culture africaine trouvée sur place. Il va faire l'amalgame entre la foi et la culture, voulant plutôt comme modèle la sienne ce ne peut être qu'une vision suprématiste :

    « Invité au repas d'hospitalité chez le mansadyon, je refuse d'abord de m'y rendre mais mes compagnons me pressant d'y assister, je m'y rendis avec eux. On nous servit du petit mil concassé mélangé d'un peu de miel et de lait caillé, présenté dans une moitié de courge utilisée comme écuelle. Les assistants burent et se retirèrent. Je demandai : N'est-ce que pour cela que ce Nègre nous a invités ? On me répondit : Oui, car c'est là leur grand repas d'hospitalité. J'eus la certitude qu'il n'y avait rien à attendre d'eux.»

    Présentons un autre passage du même auteur, qui dévoile la conception de la relation femme-homme, conception maladive d'une culture où la jalousie frise la démence :

    « Une autrefois, en visite chez le caravanier qui m'a amené, je trouve chez lui un homme et une femme en conversation [...] Je lui demandai :

    - Qui est cette femme ?
    - Mon épouse.
    - Que lui est l'homme assis avec elle ?
    - Son ami.
    Comment acceptes-tu cela, alors que tu as habité chez nous et que tu connais les règles de la loi divine ?
    - La fréquentation entre hommes et femmes n'enfreint pas chez nous les convenances et les bonnes mœurs. Elle ne donne lieu à aucun soupçon, car nos femmes ne sont point comme les vôtres.

    Écœuré de cette veulerie, je me retirai et refusai dès lors de retourner chez lui, ne répondant plus à ses invitations. »

    Dans la réponse finale de l'homme nous trouvons quelqu'un qui, il y a des siècles, avait compris le fait d'assimiler sans être assimilé ; enracinement et ouverture qu'il fallait allier à l'art du donner et du recevoir. L'hôte a su faire une distinction entre suivre la religion et enterrer sa propre culture au profit d'une autre par-dessus frappée de démence, d'où sa réponse : « La fréquentation entre hommes et femmes n'enfreint pas chez nous les convenances et les bonnes mœurs. Elle ne donne lieu à aucun soupçon, car nos femmes ne sont point comme les vôtres ».

    Voilà donc un petit aperçu des premiers contacts avec les Arabes. Pour nous conformer au parallélisme, comme promis, l'attitude décrite et la conception du nègre n'est pas bien différente de celles du Comte de Gobineau. Ibn Khaldoun, de son côté, écrit :

    « … les seuls peuples à accepter l'esclavage sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade animal. »

    Venons maintenant à l'esclavage. Bien avant et durant la période de la traite des esclaves par les européens, les Arables s'y sont adonnés, faisant environ 17 millions de victimes. Tidiane Ndiaye, dans son livre « Le génocide oublié », se penche sur cette période. Il fait remarquer que s'il n'y a pas trace de cette période d'esclavagisme arabe, contrairement aux États-Unis où il y a une diaspora formée par les petits-fils d'esclaves, c'est que ceux qui furent embarqués par les arabes ne pouvaient subsister dans la mesure où ils furent systématiquement castrés pour servir d'eunuques. Citons :

    « Si la traite transatlantique, qui a duré quatre siècles, est qualifiée à juste titre de crime contre l'humanité, la traite des Noirs d'Afrique par le monde arabo-musulman, commencée dès le VIIe siècle et terminée officiellement au XXe, peut s'assimiler à un génocide pur et simple : on estime qu'elle fit près de 17 millions de victimes, tuées ou castrées. Alors que 70 millions de descendants ou métisses d'Africains peuplent le continent américain, des États-Unis au Brésil, seule une minorité de Noirs ont réussi à survivre en terre d'islam. L'asservissement accompagne bien toutes les sociétés humaines, à commencer par l'Antiquité, mais il n'a pas eu partout les mêmes conséquences. La traite arabe débute lorsque les captifs blancs originaires d'Europe centrale et orientale viennent à manquer (esclave vient du mot « slave »).

    C'est lorsque « la mine à esclaves européens » fut tarie que les Arabes se tournèrent vers le continent africain :

    « Ce déficit caucasien oblige les conquérants à se tourner vers l'Afrique. Dès 652, l'émir et général Abdallah ben Saïd impose aux Soudanais un accord leur demandant la livraison de milliers d'esclaves. La majorité de ces hommes étant prélevée sur les populations du Darfour, qui continuent de nos jours à être asservies, tuées ou déportées par les janjawids, ces milices maures au service du gouvernement de Khartoum. « Les Arabes avaient ainsi ouvert une voie balisée d'humiliations, de sang et de mort qu'ils seront les derniers à refermer officiellement au XXe siècle, longtemps après les Occidentaux. Leur dénier [était] le rang d'humains : ce trafic s'opère par un double subterfuge, racial et théologique. Si l'islam divise les hommes entre croyants et non-croyants, il interdit d'asservir les fidèles du Coran. De nombreux peuples d'Afrique, séduits par le message égalitaire du Prophète, vont se convertir à cette nouvelle foi. Pour contourner l'interdit, les conquérants vont considérer que la conversion ne suffit pas : il faut rabaisser la dignité de l'homme noir pour justifier sa captivité. Même le grand historien Ibn Khaldoun (XIVe siècle) considère qu'au sud du Nil existe une « race nègre [dont les hommes] ressemblent plutôt aux animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables. [...] Quelquefois ils se dévorent les uns les autres ; aussi ne méritent-ils pas d'être comptés parmi les hommes [...], leur place étant plus proche du stade bestial.
    En arabe, le mot « abid » signifiant « esclave » est devenu à partir du VIIe siècle synonyme de « Noir ». Bien avant les grands théoriciens européens du racisme, le monde arabe aura justifié la ségrégation raciale envers les Africains, et ce, au mépris de l'enseignement de Mahomet. Même les pèlerins noirs qui se rendaient à La Mecque étaient parfois kidnappés par de riches marchands, puis revendus sur les marchés. Le Coran aura ainsi servi au pire et au meilleur, à commettre des abominations comme de grandes choses.
    [À travers] les razzias et pactes, les Arabes, chasseurs d'hommes, transformeront en véritables enfers des régions entières où les habitants vivaient heureux », où des civilisations vieilles de milliers d'années furent dévastées par de sanglantes razzias. Des empires entiers furent détruits comme celui du Ghana au XIe siècle par les Almoravides venus du Maroc et d'Andalousie. Le cheptel devait être jeune et vigoureux : les villages étaient encerclés, la savane brûlée pour éviter que les fugitifs puissent s'y cacher, les vieux et les malades éliminés. Les rabatteurs, souvent assistés d'aventuriers européens, organisaient des expéditions au cœur du continent, jusqu'à l'actuelle Tanzanie et même jusqu'au Congo pour s'approvisionner en chair fraîche. Le « bois d'ébène » était traqué par des armées de guerriers qui nouaient des pactes avec les souverains locaux, mus par la cupidité. Le djihad n'était qu'une occasion de s'enrichir et de mettre le travail de centaines de milliers d'hommes au service de leurs propriétaires, soucieux de mener une vie oisive. Comme le dit le proverbe : « L'esclave se satisfait de la jouissance du maître. »

    La traite orientale emprunte deux routes : la transsaharienne et la maritime. La première est celle des caravanes : elles vont d'oasis en oasis, traînant avec elles des milliers de captifs enchaînés, qui, sous un soleil accablant, meurent de faim, de soif. Les pistes sont parsemées de squelettes. Une fois acheminés à bon port, les survivants sont exhibés, évalués et mis en vente : au XIXe siècle, par exemple, la ville de Khartoum constitue le plus grand entrepôt d'esclaves de la région. L'autre route était celle du Nil et de la mer Rouge avec l'importance prise par l'île de Zanzibar, possession du sultanat d'Oman. Ce dernier colonisa toute l'Afrique de l'Est, avec l'aide des banquiers indiens, des monarques locaux et l'accord tacite des Britanniques, qui fermaient les yeux. Zanzibar, plus que l'île de Gorée, au Sénégal, fut l'épicentre d'une traite supérieure à la ponction transatlantique. Le « Nègre » y était inscrit dans le tarif des douanes, telle une marchandise parmi d'autres. Les commerçants acheminaient les captifs en Irak, en Perse, en Inde et jusqu'en Chine.

    Terrible est le récit de la castration des captifs : elle se déroulait de deux manières, par l'ablation des testicules ou par une opération dite « à fleur de peau » qui concernait la totalité des organes génitaux. Le fantasme des Noirs surpuissants risquant de déshonorer les femmes des harems conduisit à cette fabrication massive d'eunuques, « gardiens de la vertu des femmes ». En Turquie, ils ne furent émancipés qu'en 1918. Cette opération chirurgicale était réservée aux infidèles, l'islam interdisant de la pratiquer. En Égypte et en Éthiopie, elle était assurée par des moines coptes, qui la pratiquaient sur des garçons de 8 à 12 ans, dans des conditions d'asepsie douteuses. Près de 80 % des patients mourraient des suites de l'opération. « En castrant la plupart de ces millions de malheureux, l'entreprise ne fut ni plus ni moins qu'un véritable génocide, programmé pour la disparition totale des Noirs du monde arabo-musulman, après qu'ils furent usés, utilisés, assassinés ».

    À lire Tidiane Ndiaye, la traite arabe fut donc bien la pire : « Bien qu'il n'existe pas de degrés dans l'horreur ni de monopole de la cruauté, on peut soutenir sans risque de se tromper que le commerce négrier et les expéditions guerrières menées par les Arabes musulmans furent, pour l'Afrique noire et tout au long des siècles, bien plus dévastateurs que la traite transatlantique ».

    L'influence ou assimilation arabe que nous acceptons puisqu'elle est plus subtile et surtout noyée dans la religion La rancœur ne peut être qu'atténuée dans la mesure où, du génocide d'hier, il ne reste pratiquement aucune trace à cause de la castration des victimes. Ne sommes-nous pas fiers de l'esclave Bilal ? « Bilal ibn Rabâh, dit Al-Habashi , était l'un des compagnons du prophète de l’islam, Mahomet. Il est né à La Mecque dans le Hejaz en 580 après J.-C Son père Rabah était un esclave arabe du clan Banu Jumah, sa mère, Hamamah, était une ancienne princesse abyssine capturée après la tentative de destruction de la Kabaa par Abraha l'Abyssin et réduite en esclavage. Né esclave, Bilal n'a pas eu d'autre choix que de travailler pour son maître, Umayyah ibn Khalaf. Par la suite, il fut affranchi2 par Abû Bakr. Considéré comme le premier muezzin , il était connu pour sa belle voix, avec laquelle il appelait les gens à leurs prières. Il meurt en 640 à l'âge de 62 ans. En tant que premier muezzin, Bilal est le patron des muezzins et de leurs corporations6. D'après certaines traditions, il est l'un des dix-sept premiers patrons, parmi les compagnons présents, à avoir été initiés, sur l'initiative du prophète, par Ali lui-même — et non par Salman le Perse — avec la cérémonie du šadd. Bilal est un des premiers convertis à l'islam. D'après la majorité des récits, il est le cinquième à avoir embrassé la religion musulmane. En effet, après Khadija, première épouse du prophète, et Ali, neveu et futur gendre du prophète, suivent le premier homme adulte, Abou Bakr, puis le premier esclave affranchi, Zayd ibn Harithah, fils adoptif du prophète, et Bilal. Considéré comme le premier musulman d'ascendance africaine, Bilal est particulièrement vénéré en Afrique et par les Afro-Américains8. Au Maroc, il est considéré comme le fondateur et le protecteur de la guilde des musiciens noirs itinérants. En Tunisie et dans le reste du Maghreb, il est invoqué, sous le nom de sidi Bilal, par les membres des confréries de noirs musulmans pendant le stambali, un rite de possession. En Inde, les noirs musulmans le considèrent comme leur ancêtre commun. (Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bilal_ibn_Rabah) »

    Si, comme on le dit, Bilal fut un des compagnons du Prophète et le 5eme à avoir embrassé l'islam, il faut reconnaître que la place qui lui est assignée est bien moindre, esclavage obligeant. Le fait de se fédérer autour de lui, par-delà la couleur, nous fait penser à cette impression d'Ibn Khaldoun qui doit nous être amère, que « … les seuls peuples à accepter l'esclavage sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade animal. »

    Le manque d'égards d'Ibn Khaldoun, qui n'est autre que pur racisme. Il faut aussi se demander l'aveuglement, lampe placée sous le boisseau pour étouffer la lumière, face à l'apocalypse de Nder. Elle ne semble pas nous gêner. Nous ne pointons aucun doigt accusateur sur ces atrocités, du moins pas de point de vue racial, évènement que nous commémorons pourtant. Personne ne se lève contre ce génocide, appelant les petits-enfants de ces esclavagistes à se confesser en faisant un mea culpa. Est-ce à cause du fait qu'il s'agit de la race du Prophète Muhammad (psl), et, partant, de la religion que nous partageons maintenant avec les Arables ?

    Est-ce la raison pour laquelle nous pointons le doigt vers l'assimilation que nous lisons dans le français, et allons jusqu'à nous leurrer en s'appuyant sur la langue arabe comme si elle était de nos « cosaan », c'est-à-dire nos traditions ? Ici, force est de reconnaître que notre ancêtre de jadis qui écœura Ibn Khaldoun en lui répondant que «- la fréquentation entre hommes et femmes n'enfreint pas chez nous les convenances et les bonnes mœurs. [Qu'elle] ne donne lieu à aucun soupçon, car nos femmes ne sont point comme les vôtres » nous dame bien le pion.


    LA PÉRIODE EUROPEENNE

    La période que nous appelons européenne est certes plus palpable à cause du fait que des marques de l'esclavage existent à nos jours : nos cousins d'outre-Atlantique qui forment la diaspora à travers les Amériques et le fait que les européens colonisèrent notre continent, s'y implantant et entreprenant une politique d'assimilation et laissant sur place la langue, qui est notre véhicule officie de communication. Il faut dire de suite que nous ne sommes pas en train de pencher pour l'un ou l'autre. Les deux se valent, raison pour laquelle nous attirons l'attention du danger sous-jacent de chacune des parties et que les Africains sont en train de tomber de Charybde en Scylla. L'assimilation portée par la vague européenne est plus facile à identifier, puisque concrétisée par nos écoles, le système politique, économique et partant, initiatrice de la mondialisation à laquelle nous semblons ne pas pouvoir échapper.

    S'engrenant à la traite arabe, la traite transatlantique commence, décimant le continent en embarquant « l'espoir des nations [futures] » vers les Amériques pour les plantations de coton et les champs de cannes à sucre. Ce commerce d'esclaves a fait des victimes, par millions, victimes prises des populations de l'Afrique occidentale, l'Afrique centrale et l'Afrique australe durant plusieurs siècles. La traite négrière s'est appuyée sur la combinaison des six éléments suivants ci-dessous :

    1. Les victimes sont des Noirs ;
    2. Les réseaux d’approvisionnement sont organisés et intégrés ;
    3. Les populations esclaves ne peuvent se maintenir de manière naturelle (natalité/décès) ;
    4. Le lieu de la capture et celui de la servitude sont éloignés l’un de l’autre ;
    5. La traite correspond à un échange commercial entre producteurs et acheteurs et l’esclave est donc considéré comme une marchandise ;
    6. Des entités politiques approuvent ce commerce et en retirent un bénéfice financier.

    La traite doit être distinguée de l'esclavage qui « consiste à exercer sur une personne un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété ». S'il ne peut y avoir de traite sans esclavage, l'inverse n'est pas vrai : ce fut par exemple le cas dans le Sud des États-Unis au XIXe siècle. La traite se différencie aussi de la notion contemporaine de trafic d'êtres humains. Les traites négrières furent un phénomène historique de très grande ampleur en raison du nombre de victimes, des nombreuses méthodes d'asservissement et des multiples opérations de transports sur de longues distances. On distingue trois types de traite négrière qui auraient abouti à la déportation d'environ 42 millions de personnes : la traite orientale (17 millions) dont la traite dite arabe est la composante principale, la traite occidentale (14 millions) et la traite intra-africaine (11 millions). L'apogée de la traite atlantique a eu lieu au XVIIIe siècle, celle de la traite orientale au XIXe siècle.

    Cette juxtaposition des deux traites nous semble indispensable afin d'éclairer la triste réalité africaine actuelle. Au Sénégal on fait le pied de grue contre la France, contre la colonisation et, partant contre le traitement de nos populations durant cette période. Cela est justifiée et compréhensible. Ce qui est aberrant, c'est le fait que l'on fait ce pieds de grue ; on badigeonne la langue française, pas pour rehausser nos langues nationales, mais pour une implantation de l'arabe, qui nous semblent plus proche et ses peuples moins maculés de sang, de génocides ?!

    Nous sommes allés jusqu'à dresser la lisière de notre culture à partir de l'arrivée de l'islam, comme si nos arrières grands-pères commencèrent à exister seulement à l'avènement des razzias des Almoravides. Ce serait porter un affront à Cheikh Anta Diop, une de nos emblèmes nationales qui une icône du refus d'être assimilé et de voir nos cultures annihilées. C'est disons-nous, manquer d'égards envers nos Femmes-de-Ndèr : « La résistance de Nder plus connue sous le terme de résistance des femmes de Nder ou mardi de Nder (Talaatay Ndeer) est un épisode marquant et symbolique de la lutte contre l’esclavage dans l'histoire du Sénégal. En effet un mardi de novembre 1819, les populations de la cité de Nder dans le royaume prospère du Waalo opposent une résistance opiniâtre à des esclavagistes marocains maures, dont la tribu vassale des Trarzas et Toucouleurs venus du nord du fleuve Sénégal et conduits par le chef Amar Ould Mokhtar. Cet épisode est connu dans l'historiographie par son issue dramatique et la conduite héroïque des habitants qui se sont sacrifiés plutôt que d'être emmenés et réduits en esclavage ». C'est aussi offusquer la résistance de Ama Gôdô Maat assassinant le chef Almoravide dans la lutte de résistance des populations autochtones de la vallée du fleuve Sénégal : « Au XIe siècle, la population Sérères du Tékrour s'oppose à l'armée de la coalition Musulmane (composé des Almoravides et des Toucouleurs convertis à l'Islam) afin de préserver leur religion sérère plutôt que d'adopter l'islam. Bien que la religion ait été un facteur, ces guerres ont aussi des dimensions politiques et économiques. La classe Sérères Lamanique essayait également de préserver son pouvoir économique et politique. Bien que victorieux, dans certains cas, ils ont finalement été vaincus par l'armée musulmane. Abu Bakr Ibn Omar, chef des Almoravides, lance un djihad dans la région. Il bat le roi sérère Ama Gôdô Maat en novembre 1087 et le tue par une flèche empoisonnée » (Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ama_Gôdô_Maat).


SYNTHESE DES DEUX COURANTS

Il ne faut pas nous méprendre : ce que nous refusons ici, c'est la condamnation d'un camp au détriment de l'autre. Tous les deux comportent une force assimilatrice, la plus dangereuse étant celle qui s'habille de plus de subtilité, ce que Bob Marley a bien compris en dénigrant l'émancipation sournoise qui se situe au niveau mental : « Emancipate yourselves from mental slavery,/ none but by ourselves can we free our minds ».

Certains de nos ancêtres ont combattu aussi bien l'envahisseur arable que l'envahisseur français et de la même manière, pour les mêmes raisons. Senghor fera allusion à une de ces batailles de résistance à Elissa du Gabou : « On nous tue, Almamy ! On ne nous déshonore pas. Ni ses montagnes ne purent nous dominer, ni ses cavaliers nous encercler ni sa peau claire nous séduire ni nous abâtardir ses prophètes »

Une invasion est une invasion, peu importe la couleur de peau où la religion. Les sérères de la vallée du fleuve Sénégal qui résistèrent devant l'invasion almoravide, razzia drapée d'expansion religieuse, attaquèrent en 1446 un navire affrété par le marchand d'esclaves portugais Nuno Tristão. Il tenta d'aborder en pays sérère pour se procurer des esclaves. Il n'y eut aucun survivant parmi les passagers adultes du navire, tous tués par des flèches empoisonnées sérères. Seuls cinq jeunes Portugais survécurent à cette attaque »

Nous Africains devons savoir qu'un peuple physiquement enchaîné finira toujours par briser ses chaînes ; un peuple mentalement enchaîné ne se relèvera jamais. Nous raillons « nos ancêtres les Gaulois », et embrassons la pathétique tendance de chanter « nos ancêtres arabes ou assimilés par la culture Arabe». N''y mêlez pas la religion, subtilité exige ! Ce que nous voulons dévoiler est le fait, entre autres, que nous dénigrons le français, mais au lieu de proposer nos langues nationales à la place, nous voulons le remplacer par l'arabe. Exactement comme, en politique, on fuyait un camp d'où on avait subi des gifles pour aller vers un autre où on recevra des fessées. D'ailleurs nous nous gourons terriblement en interprétant l'expression « nos ancêtres les Gaulois » : Elle se trouvait dans des livres que nous utilisions, comme nous l'avons déjà dit, mais qui n'étaient pas, au préalable, conçus pour nous. Nous étions des sous-hommes, rappelez-vous, et, partant, n'étions pas dignes d'être des petits-enfants des Gaulois. Mais, malheureusement, cette triste réalité d'errements dans les interprétations nous colle toujours aux pieds dans plusieurs thèmes. Exactement comme nous étions considérés comme « les seuls peuples à accepter l'esclavage […] en raison d'un degré inférieur d'humanité, [notre] place étant plus proche du stade animal. »



A SUIVRE

mercredi 20 mai 2020

LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE P/1


LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE - P/1

  1. INTRODUCTION

    L'avènement du corona virus lève un amer voile sur le continent africain et montre sa fragilité jusque dans l'existentiel. Cela ramène à notre esprit la menace de la Discontinuité qui est conçue « de nos jours en termes de l’homme devenant quasi machines à travers la nanotechnologie et l'intelligence artificielle ou encore la manipulation génétique. Ce sujet d’actualité est débattu en termes de Quatrième et de Cinquième discontinuité. La notion de « Quatrième discontinuité », développée par Bruce Mazlish, est la perception que « les humains ne sont pas qualitativement différents des machines ; qu'ils sont en train d'imploser en machines ». Par contre « la Cinquième discontinuité » envisage que d’un côté « les humains sont en train de créer, et il existe des espèces supérieures et les hommes ne seront plus le pouvoir souverain de la nature ». Une telle condition apparaîtra si un jour les hommes deviennent subordonnés des machines et finissent par être subjugués par la puissance de leur travail. Cette discontinuité suggèrerait que la race humaine pourrait dégénérer ou bien disparaître comme fruit de l'évolution. De l’autre côtoie on pense à la possibilité « qu’une race extraterrestre plus intelligente et plus puissante pourrait apparaître et réduire les humains en esclavage ou bien les anéantir ». Toutes ces possibilités avaient été entrevues par H. G. Wells que l’on nomme le prophète de la cinquième discontinuité ».

    Mais des discontinuités, il y en a bien d'autres, jusqu'à celle qui est purement géologique. Toutefois, ici, le danger de discontinuité qui nous préoccupe et nous intéresse est intrinsèquement liée à la définition générale, à savoir que « la discontinuité » n'est autre que « le fait de présenter des interruptions, d'être interrompu ; quelque chose qui se produit à intervalles irréguliers ; le fait de présenter quelque chose qui varie, qui n'est pas continu ». C'est ce qui s'est produit au niveau de l'homme puisqu'il y a eu, entre autres, l'homme du Neandertal et celui de Cro-Magnon, tous disparus pour laisser la place à l'homme actuel que l'on dit sapiens ou sapiens-sapiens. L'on peut trouver aberrant que l'on côtoie cette idée à l'encontre de l'Afrique, mais force est de constater que des situations telles que celle posée par la Covid-19 laisse dubitatif, si l'Afrique se maintient dans l'état actuel des choses, d'où la nécessité de se secouer sérieusement pour éviter cette possibilité de discontinuité primordiale, qui est différente de celle qui peut éventuellement se produire comme « suite du développement technologique où la personne est augmentée, mais pas annihilée ».

    Il est vrai qu'il y a eu de petitssursauts : Madagascar est venu est venu avec son Covid organics ; à Dakar, on a conçu un robot s'exprimant en français et en langue(s) nationale(s) ; des citoyens fait des toilettes mobiles, à Thiès ou Saint-Louis du gèle… Tout cela est bien, c'est même très bien. Excellent ! Seulement l'esprit sous-jacent ces faits nous semble mal posé puisque basé sur un continentalismo-nationalisme instantané, comme une réaction à une situation donnée alors qu'elle aurait dû être de facto la marche journalière de toute société, de toute université, puisque cette créativité est justement la raison d'être de cette dernièere. Répétons-le : Tout cela est bien, mais cette application doit être celle de tous les jours. La raison d'être d'une université c'est la créativité. Une université est appelée à être une pépinière dans toutes les branches de la connaissance, piliers du développement d'une nation, par-delà les jets de pierres, la casse de biens publics et privés, les grèves de restaurants ou de bourses accoudées à la politisation de l'espace estudiantin si ce n'est un sectarisme religieux qu'accompagnent des soirées religieuses dont les chants perturbent les moments qui auraient du être de quiétude réservée à la concentration sur les études.

    Ces grèves seront on ne peut plus justifiées si et seulement le fruit des recherches, les applications, est substantiellement palpable. Voilà pourquoi nous espérons que ce sursaut ne sera pas comme le réveil de civisme qui visita brièvement le Sénégal au lendemain de la catastrophe du Diola. Rappelons-nous qu'au niveau des transports, la surcharge, qui était responsable dans cet « accident » à un taux très élevé, avait disparu, mais trop brièvement pour réapparaître plus forte que jamais.

    Si le corona virus nous a secoués et fait découvrir à des universités leur raison d'être après tant d'existence, c'est bien triste mais donne quand même quelque espoir. D'emblée il faut savoir maintenant qu'il ne suffit ni ne s'agit d'être en compétition au sein des races ; il s'agit, avant tout, d'être surtout compétitif et de gagner la dignité, pas par des efforts buccaux, mais en mettant la main à la pâte, comme on dit.

  2. DEMOCRATIE ET (IN)CIVISME

    Du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, la Covis-19 a montré que les régimes forts auraient pu s'en sortir ou peuvent s'en sortir mieux, surtout en matière de suivi des règles de confinement. Tous sont d'avis qu'une réussite du combat contre cette pandémie dépend intégralement du strict suivi des directives indiquées par les corps médicaux et décrétées par les gouvernements. C'est dire que la réussite repose l'autodiscipline des peuples, des imbus de civisme, d'une bonne éducation. Dans de tels régimes on ne saurait assister à remise en question quasi journalière des directives données par la Haute Autorité comme ce fut le cas dans notre pays où une insubordination et une ignorance conjuguées avec un obscurantisme furent les pierres d'achoppement de la réussite de l'endiguement de l'expansion la pandémie. Osons le dire : En matière d'incivisme, le Sénégal mérite une place dans le Guinness et cet incivisme sévit depuis longtemps puisqu'il a eu sa partition dans la grande pièce orchestrale des catastrophes et avait, là aussi, ravi ravir la palme d'or de l'horreur maritime avec la catastrophe de Diola. Et les scènes se poursuivent plus fertiles que la production cinématographique de de Bollywood. N'y a-t-il pas toujours des bus surchargés dont les apprentis montent dégager des bagages afin de pouvoir passer sous un pont ? N'a-t-on pas assisté au théâtre de gens urinant entre la file des véhicules bloqués dans un embouteillage ? Un chauffeur n'a-t-il pas fait grimper son taxi sur une passerelle pour piétons à cause de la pluie ? Faut-il omettre de la liste les automobilistes qui changent leur pneu crevé en pleines voies de circulation ; un agent sanitaire contaminé qui fuit et va contaminer sa communauté ; le haut fonctionnaire qui se bat pour des per diem condition sine qua non pour aller secourir les victimes d'une catastrophe comme un ambulancier se battrait pour une cravate devant un accidenté au crâne ouvert ?

    Lorsqu'on va dans un pays pour la première fois, l'image de rue renseigne sur son état économique et sur le degré civique de sa population, sa mentalité : au Sénégal le parc est fantastique, mais presque 99% des véhicules portent des égratignures et/ou sont cabossés ; nous traversons comme un troupeau de moutons, aveugles aux feux de réglementation de circulation qui ne sont que des ornements et parmi des tables et des étalages où « ordre » ni « méthode » sont des chimères. Mais c'est bien bien-avant-hier qu'il fallait redresser les choses car le civisme ne s'apprend encore moins ne peut s'appliquer en une nuit. Comment peut-on d'ailleurs redresser, puisque cet incivisme qui se dresse dru comme une colonne faite de diamant s'alimente à l'amalgame que l'on a de la notion de liberté et de liberté d'expression et porte ses « nombo » de « yasi » ou « maŋkaane » acquis auprès des devins défenseurs de droits ?

    C'est bien εποχή της δημοκρατίας, (lire : épokhé tés démokratias = l'époque de la Démocratie), qui a sonné ! En réfléchissant sur la situation sénégalaise, on ne peut ne pas être tenté de repeser cette fixation du monde sur l'idéal de la démocratie. Pourquoi pas, puisque le Professeur Fukuyama l'a fait avec le néo-libéralisme ? Ne peut-on pas raisonnablement trouver bizarre, dans un monde qui avance à grande vitesse et se réadapte sans cesse à cause de l'avancée technologique, et des métamorphoses sociales, le fait que le système politique n'ait été revisité par les érudits modernes, comme jadis en Grèce, et cela pour voir s'il n'y a pas d'autres variances ou alternatives ?

    Platon savait que la démocratie finit toujours par succomber sous son propre poids, qui n'est autre que la liberté qu'elle-même prône : « Mais n’est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie regarde comme son bien suprême qui perd cette dernière? À savoir la liberté. En effet, dans une cité démocratique, tu entendras dire que c’est le plus beau de tous les biens, ce pourquoi un homme né libre ne saurait habiter ailleurs que dans cette cité. (…) Lorsqu’une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle s’enivre de ce vin pur au-delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie, les accusant d’être des criminels et des oligarques. Et ceux qui obéissent aux magistrats, elle les bafoue et les traite d’hommes serviles et sans caractère. Par contre, elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l’air d’être gouvernés et les gouvernés qui prennent l’air d’être gouvernants. N’est-il pas inévitable que dans une pareille cité l’esprit de liberté s’étende à tout ? Qu’il pénètre dans l’intérieur des familles (…) Que le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour ses parents, parce qu’il veut être libre, que le métèque devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque, et l’étranger pareillement. Voilà ce qui se produit et aussi d’autres petits abus tels que ceux-ci. Le maître craint ses disciples et les flatte, les disciples font peu de cas des maîtres et des pédagogues. En général les jeunes gens copient leurs aînés et luttent avec eux en paroles et en actions ; les vieillards de leur côté s’abaissent aux façons des jeunes gens et se montrent pleins d’enjouement et de bel esprit, imitant la jeunesse de peur de passer pour ennuyeux et despotiques (…) Or, vois-tu le résultat de tous ces abus accumulés ? Conçois-tu bien qu’ils rendent l’âme des citoyens tellement ombrageuse qu’à la moindre apparence de contrainte ceux-ci s’indignent et se révoltent ? Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s’inquiéter des lois écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître. »1

    Et le livre d'Urantia d'enchérir :

    « Bien que la démocratie soit un idéal, elle est un produit de la civilisation et non de l’évolution. Allez lentement ! Choisissez soigneusement ! Car voici les dangers de la démocratie :

    1. La glorification de la médiocrité.
    2. Le choix de dirigeants ignorants et vils.
    3. L’incapacité de reconnaitre les faits fondamentaux de l’évolution sociale.
    4. Le danger du suffrage universel aux mains de majorités frustes et indolentes.
    5. L’asservissement à l’opinion publique ; la majorité n’a pas toujours raison »2

Ces deux citations semblent taillées sur mesure pour le monde actuel, spécialement pour le Sénégal et nous laissent avec l'amère conviction que nous sommes en train de nous embourber dans cette piste décrite par Platon. En prenant en compte l'amalgame installé entre civisme et le couple Liberté - Liberté d'expression, n'a-t-on pas l'amer sentiment que nous vivons une époque où « les gouvernants […] ont l’air d’être gouvernés et les gouvernés […] prennent l’air d’être gouvernants », situation entérinée par le quatrième point du Livre d'Urantia, qui veut que l'application de la démocratie dans une société où l'éducation n'est pas forte porte en soi « le danger du suffrage universel aux mains de majorités frustes et indolentes » ? Notez bien : Nous avons mis « éducation » en italiques pour dire que nous faisons bien la distinction entre deux types d'éducation. Celle dont il est question ici ne saurait être que celle nécessaire, voire indispensable à la vie de la Cité qui rend responsable en plaçant l'esprit mûr devant un choix, d'où le système électorale qui implante la présidentielle ses élections locales et ses législatives.

Dans notre pays, en plus des risques soulevés par Platon et le livre d'Urantia, il y a surtout le danger qui repose sur le fait que, bien en retard sur beaucoup de choses, nous avons brulé tant d'étapes que nos peuples n'ont pas eu le temps de digérer. Tendance vers la globalisation exige, accoudée au monde de la consommation ! Ceci force vers un état de fait où la facilité s'allie et se renforce par un conformisme latent. Les nouvelles technologies de l'information et des télécommunications ont apporté beaucoup de facilités et auraient pu permettre un rattrapage dans pas mal de choses et à frais moindres, comparés par exemple à l'étendue des investissements qu'aurait requis l'infrastructure d'un réseau classique avec ses creusets, ses poteaux, ses câbles et ses raccordements. Et pourtant ! au lieu d'études ; au lieu d'aller puiser les incommensurables ressources du réseau Internet, le penchant est surtout de s'envoyer des images, des prières à distribuer à un certain nombre de personnes pour avoir telle ou telle bénédiction si ce n'est des photos à scandales, des charlatans tapis dans l'ombre de la toile, des vendeurs de rêves de visas et les insultes à n'en plus finir sur les réseaux sociaux.

Il faut ajouter à cela qu'au nom de la démocratie et, partant, de la liberté d'expression, on confond actuellement activiste et agitateur, le dernier ayant d'ailleurs disparu du vocabulaire puisque tout repose sur le droit de dire son opinion, sur la liberté d'expression et, partant, peu importent les procédures et les formes, même quand elles frisent une insolence mariée à une ignorance et à un incivisme notoires. Devant cet état de fait, la piste suivie par nos sociétés et la notion despotique de nation démocratique assumée les citoyens eux-mêmes – et non pas seulement par certains dirigeants africains – ont poussé à se demander si la démocratie était faite pour l'Afrique. Des analyses ont tenté de déceler ces problèmes en remontant vers nos cultures et l'héritage de la colonisation : « Les émeutes, les manifestations et les grèves survenues dans un certain nombre de pays d’Afrique francophone, les déclarations contradictoires de MM. François Mitterrand, Jacques Pelletier et Michel Rocard, d’une part, et de M. Jacques Chirac, de l’autre, durant l’année dernière, ont rappelé la nécessité, pour la France, de se donner une doctrine sur la démocratisation des systèmes politiques subsahariens [...]. Les pratiques autoritaires, l’échec de la greffe de la démocratie libérale en Afrique noire ne renvoient pas à la persistance d‘une culture traditionnelle dont la définition est au demeurant impossible, mais bel et bien au moment colonial et à la reproduction de son héritage au lendemain de l’indépendance. Les Africains en ont une conscience aiguë, qui citent volontiers les abus du travail forcé, le style de commandement de l’administration française, ou ses manipulations électorales. Mais les enseignements de l’histoire et de la science politique corroborent d’une certaine manière leur perception. La corrélation entre le multipartisme et le tribalisme a toujours été beaucoup plus complexe que l’idée que l’on s’en est fait en France. Tendancielle, elle n’a jamais été absolue, ainsi que l’ont montré de nombreuses études de sociologie électorale, par exemple au Nigeria. En réalité, le multipartisme laisse apparaître au grand jour le phénomène majeur de la vie sociale en Afrique noire, que le régime du parti unique connaît aussi mais qu’il dissimule mieux au regard de l’observateur étranger : à savoir le déchaînement des luttes factionnelles, qui « parasitent » non seulement les institutions politiques mais aussi les administrations publiques, les syndicats, les chefferies dites traditionnelles, les entreprises et jusqu’aux Églises chrétiennes ou aux confréries islamiques. Or, les différentes ethnies – pour autant que ce terme veuille dire quelque chose, comme nous allons le voir – se partagent systématiquement entre plusieurs entrepreneurs politiques rivaux. I1 n’y a jamais adéquation parfaite entre appartenance ethnique et adhésion politique. De ce point de vue, les interprétations « tribalistes » du politique en Afrique noire, qui se parent volontiers des vertus de l’expertise et de l’érudition, sont dangereusement simplistes, ne serait-ce que parce qu’elles laissent dans l’ombre des clivages historiques ou sociaux plus fins mais autrement plus significatifs ».

Revenons, pour boucler la première partie de cet article, à la discontinuité dont la base primordiale d'une échappatoire est forcément l'autosuffisance alimentaire. Et qui dit autosuffisance alimentaire, dit agriculture. La pandémie nous là aussi damné le pion, mais surtout montré qu'en moins d'un mois, dans l'état actuel des choses, des pays comme le Sénégal peuvent commencer à compter des morts par famine. Et pourtant d'autres ont perçu depuis longtemps cette éventualité et sont allés jusqu'à se demander si, en fin de compte, l'Afrique n'était pas mal partie : « Défi lancé aux agriculteurs africains, L’Afrique noire est mal partie fit scandale au moment de sa parution, en 1962. René Dumont, ingénieur agronome, dresse un constat peu encourageant de l’Afrique sub-saharienne qu’il parcourt et observe. Dans un contexte de décolonisation optimiste, sa voix de théoricien mais aussi d'homme de terrain s’élève à contre-courant des discours et des pratiques des élites issues des indépendances, pour sommer les Africains de reprendre en main leur agriculture en parvenant notamment à établir une culture vivrière locale - et à éradiquer ainsi la faim. 50 ans après, L'Afrique noire est mal partie demeure une référence dans les débats sur la suffisance alimentaire en Afrique sub-saharienne. Charlotte Paquet Dumont la replace dans son contexte tandis qu'Abdou Diouf et Jean Ziegler, dans les deux préfaces à cette édition, examinent l'analyse de René Dumont dans l'évolution de ces cinq décennies, en évaluent la validité actuelle, tout en développant, chacun, un avis distinct et argumenté. »

Comme toujours, les réactions ne tardèrent point. Comme toujours, nous nous étions sentis insultés lors même qu'une écoute et une ouverture d'esprit auraient discerné qu'au-delà de la triste dureté du titre, il y avait une invite conseillère pour un meilleur avenir car nous dans un sens, nous disons chaque jour que nous devons trouver des voies à nous, un système qui nous soit propre. Avec ce voile levé qui découvre toutes nos faiblesses, ne soyons donc pas surpris dans le cas d'un faible taux de réussite dans le combat contre la pandémie. Celui-ci est désormais relégué à la responsabilité individuelle et, partant dépendra d'un grand degré de civisme. Il y aura certainement un lendemain, mais pensons à notre place dans le monde, sachons, comme le dit si bien le Général Maximus dans «Gladiateur» que ce l'on fait aujourd'hui résonne dans l'éternité. Ne nous voilons pas la face. Sachons nous moucher avant qu'on nous le dise, sinon nous serons toujours frustes et allons dégainer une fierté négative et déphasée lorsqu'un dirigeant occidental nous en aura fait la remarque – que nous méritons.


1Démocratie : Platon vs Aristote
2 Le Livre d'Urantia, Développement de l'État, fascicule 71, p 801.


A SUIVRE

samedi 16 mai 2020

TEKK TEKAARAL - MOTUS ET BOUCHES COUSUES


TEKK TEKAARAL

Motus et bouches cousues ! Au Sénégal, nous avons peut-être tous les atouts, sommes experts en tout – ainsi pensons-nous – mais pas en ce qui concerne cette expression. Enfin, un maître est arrivé, plus futé que Confucius et Lao Zi, qui invite le monde entier à freiner le trot entretenu jusque-là et à simplement appendre à « arracher nos maillots […] pour tenter simplement d'être des hommes ». La Covid-19 vient avec un message et, comme Birago Diop, nous invite à « écouter plus souvent les choses que les êtres », une invitation du monde entier à une introspection. C'est dire que mon Afrique, et surtout elle, est concernée, qu'elle fait partie de la classe, mais plus particulièrement le Sénégal. Dans ce pays nôtre, dès le premier jour de l'annonce, un religieux (revoyez vos archives) s'élevait pour dire que l'Occident combattait l'Islam. Et sur quelle base ? Il faisait un amalgame par fausse analogie : corona – Coran – Al khourane.

Ensuite suivra la résistance quant à la fermeture de tel ou tel endroit, débat qui, presque chaque soir, s'invite sur tous les plateaux télévisés même si c'est d'une façon de plus en plus timide. Mais force est de convenir que dans un pays qui s'accoude aux efforts buccaux, forcément tous les citoyens sont experts dans tous les sujets, ce qui ne signifie pas « être expert dans toutes les matières », subtilité exige. Comme exemple, pendant toute Coupe d'Afrique et toute Coupe du monde, tout le pays est coach ; pendant cette pandémie, tout le monde est biologiste et virologue : on a des dons ; on offre des crachats ; mignoté des dieux, on sait ce que les autres ne savent pas – allusion à un décret forcément divin ?

En cela, nos journalistes ont une grande part de responsabilité : ils tendent trop facilement et trop vite le microphone, c'est-à-dire à n'importe qui à n'importe quel moment pour n'importe quel sujet. Ainsi, notre journalisme tend à se confiner de plus en plus en journalisme de scandales et de buzz et à s'agripper à une recherche identitaire pathétique. Ainsi, lorsque le Président de la République donne une interview à France 24, qui a su poser les choses sérieuses, lui en voudra-t-on comme à quelqu'un qui ne sait favoriser un produit commercial local. Car comment ose-t-on se demander pourquoi le Président Macky Sall donne une information à France 24 plutôt qu’à un média local ? Un média local l'a-t-il appelé pour lui poser une question à laquelle il aurait refusé de répondre ? Le Président a-t-il accordé cette interview à quelqu'un d'outre-mer après l'avoir refusé à un média local ? S'est-il réveillé et, devant une tasse de café, pris l'initiative de téléphoner à un journaliste d'outre-mer pour lui donner une information concernant le Sénégal ? La tendance n'est-elle pas que toutes vos questions sont habillées de milliards de billets de banque à scandales et posent sur la table des pions d'échecs quant à une décision, un plan ou un projet et, partant, sont trop superficielles vu la gravité de l'heure ?

Dans un pays comme le nôtre, qui se veut émergeant, les médias devraient rehausser le niveau aussi bien moral qu'intellectuel, mais surtout être orientés vers l'éducation – ici aussi la pandémie a montré la voie, grâce à des émissions comme « La salle des profs », genre qui devrait occuper les émissions à hauteur de 75% au minimum, à la place du mbalax et autres légèretés sans tête ni queue. Pour un assainissement introspectif, disons-nous, la tendance devrait être d'inviter plus souvent aux discussions des personnes du cercle universitaire, professeurs et chercheurs en économie et finances, médecine, droit, relations internationales, anthropologie, sociologie, linguistique, physique-chimie, ainsi de suite, et baisser le taux politico-religieux, confinant celui-ci strictement dans les sujets concrets qui le concernent, lorsque devoir de s'expliquer s'impose. Idem des personnes du buzz et celles propres à la rubrique people. La faute a été commise lorsqu'au début, au lieu du corps médical, le microphone a été tendu à trop de profanes comme nous. La Covid-19 a un peu rehaussé la donne, mais pas assez, à notre avis, en cette période où elle fait la part des choses en réhabilitant les grandes valeurs : elle a enterré les anti-valeurs et pointé le doigt vers les gens de l'espoir, du bien-être, à savoir le corps médical, anti-héros d'hier comparés aux chanteurs et aux footballeurs. Il faut, encore une fois, faire intervenir plus souvent les universitaires qui sont plus aptes, et surtout plus propres à donner une approche objective et purement scientifique plutôt que des visions partisanes biaisées ou dogmatiques qui ne sauraient s'offrir en colonnes de vérité. Mais il reste beaucoup à faire, puisque l'intérêt médiatique a tendance à se confiner aux scandales à milliards et au buzz. D'autre part, au lieu de faire des investigations, l'on se contente de poser des questions sur les plateaux télévisés, mû surtout par une recherche dans les réponses de parties négatives ou conflictuelles qui serviront de grands titres dans les médias. Amour du scandale oblige ! C'est le temps du buzz.

Nous pensons que cette pandémie porte en elle des ramifications que nous prenons trop à la légère, vu le niveau indigent des débats télévisés qui semblent n'avoir de but et de valeur que le devoir de remplir le temps alloué à un programme, lui-même destiné à un peuple peu exigeant, qui semble ne pas être doté du minimum de jugeote, vu l'obscurantisme dégainé devant une telle gravité. Et pourtant, la marée monte petit à petit, et nous avons de l'eau jusqu'au nombril, mais nous nous pensons toujours en sécurité. En plus de cette superficialité de certaines émissions, les mêmes thèmes nous sont servis sans cesse, avec une forme de défiance à l'autorité, puisqu'on ramène chaque jour la question de la bienséance de fermer telle ou telle place. Prenant en considération nos comportements de tous les jours, la citation ci-après semble être taillée à notre mesure : « Malheureux êtes-vous, […] hypocrites, parce que vous ressemblez à des tombeaux blanchis à la chaux : à l’extérieur, ils ont une belle apparence, mais l’intérieur est rempli d’ossements et de toutes sortes de choses impures ».

Pourtant, comme à l'instant d'Adam et Ève devant le fruit défendu qui portait en lui le destin de mortalité ou d'immortalité de la race humaine, selon les Saintes Ecritures ; comme au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, disons-nous, le monde entier est à une intersection vitale. Ainsi, un ministre conseiller a parlé, de façon évanescente, du Nouvel ordre mondial « que nous attendons tous » (dit-il). En l'écoutant, et vu qu'il est très pointu, nous sommes arrivé à la conclusion que nous ne pouvons pas mettre en doute le fait qu'il a mesuré toute l'étendue de ce qu'il a avancé, ce qui nous pousse aussi à reconnaître que cette pandémie est une clé possible puisque la porte et la serrure du Nouvel ordre mondial ont déjà été posées. Une autre grande pointure de l'arène politique sénégalaise est sortie trois jours après en utilisant la même expression.

En effet, en transformant la Société des Nations en Organisation des Nations Unies, on avait déjà franchi un grand pas. Avec la bipolarité Est-Ouest, on avait comprimé les disparités, réduit les divergences à l'étendue mondiale. Avec la chute du mur de Berlin, la bipolarité a disparu à son tour pour lentement faire place à la Mondialisation, qui ne peut voir son apogée sans la déstabilisation de pays récalcitrants et pas prêts au changement attendu, et donc ouverts à l'engloutissement par le Grand Ensemble. Mais un grand pas est déjà franchi, et il ne sera pas trop difficile de changer la Charte des Nations Unies en Constitution mondiale. Après cela, Il suffit d'un petit coup de balai magique pour remplacer « Secrétaire » Général des Nations Unies en « Président » des Nations Unies, et atteindre ainsi le summum et avoir un gouvernement mondial, but ultime du Nouvel Ordre Mondial. Alors nos Ouattara, comme nos Macron et nos Bolsonaro, seront à ce personnage ce que les gouverneurs sont au Président Macky Sall et au Président Donald Trump. Voilà pourquoi cette sortie du ministre conseiller, qui rejoint celles de presque tous les présidents en Occident, de Sarkozy à Hollande en passant par George Bush père, pousse les adeptes de la théorie du complot à une certaine suspicion. En suivant leurs pensées, nous constatons que cette pandémie est une porte grande ouverte, un terrain d'essai. Elle pourrait aider à réajuster pas mal de choses, surtout et avant tout à nous humaniser plus – c'est l'introspection dont nous avons parlé tantôt –, en s'offrant comme résultat de l'espèce de prophétie d'André Malraux qui avait dit que « le 21e siècle (serait) religieux [spirituel] ou (ne serait) pas ». Si nous manquons cette tangente d'humanité, la seconde trajectoire qui s'offre à nous est la situation où :

  • Les États s'étant approchés des banques pour un appui budgétaire afin de combattre la pandémie, ces dernières deviennent plus puissantes, affaiblissant ainsi les Etats jusque dans les pouvoirs d'orientation de leur politique générale. C'est dire que les entités centrales dans le domaine économico-financier prendront en mains les lignes directrices et les directives.
  • Les compagnies qui voulaient jeter des travailleurs dehors, mais hésitaient à cause du lourd combat que cela comportait en termes juridiques auront les mains plus libres. Beaucoup de gens vont être sans travail, jetés dans la rue et on comprendra, déficit causé par le confinement oblige ! Cela va augmenter la misère et risque de pousser au soulèvement du « prolétariat » à travers le monde, un soulèvement qui risque d'être plus puissant que celui de 1968. Situation grave, mais peut-être prévue, car pour la contrecarrer, le confinement a offert un terrain d'expérimentation face à une telle éventualité : des drones ont été déployés, pour le moment seulement munis de haut-parleurs, pour patrouiller les rues... Ouuuups ! direz-vous. Comme vous, franchement, nous espérons que nous nous trompons. Mais des organismes de gestion et non de prévention des crises existent déjà !
  • Sur les Georgia Guidestones, Pierres Directrices de Géorgie, les humains sont décrits comme un cancer sur terre. Ainsi, suite au confinement, des flamants roses sont apparus en Inde plus nombreux que jamais auparavant. Dans quelques capitales européennes, des animaux sauvages que l'on ne pouvait plus voir qu'en payant un ticket de zoo ou dans quelques recoins de campagne sont venus se pavaner dans les rues vides d'êtres humains. De la station spatiale internationale SSI, on a montré la pureté au-dessus des villes chinoises comme d'ailleurs au-dessus de l'Europe, résultat de la baisse de la pollution, puisque le cancer a été confiné. Le fait de mettre en exergue ces faits d'une pureté d'Éden laisse donc dubitatif si l'on sait que ces mêmes pierres proposent de maintenir constamment la population mondiale à 500 millions, ce qui veut dire laisser à peu près l'équivalent de la population africaine et rayer le reste des êtres humains de la face de la terre. En suivant cette pensée, on ne peut disconvenir que c'est la population des maisons de retraite où des personnes sont amassées comme de vieilles carcasses qui « ne servent plus à rien » – selon une certaine conception – et qui bouffent des deniers publics en pensions et frais de soins sanitaires qui a été la plus touchée.

Cette pandémie offre aussi à l'Afrique l’occasion de prendre un tournant décisif. Une certaine tendance, pour le moment, est de s'affirmer en Africain, ce qui est une faute grave : il ne faut pas s'affirmer en Africain, mais en Humain, en égal aux autres races. Il faut, disons-nous, ne pas être en compétition, mais compétitif. Nous avons eu « la chance » que cela ait débuté ailleurs. Si le point de départ avait été chez nous, le mal aurait pu être catastrophique. Et pourtant, même en possession d'un avertissement longtemps avant, nous trépignons, armés qui de superstition, qui d'une ignorance frisant la folie. Nous n'avons pas appris, encore une fois, à écouter plus souvent la chose Covid-19 que les êtres.

À ce monde des anti-valeurs où chirurgiens, professeurs, chercheurs, bref, les grosses têtes sont, salarialement parlant, des mendiants comparés aux personnes de la musique et du football et qui passent incognito contrairement aux héros porteurs de contre-valeurs devenues seules valeurs rémunérables, voilà que cette pandémie les élève comme soleil levant de nos espoirs. Saurons-nous donc écouter ce message et rapatrier les grandes valeurs ? Saurons-nous répondre à l'invitation de Birago Diop, qui est « d'écouter plus souvent les choses que les êtres », écouter la Covid-19 qui redonne une nouvelle chance d'orientation à l'humanité tout entière ?

UN RAPIDE EXEMPLE POUR LE DICtiONNAIRE

Njamala Njogoy