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samedi 20 juin 2020

AUTOPSIE D'UN ROYAUME D'ENFANCE


AUTOPSIE D'UN ROYAUME D'ENFANCE


The Third World se demande : « Maintenant que nous avons trouvé l'amour / Qu'allons-nous en faire ? » et Stevie Wonder, dans “ Mater blaster jamming ˮ, de renchérir : « Ils veulent qu'on se joigne à leur combat / Mais notre réponse aujourd'hui / Et de laisser [glisser] tous nos soucis / Comme la brise à travers nos doigts. / La paix est arrivée au Zimbabwe, / Le Tiers Monde est à la une / C'est le temps de la célébration / Et nous ne faisons que commencer.» Recommencements perpétuels à tout évènement majeur, de notre Table Ronde nappée à la rumba congolaise en Belgique en passant par la longue marche de Martin Luther King, la création de l'OUA, celle d'Air Afrique qui unissait l'Afrique du nord au sud et de l'est à l'ouest, la libération de Mandela… tant d'évènements durant lesquels les africains font des bonds qui ne survivent pas à dix secondes. Toujours cet élan patriotismo-continentalo-épidermique comme une sangsue rivée à notre identité !

Et on a au fond de la gorge l'amer goût que les messages sous-jacents à ces évènements, messages auxquels vient s'ajouter celui de la Covid-19, semblent nous laisser complètement indifférents comme tombés dans de sourdes oreilles contre lesquelles viennent mourir les échos innombrables de nos grandes gueules vides. Et, malheureusement ce n'est pas une surprise car c'est le fait de s'attendre à ce que l'Afrique, surtout le Sénégal, en apprenât quelque chose qui aurait été surprenant.

Ainsi donc, l'ère des monuments a sonné. Pas de leur construction, mais celle de leur déboulonnement à travers le monde. Bien avant cela, Léopold Sédar Senghor, en précurseur, déchirait les rires banania sur les murs de Paris, on a tendance à l'oublier. Bien après les statues qu'on fit tomber concomitamment à la chute de l'URSS, bien après la chute de celle de Saddam Hussein, Saint-Louis-du-Sénégal s'est tournée vers celle du gouverneur Faidherbe... À la mort de Floyd, c'est un semi tsunami au cœur les anciens empires coloniaux, la condition du nègre étant toutefois l'œil du cyclone.

Nous comprenons et sommes d'accord, tout en nous munissant d'un autre paramètre qui nous pousse à nous demander si nous mesurons l'étendue des démolitions à atteindre forcément si nous voulons rétablir la pureté de notre environnement culturel et historique originel en lavant celui-ci à grands coups de piques et de marteaux.

Là, n'est-ce point l'autopsie de notre royaume d'enfance qui s'impose ? En parlant de dénaturation, voire d'acculturation, il est bien naturel et plus facile que les regards désintégrateurs se tournent vers et contre la France, l'infâme puissance coloniale. Très facile, disons-nous, même de la part de professeurs d'histoire émérites, à étaler les dizaines de milliers de gens massacrés par Faidherbe. C'est tout à fait exact. Et abominable. Mais chez un professeur il y a forcément l'approche descriptive et non normative qui s'impose. Puisqu'il est question de terribles crimes commis contre la race noire, que s'est-il donc passé à Nder ? Une simple razzia de voyous à la recherche d'esclaves ? Que disons-nous de Nder que nous voulons maintenant célébrer chaque année avec un petit peu de fard de féminisme qui amenuise quelque peu l'étendue du drame ?

Comment pourrons-nous égrener les chapelets des affres de la colonisation et laisser de côtés les 17 millions de noirs vendus par les arabes, esclaves qui ne laisseront pas de diaspora puisque castrés à leur arrivée pour servir d'eunuques et dont près de 80 % mourraient des suites de l'opération ? « En castrant la plupart de ces millions de malheureux, l'entreprise ne fut ni plus ni moins qu'un véritable génocide, programmé pour la disparition totale des Noirs du monde arabo-musulman, après qu'ils furent usés, utilisés, assassinés » (Cf. Tidiane Ndiaye, Le génocide voilé).

Au moins aux États Unis il y a la trace des esclaves, cette diaspora qui y est présente aujourd'hui tandis que dans les pays arabes c'est tout le contraire à cause de cette pratique de castration systématique ! Comble de scandale, Bilal est soulevé comme un trophée parmi les nègres, lui qui, dit-on, fut parmi les 5 premiers compagnons du prophète – et quel place lui est réservée ? C'est en cela que chaque jour, en jetant un regard critique alentour, nous nous posons la question sur la vision de Ibn Batouta qui dit : « Au sud du Nil existe une race nègre [dont les hommes] ressemblent plutôt aux animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables. [...] Quelquefois ils se dévorent les uns les autres ; aussi ne méritent-ils pas d'être comptés parmi les hommes [...], leur place étant plus proche du stade bestial » ou encore : « … les seuls peuples à accepter l'esclavage sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade animal »

Attention, ici nous ne sommes pas en train de justifier un côté face à l'autre. Plutôt, contrairement à l'approche générale, nous mettons tous les deux sur la même balance. Et en le faisant, nous semblons obtenir le même poids ! Donc nous invitons à ne pas avaler un chameau et refouler de sa bouche un moustique ! Ici, disons-nous, l'esprit est d'emboîter le pas à Sembene Ousmane dans son film « Ceddo » où il a le courage qui nous manque de nos jours de tout mettre sur la balance ; il a eu la sagesse qui s'arme de discernement et, partant, n'a pas le droit de s'habiller d'un obscurantisme pour occulter la réalité et cela ni sur la base d'une conviction politique, philosophique ou religieuse. Parmi les arabes, il n'y avait pas de distinction entre fidèles musulmans et ceux qui s'adonnaient aux razzias : ils étaient un et indissociables, comme en témoigne l'histoire de Godomaat. « Ama Gôdô Maat (ou Ama Gôdô Maat ) est le nom donné dans la tradition orale à un archer Sérère du 11ème siècle. Ce récit affirme qu'Abou Bakr, un chef almoravide a été tué d'une flèche par Ama Gôdô Maat au nord du Sénégal lors d'une razzia couplée à un djihad. Selon la tradition orale, le nom de Godomat proviendrait apparemment de " Amar ou Amath (fee) Roog o Maad", "Amar Dieu Roi", "Amar [de] Dieu [qui seul est] roi".

Ce sujet de déboulonner les statues nous met mal à l'aise à cause d'une approche autruche qui sévit actuellement au Sénégal : On parle de « nasaraan » sans savoir réellement de quoi il s'agit puisque le terme a une connotation religieuse plutôt que raciale et n'a rien à faire avec Tubaab: il vient de Nazaréen, titre que l'on donnait à Jésus (Jésus de Nazareth, comme qui dirait Mbar o Ndiongolor) puisque ses parents vivaient à Nazareth. Le terme sera par la suite collé aux chrétiens mais, bien avant cela, aux judéonazaréens qui jouèrent d'ailleurs un grand rôle dans le proto-islam à Yatrib qui n'est autre que Médine où ils vinrent s'installer après la destruction du deuxième temple de Jérusalem en l'an 70 (après Jésus-Christ). AL Ya'qubi a écrit : « Parmi les arabes qui sont devenus nazaréens, il y a un groupe de Qurayš… parmi eux figure… et Waraqa Ibn Nawfal ibn Assad » (Cf. Al Ya'qubi, Histoire, Tarih, trad. Houtsma, Leiden, 1883, vol. 1 p.257 / Azzi, p.29). Il faut aussi souligner que peu après le début du livre premier de La collection authentique Al Jâmi' Al Sahîb, le commentateur AL-BUHÂRI (m. 870) donne les indications suivantes : « Cet home [Waraqa], qui était le cousin de Hadija du côté de son père, avait embrassé le nazareïsme avant l'apparition de l'Islam. Il savait l'hébreu et avait copié en hébreu toute la partie de l'évangile que Dieu avait voulu qu'il transcrivît. D'ailleurs ce même commentateur apporta une autre précision : Lorsque Waraqa est mort, la révélation [de Muhammad] s'est tarie » (AL BUHÂRI, al Jâmi, as şahih, Le Caire, sans date, vol. I, p.38 / AZZI p.45)

Ainsi, avec une extrême allergie, les nasaraan sont mis en opposition lorsqu'on parle de « suñu mag ñu baax ña », ancêtres dont la génération ne fait pas la distance d'un jet de pierre dans le passé. N'est-ce point évident que ni Lat-Dior, Ni Coumba Ndoffène, ni Aline Sitoé Diatta, ni Ndiadiane Ndiaye et encore moins Waasila Maak o yaal a Tiiñaan, ne vient à l'esprit lorsque cette expression est dégaînée ? Et si tel est le cas, n'est-ce point un grand tort envers le Pharaon noir, Cheikh Anta Diop qui s'est tellement battu pour nous faire remonter à cinq mille marches d'escalier de l'histoire ?


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Njamala Njogoy