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samedi 16 mai 2020

TEKK TEKAARAL - MOTUS ET BOUCHES COUSUES


TEKK TEKAARAL

Motus et bouches cousues ! Au Sénégal, nous avons peut-être tous les atouts, sommes experts en tout – ainsi pensons-nous – mais pas en ce qui concerne cette expression. Enfin, un maître est arrivé, plus futé que Confucius et Lao Zi, qui invite le monde entier à freiner le trot entretenu jusque-là et à simplement appendre à « arracher nos maillots […] pour tenter simplement d'être des hommes ». La Covid-19 vient avec un message et, comme Birago Diop, nous invite à « écouter plus souvent les choses que les êtres », une invitation du monde entier à une introspection. C'est dire que mon Afrique, et surtout elle, est concernée, qu'elle fait partie de la classe, mais plus particulièrement le Sénégal. Dans ce pays nôtre, dès le premier jour de l'annonce, un religieux (revoyez vos archives) s'élevait pour dire que l'Occident combattait l'Islam. Et sur quelle base ? Il faisait un amalgame par fausse analogie : corona – Coran – Al khourane.

Ensuite suivra la résistance quant à la fermeture de tel ou tel endroit, débat qui, presque chaque soir, s'invite sur tous les plateaux télévisés même si c'est d'une façon de plus en plus timide. Mais force est de convenir que dans un pays qui s'accoude aux efforts buccaux, forcément tous les citoyens sont experts dans tous les sujets, ce qui ne signifie pas « être expert dans toutes les matières », subtilité exige. Comme exemple, pendant toute Coupe d'Afrique et toute Coupe du monde, tout le pays est coach ; pendant cette pandémie, tout le monde est biologiste et virologue : on a des dons ; on offre des crachats ; mignoté des dieux, on sait ce que les autres ne savent pas – allusion à un décret forcément divin ?

En cela, nos journalistes ont une grande part de responsabilité : ils tendent trop facilement et trop vite le microphone, c'est-à-dire à n'importe qui à n'importe quel moment pour n'importe quel sujet. Ainsi, notre journalisme tend à se confiner de plus en plus en journalisme de scandales et de buzz et à s'agripper à une recherche identitaire pathétique. Ainsi, lorsque le Président de la République donne une interview à France 24, qui a su poser les choses sérieuses, lui en voudra-t-on comme à quelqu'un qui ne sait favoriser un produit commercial local. Car comment ose-t-on se demander pourquoi le Président Macky Sall donne une information à France 24 plutôt qu’à un média local ? Un média local l'a-t-il appelé pour lui poser une question à laquelle il aurait refusé de répondre ? Le Président a-t-il accordé cette interview à quelqu'un d'outre-mer après l'avoir refusé à un média local ? S'est-il réveillé et, devant une tasse de café, pris l'initiative de téléphoner à un journaliste d'outre-mer pour lui donner une information concernant le Sénégal ? La tendance n'est-elle pas que toutes vos questions sont habillées de milliards de billets de banque à scandales et posent sur la table des pions d'échecs quant à une décision, un plan ou un projet et, partant, sont trop superficielles vu la gravité de l'heure ?

Dans un pays comme le nôtre, qui se veut émergeant, les médias devraient rehausser le niveau aussi bien moral qu'intellectuel, mais surtout être orientés vers l'éducation – ici aussi la pandémie a montré la voie, grâce à des émissions comme « La salle des profs », genre qui devrait occuper les émissions à hauteur de 75% au minimum, à la place du mbalax et autres légèretés sans tête ni queue. Pour un assainissement introspectif, disons-nous, la tendance devrait être d'inviter plus souvent aux discussions des personnes du cercle universitaire, professeurs et chercheurs en économie et finances, médecine, droit, relations internationales, anthropologie, sociologie, linguistique, physique-chimie, ainsi de suite, et baisser le taux politico-religieux, confinant celui-ci strictement dans les sujets concrets qui le concernent, lorsque devoir de s'expliquer s'impose. Idem des personnes du buzz et celles propres à la rubrique people. La faute a été commise lorsqu'au début, au lieu du corps médical, le microphone a été tendu à trop de profanes comme nous. La Covid-19 a un peu rehaussé la donne, mais pas assez, à notre avis, en cette période où elle fait la part des choses en réhabilitant les grandes valeurs : elle a enterré les anti-valeurs et pointé le doigt vers les gens de l'espoir, du bien-être, à savoir le corps médical, anti-héros d'hier comparés aux chanteurs et aux footballeurs. Il faut, encore une fois, faire intervenir plus souvent les universitaires qui sont plus aptes, et surtout plus propres à donner une approche objective et purement scientifique plutôt que des visions partisanes biaisées ou dogmatiques qui ne sauraient s'offrir en colonnes de vérité. Mais il reste beaucoup à faire, puisque l'intérêt médiatique a tendance à se confiner aux scandales à milliards et au buzz. D'autre part, au lieu de faire des investigations, l'on se contente de poser des questions sur les plateaux télévisés, mû surtout par une recherche dans les réponses de parties négatives ou conflictuelles qui serviront de grands titres dans les médias. Amour du scandale oblige ! C'est le temps du buzz.

Nous pensons que cette pandémie porte en elle des ramifications que nous prenons trop à la légère, vu le niveau indigent des débats télévisés qui semblent n'avoir de but et de valeur que le devoir de remplir le temps alloué à un programme, lui-même destiné à un peuple peu exigeant, qui semble ne pas être doté du minimum de jugeote, vu l'obscurantisme dégainé devant une telle gravité. Et pourtant, la marée monte petit à petit, et nous avons de l'eau jusqu'au nombril, mais nous nous pensons toujours en sécurité. En plus de cette superficialité de certaines émissions, les mêmes thèmes nous sont servis sans cesse, avec une forme de défiance à l'autorité, puisqu'on ramène chaque jour la question de la bienséance de fermer telle ou telle place. Prenant en considération nos comportements de tous les jours, la citation ci-après semble être taillée à notre mesure : « Malheureux êtes-vous, […] hypocrites, parce que vous ressemblez à des tombeaux blanchis à la chaux : à l’extérieur, ils ont une belle apparence, mais l’intérieur est rempli d’ossements et de toutes sortes de choses impures ».

Pourtant, comme à l'instant d'Adam et Ève devant le fruit défendu qui portait en lui le destin de mortalité ou d'immortalité de la race humaine, selon les Saintes Ecritures ; comme au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, disons-nous, le monde entier est à une intersection vitale. Ainsi, un ministre conseiller a parlé, de façon évanescente, du Nouvel ordre mondial « que nous attendons tous » (dit-il). En l'écoutant, et vu qu'il est très pointu, nous sommes arrivé à la conclusion que nous ne pouvons pas mettre en doute le fait qu'il a mesuré toute l'étendue de ce qu'il a avancé, ce qui nous pousse aussi à reconnaître que cette pandémie est une clé possible puisque la porte et la serrure du Nouvel ordre mondial ont déjà été posées. Une autre grande pointure de l'arène politique sénégalaise est sortie trois jours après en utilisant la même expression.

En effet, en transformant la Société des Nations en Organisation des Nations Unies, on avait déjà franchi un grand pas. Avec la bipolarité Est-Ouest, on avait comprimé les disparités, réduit les divergences à l'étendue mondiale. Avec la chute du mur de Berlin, la bipolarité a disparu à son tour pour lentement faire place à la Mondialisation, qui ne peut voir son apogée sans la déstabilisation de pays récalcitrants et pas prêts au changement attendu, et donc ouverts à l'engloutissement par le Grand Ensemble. Mais un grand pas est déjà franchi, et il ne sera pas trop difficile de changer la Charte des Nations Unies en Constitution mondiale. Après cela, Il suffit d'un petit coup de balai magique pour remplacer « Secrétaire » Général des Nations Unies en « Président » des Nations Unies, et atteindre ainsi le summum et avoir un gouvernement mondial, but ultime du Nouvel Ordre Mondial. Alors nos Ouattara, comme nos Macron et nos Bolsonaro, seront à ce personnage ce que les gouverneurs sont au Président Macky Sall et au Président Donald Trump. Voilà pourquoi cette sortie du ministre conseiller, qui rejoint celles de presque tous les présidents en Occident, de Sarkozy à Hollande en passant par George Bush père, pousse les adeptes de la théorie du complot à une certaine suspicion. En suivant leurs pensées, nous constatons que cette pandémie est une porte grande ouverte, un terrain d'essai. Elle pourrait aider à réajuster pas mal de choses, surtout et avant tout à nous humaniser plus – c'est l'introspection dont nous avons parlé tantôt –, en s'offrant comme résultat de l'espèce de prophétie d'André Malraux qui avait dit que « le 21e siècle (serait) religieux [spirituel] ou (ne serait) pas ». Si nous manquons cette tangente d'humanité, la seconde trajectoire qui s'offre à nous est la situation où :

  • Les États s'étant approchés des banques pour un appui budgétaire afin de combattre la pandémie, ces dernières deviennent plus puissantes, affaiblissant ainsi les Etats jusque dans les pouvoirs d'orientation de leur politique générale. C'est dire que les entités centrales dans le domaine économico-financier prendront en mains les lignes directrices et les directives.
  • Les compagnies qui voulaient jeter des travailleurs dehors, mais hésitaient à cause du lourd combat que cela comportait en termes juridiques auront les mains plus libres. Beaucoup de gens vont être sans travail, jetés dans la rue et on comprendra, déficit causé par le confinement oblige ! Cela va augmenter la misère et risque de pousser au soulèvement du « prolétariat » à travers le monde, un soulèvement qui risque d'être plus puissant que celui de 1968. Situation grave, mais peut-être prévue, car pour la contrecarrer, le confinement a offert un terrain d'expérimentation face à une telle éventualité : des drones ont été déployés, pour le moment seulement munis de haut-parleurs, pour patrouiller les rues... Ouuuups ! direz-vous. Comme vous, franchement, nous espérons que nous nous trompons. Mais des organismes de gestion et non de prévention des crises existent déjà !
  • Sur les Georgia Guidestones, Pierres Directrices de Géorgie, les humains sont décrits comme un cancer sur terre. Ainsi, suite au confinement, des flamants roses sont apparus en Inde plus nombreux que jamais auparavant. Dans quelques capitales européennes, des animaux sauvages que l'on ne pouvait plus voir qu'en payant un ticket de zoo ou dans quelques recoins de campagne sont venus se pavaner dans les rues vides d'êtres humains. De la station spatiale internationale SSI, on a montré la pureté au-dessus des villes chinoises comme d'ailleurs au-dessus de l'Europe, résultat de la baisse de la pollution, puisque le cancer a été confiné. Le fait de mettre en exergue ces faits d'une pureté d'Éden laisse donc dubitatif si l'on sait que ces mêmes pierres proposent de maintenir constamment la population mondiale à 500 millions, ce qui veut dire laisser à peu près l'équivalent de la population africaine et rayer le reste des êtres humains de la face de la terre. En suivant cette pensée, on ne peut disconvenir que c'est la population des maisons de retraite où des personnes sont amassées comme de vieilles carcasses qui « ne servent plus à rien » – selon une certaine conception – et qui bouffent des deniers publics en pensions et frais de soins sanitaires qui a été la plus touchée.

Cette pandémie offre aussi à l'Afrique l’occasion de prendre un tournant décisif. Une certaine tendance, pour le moment, est de s'affirmer en Africain, ce qui est une faute grave : il ne faut pas s'affirmer en Africain, mais en Humain, en égal aux autres races. Il faut, disons-nous, ne pas être en compétition, mais compétitif. Nous avons eu « la chance » que cela ait débuté ailleurs. Si le point de départ avait été chez nous, le mal aurait pu être catastrophique. Et pourtant, même en possession d'un avertissement longtemps avant, nous trépignons, armés qui de superstition, qui d'une ignorance frisant la folie. Nous n'avons pas appris, encore une fois, à écouter plus souvent la chose Covid-19 que les êtres.

À ce monde des anti-valeurs où chirurgiens, professeurs, chercheurs, bref, les grosses têtes sont, salarialement parlant, des mendiants comparés aux personnes de la musique et du football et qui passent incognito contrairement aux héros porteurs de contre-valeurs devenues seules valeurs rémunérables, voilà que cette pandémie les élève comme soleil levant de nos espoirs. Saurons-nous donc écouter ce message et rapatrier les grandes valeurs ? Saurons-nous répondre à l'invitation de Birago Diop, qui est « d'écouter plus souvent les choses que les êtres », écouter la Covid-19 qui redonne une nouvelle chance d'orientation à l'humanité tout entière ?

2 commentaires:

  1. Lu et approuvé vraiment c'est tout ce dont l'Afrique a besoin,des personnes comme vous. Il est temps pour nous Africains d'être indépendants, de prendre nos propres décisions et aller plus loin.
    Ensemble nous vaincrons et nous sommes fiers de vous Papa❤️

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    1. Merci a toi. Que le Seigneur te protège et veille sur toi jour et nuit

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UN RAPIDE EXEMPLE POUR LE DICtiONNAIRE

Njamala Njogoy