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jeudi 21 mai 2020

LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE : P/2


LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE : SUITE

Dans la première partie nous avons essayé de cerner quelques briques, faites de ciment avarié et varié, de cette bâtisse qui n'est autre que la société africaine en nous appuyant sur un exemple centré sur le Sénégal. L'espoir est de cerner certaines de ces pierres afin d'aider à comprendre l'état actuel des choses qui régissent nos mentalités, roues motrices de notre devenir. Nous avons parlé de la démocratie, un exemple parmi toutes les briques posées en mode et en modèle pour nos sociétés, piste à suivre systématiquement, qui par peur d'être au banc des accusés de l'arêne internationale, qui par zèle et ignorance rimant à une totale acculturation.


INTRODUCTION

Voilà pourquoi nous pensons qu'une approche bien réfléchie et surtout ceinte de discernement est indispensable, raison pour laquelle nous allons continuer sur la même lancée en nous penchant sur d'autres pierres d'achoppement posées sur le chemin de développement. Nous pensons que les plus substantielles proviennent de deux sources d'assimilation que nous marions aux religions révélées. Ici, pour comprendre, il est indispensable de revisiter leur cheminement historique. Cette approche repose sur le terrible constat que ce qui manque à l'Afrique c'est une froide franchise envers soi-même, sans bagages de colonisation que nous prenons comme échappatoire idéale afin d'enterrer notre médiocrité. Cette dureté de ton n'est qu'une invite désespérée à une introspection courageuse qui ferait fi de tous les tabous, surtout ceux qui nous concernent directement et découlant quasiment de son entière responsabilité. Tout ce qui nous arrive n'est pas dû au colonisateur. Nous jouons trop souvent à l'autruche et, partant, donnons de nous-mêmes une pathétique image stupide et insensée encensée de médiocrité criarde. Combien de fois n'a-t-on pas lu qu'un tel ou tel politique a dit telle ou telle chose sur l'Afrique, froide réalité derrière les mots et la vision, de Sarkozy à Poutine et de Deng Xiaoping à Donald Trump ou d'un président coréen ? La réalité n'est-elle pas que ces textes, vrais ou pure intox dépeignant les réactions, regard sur le continent africain d'hommes politiques en disent long sur notre triste réalité ? Pourtant ils renferment ce que nous-mêmes voyons dans le miroir mais n'y osons pas faire face. Si l'on dit à plusieurs reprises que nous sommes morveux, la solution n'est pas de camper dans la défense d'une dignité offensée, foulée aux pieds, mais d'aller se moucher pour être quitte avec notre conscience, quitte avec notre image. Revenons donc sur les deux sources, nommément les religions qui semblent s'offrir en baromètre quant à notre soi-disantes culture et tradition maintenues ou acculturalistes.

  1. Le christianisme : À cause de la colonisation implantée en même temps que l'arrivée des missionnaires chrétiens, le christianisme est pris, par certains, comme une religion acculturaliste ; que la puissance étrangère s'y est accoudée pour asseoir sa domination spirituelle et psychologique, espèce de moyen de lavage du cerveau. À cela il faut ajouter le fait qu'il y a eu l'esclavage pratiqué par les européens, esclavage qui ne peut disparaître de l'esprit dans la mesure où il a laissé des traces jusqu'à nos jours à travers les petits-enfants des esclaves qui forment aujourd'hui la diaspora des Amériques. Il y a aussi le discours de Léopold II au Congo que l'on peut lire encore aujourd'hui de même que les écrits du Comte de Gobineau auxquels on fait souvent allusion. Comble de preuves, le français est notre langue officielle ! Ce n'est là que quelques exemples et certes pas parmi les plus pertinents mais c'est intentionnellement que nous dressons cette longue liste, dans le dessein d'un parallélisme.

  2. L'islam : L'introduction de l'islam sur le continent, comparée à celle du christianisme, est on ne peut plus subtile, raison pour laquelle celui-ci s'offre comme alternative rédemptrice et en porte à faux avec le christianisme que l'on perçoit, c'est déjà dit, comme acculturaliste. Et c'est là où l'esprit de l'africain fait parfois froid au dos. Par exemple, au Sénégal, en même temps qu'on dénigre l'expression nos « ancêtres les Gaulois », nous courons nous réfugier chez nos « ancêtres les arables », sinon arabisés. C'est pourquoi la tendance, du moins si l'on se base sur ce qui se dit sur les plateaux télévisés, est qu'au Sénégal « nos Ancêtres », ne remontent pas plus loin que l'introduction de l'islam dans le pays. Avec plus de jugeote, on aurait compris, pourtant, que nos ancêtres les Gaulois étaient des sujets de livres d'études venant d'outre-mer et par conséquence, pas initialement conçus pour nous. Leurs concepteurs ne nous comptaient pas parmi ces petits-enfants, puisque nous étions des sous-hommes. En lisant ces textes, c'était donc comme quelqu'un qui lit, par-dessus une épaule, une lettre qui ne lui est pas destinée. C'est par contre tout le contraire lorsqu'on embrasse l'arabe et que l'on veut implanter la charia loi aux contours arabes par-dessous la religion véhiculée. Nous allons développer ces deux sources d'assimilation ci-dessous.


    LA DOUBLE ASSIMILATION

    Sommes-nous trop durs envers nous autres africains ? Sommes-nous conscients de tous les paramètres qui ont régi et régissent, et façonné et façonnent nos mentalités ? Bien avant les colons européens, qui susciteront des résistants face à l'occupation comme les Chaka, et les Béhanzin, puis le combat intellectuel des pères de la Négritude et le mouvement d'émancipation des noirs aux États-Unis, il y a eu l'esclavage pratiqué par les Arabes à travers des razzias ou avec la connivence de nos notables de jadis. Une chanson issue de cette période était parmi les chansons de berceuses de notre enfance :

    SeereerFrançais
    Aayoo neeneHuch ! petit bébé
    Aayoo aayHuch ! hush !
    O lolatangaa loolSi tu pleures encore
    Naar waa ndamongLes Maures t'attraperont
    A njiktikong fo jem.Pour aller t'échanger contre du sel.


    LA PÉRIODE ARABE

    Celle-ci commence avec les premiers voyageurs, dont nous prendront uniquement Ibn Batouta et Ibn Khaldoun. Bien avant le « négrophobe » Gobineau, nous pouvons dire que les premières graines de déshumanisation de l'Homme noir ont commencé avec Ibn Khaldoun qui dit expressément : « Au-delà du pays des Lemlem, dans la direction du sud, on rencontre une population peu considérable ; les hommes qui la composent ressemblent plutôt à des animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables... » Ceci dit, un autre viendra, nommément Ibn Batouta dont le regard va s'ingérer dans la culture africaine trouvée sur place. Il va faire l'amalgame entre la foi et la culture, voulant plutôt comme modèle la sienne ce ne peut être qu'une vision suprématiste :

    « Invité au repas d'hospitalité chez le mansadyon, je refuse d'abord de m'y rendre mais mes compagnons me pressant d'y assister, je m'y rendis avec eux. On nous servit du petit mil concassé mélangé d'un peu de miel et de lait caillé, présenté dans une moitié de courge utilisée comme écuelle. Les assistants burent et se retirèrent. Je demandai : N'est-ce que pour cela que ce Nègre nous a invités ? On me répondit : Oui, car c'est là leur grand repas d'hospitalité. J'eus la certitude qu'il n'y avait rien à attendre d'eux.»

    Présentons un autre passage du même auteur, qui dévoile la conception de la relation femme-homme, conception maladive d'une culture où la jalousie frise la démence :

    « Une autrefois, en visite chez le caravanier qui m'a amené, je trouve chez lui un homme et une femme en conversation [...] Je lui demandai :

    - Qui est cette femme ?
    - Mon épouse.
    - Que lui est l'homme assis avec elle ?
    - Son ami.
    Comment acceptes-tu cela, alors que tu as habité chez nous et que tu connais les règles de la loi divine ?
    - La fréquentation entre hommes et femmes n'enfreint pas chez nous les convenances et les bonnes mœurs. Elle ne donne lieu à aucun soupçon, car nos femmes ne sont point comme les vôtres.

    Écœuré de cette veulerie, je me retirai et refusai dès lors de retourner chez lui, ne répondant plus à ses invitations. »

    Dans la réponse finale de l'homme nous trouvons quelqu'un qui, il y a des siècles, avait compris le fait d'assimiler sans être assimilé ; enracinement et ouverture qu'il fallait allier à l'art du donner et du recevoir. L'hôte a su faire une distinction entre suivre la religion et enterrer sa propre culture au profit d'une autre par-dessus frappée de démence, d'où sa réponse : « La fréquentation entre hommes et femmes n'enfreint pas chez nous les convenances et les bonnes mœurs. Elle ne donne lieu à aucun soupçon, car nos femmes ne sont point comme les vôtres ».

    Voilà donc un petit aperçu des premiers contacts avec les Arabes. Pour nous conformer au parallélisme, comme promis, l'attitude décrite et la conception du nègre n'est pas bien différente de celles du Comte de Gobineau. Ibn Khaldoun, de son côté, écrit :

    « … les seuls peuples à accepter l'esclavage sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade animal. »

    Venons maintenant à l'esclavage. Bien avant et durant la période de la traite des esclaves par les européens, les Arables s'y sont adonnés, faisant environ 17 millions de victimes. Tidiane Ndiaye, dans son livre « Le génocide oublié », se penche sur cette période. Il fait remarquer que s'il n'y a pas trace de cette période d'esclavagisme arabe, contrairement aux États-Unis où il y a une diaspora formée par les petits-fils d'esclaves, c'est que ceux qui furent embarqués par les arabes ne pouvaient subsister dans la mesure où ils furent systématiquement castrés pour servir d'eunuques. Citons :

    « Si la traite transatlantique, qui a duré quatre siècles, est qualifiée à juste titre de crime contre l'humanité, la traite des Noirs d'Afrique par le monde arabo-musulman, commencée dès le VIIe siècle et terminée officiellement au XXe, peut s'assimiler à un génocide pur et simple : on estime qu'elle fit près de 17 millions de victimes, tuées ou castrées. Alors que 70 millions de descendants ou métisses d'Africains peuplent le continent américain, des États-Unis au Brésil, seule une minorité de Noirs ont réussi à survivre en terre d'islam. L'asservissement accompagne bien toutes les sociétés humaines, à commencer par l'Antiquité, mais il n'a pas eu partout les mêmes conséquences. La traite arabe débute lorsque les captifs blancs originaires d'Europe centrale et orientale viennent à manquer (esclave vient du mot « slave »).

    C'est lorsque « la mine à esclaves européens » fut tarie que les Arabes se tournèrent vers le continent africain :

    « Ce déficit caucasien oblige les conquérants à se tourner vers l'Afrique. Dès 652, l'émir et général Abdallah ben Saïd impose aux Soudanais un accord leur demandant la livraison de milliers d'esclaves. La majorité de ces hommes étant prélevée sur les populations du Darfour, qui continuent de nos jours à être asservies, tuées ou déportées par les janjawids, ces milices maures au service du gouvernement de Khartoum. « Les Arabes avaient ainsi ouvert une voie balisée d'humiliations, de sang et de mort qu'ils seront les derniers à refermer officiellement au XXe siècle, longtemps après les Occidentaux. Leur dénier [était] le rang d'humains : ce trafic s'opère par un double subterfuge, racial et théologique. Si l'islam divise les hommes entre croyants et non-croyants, il interdit d'asservir les fidèles du Coran. De nombreux peuples d'Afrique, séduits par le message égalitaire du Prophète, vont se convertir à cette nouvelle foi. Pour contourner l'interdit, les conquérants vont considérer que la conversion ne suffit pas : il faut rabaisser la dignité de l'homme noir pour justifier sa captivité. Même le grand historien Ibn Khaldoun (XIVe siècle) considère qu'au sud du Nil existe une « race nègre [dont les hommes] ressemblent plutôt aux animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables. [...] Quelquefois ils se dévorent les uns les autres ; aussi ne méritent-ils pas d'être comptés parmi les hommes [...], leur place étant plus proche du stade bestial.
    En arabe, le mot « abid » signifiant « esclave » est devenu à partir du VIIe siècle synonyme de « Noir ». Bien avant les grands théoriciens européens du racisme, le monde arabe aura justifié la ségrégation raciale envers les Africains, et ce, au mépris de l'enseignement de Mahomet. Même les pèlerins noirs qui se rendaient à La Mecque étaient parfois kidnappés par de riches marchands, puis revendus sur les marchés. Le Coran aura ainsi servi au pire et au meilleur, à commettre des abominations comme de grandes choses.
    [À travers] les razzias et pactes, les Arabes, chasseurs d'hommes, transformeront en véritables enfers des régions entières où les habitants vivaient heureux », où des civilisations vieilles de milliers d'années furent dévastées par de sanglantes razzias. Des empires entiers furent détruits comme celui du Ghana au XIe siècle par les Almoravides venus du Maroc et d'Andalousie. Le cheptel devait être jeune et vigoureux : les villages étaient encerclés, la savane brûlée pour éviter que les fugitifs puissent s'y cacher, les vieux et les malades éliminés. Les rabatteurs, souvent assistés d'aventuriers européens, organisaient des expéditions au cœur du continent, jusqu'à l'actuelle Tanzanie et même jusqu'au Congo pour s'approvisionner en chair fraîche. Le « bois d'ébène » était traqué par des armées de guerriers qui nouaient des pactes avec les souverains locaux, mus par la cupidité. Le djihad n'était qu'une occasion de s'enrichir et de mettre le travail de centaines de milliers d'hommes au service de leurs propriétaires, soucieux de mener une vie oisive. Comme le dit le proverbe : « L'esclave se satisfait de la jouissance du maître. »

    La traite orientale emprunte deux routes : la transsaharienne et la maritime. La première est celle des caravanes : elles vont d'oasis en oasis, traînant avec elles des milliers de captifs enchaînés, qui, sous un soleil accablant, meurent de faim, de soif. Les pistes sont parsemées de squelettes. Une fois acheminés à bon port, les survivants sont exhibés, évalués et mis en vente : au XIXe siècle, par exemple, la ville de Khartoum constitue le plus grand entrepôt d'esclaves de la région. L'autre route était celle du Nil et de la mer Rouge avec l'importance prise par l'île de Zanzibar, possession du sultanat d'Oman. Ce dernier colonisa toute l'Afrique de l'Est, avec l'aide des banquiers indiens, des monarques locaux et l'accord tacite des Britanniques, qui fermaient les yeux. Zanzibar, plus que l'île de Gorée, au Sénégal, fut l'épicentre d'une traite supérieure à la ponction transatlantique. Le « Nègre » y était inscrit dans le tarif des douanes, telle une marchandise parmi d'autres. Les commerçants acheminaient les captifs en Irak, en Perse, en Inde et jusqu'en Chine.

    Terrible est le récit de la castration des captifs : elle se déroulait de deux manières, par l'ablation des testicules ou par une opération dite « à fleur de peau » qui concernait la totalité des organes génitaux. Le fantasme des Noirs surpuissants risquant de déshonorer les femmes des harems conduisit à cette fabrication massive d'eunuques, « gardiens de la vertu des femmes ». En Turquie, ils ne furent émancipés qu'en 1918. Cette opération chirurgicale était réservée aux infidèles, l'islam interdisant de la pratiquer. En Égypte et en Éthiopie, elle était assurée par des moines coptes, qui la pratiquaient sur des garçons de 8 à 12 ans, dans des conditions d'asepsie douteuses. Près de 80 % des patients mourraient des suites de l'opération. « En castrant la plupart de ces millions de malheureux, l'entreprise ne fut ni plus ni moins qu'un véritable génocide, programmé pour la disparition totale des Noirs du monde arabo-musulman, après qu'ils furent usés, utilisés, assassinés ».

    À lire Tidiane Ndiaye, la traite arabe fut donc bien la pire : « Bien qu'il n'existe pas de degrés dans l'horreur ni de monopole de la cruauté, on peut soutenir sans risque de se tromper que le commerce négrier et les expéditions guerrières menées par les Arabes musulmans furent, pour l'Afrique noire et tout au long des siècles, bien plus dévastateurs que la traite transatlantique ».

    L'influence ou assimilation arabe que nous acceptons puisqu'elle est plus subtile et surtout noyée dans la religion La rancœur ne peut être qu'atténuée dans la mesure où, du génocide d'hier, il ne reste pratiquement aucune trace à cause de la castration des victimes. Ne sommes-nous pas fiers de l'esclave Bilal ? « Bilal ibn Rabâh, dit Al-Habashi , était l'un des compagnons du prophète de l’islam, Mahomet. Il est né à La Mecque dans le Hejaz en 580 après J.-C Son père Rabah était un esclave arabe du clan Banu Jumah, sa mère, Hamamah, était une ancienne princesse abyssine capturée après la tentative de destruction de la Kabaa par Abraha l'Abyssin et réduite en esclavage. Né esclave, Bilal n'a pas eu d'autre choix que de travailler pour son maître, Umayyah ibn Khalaf. Par la suite, il fut affranchi2 par Abû Bakr. Considéré comme le premier muezzin , il était connu pour sa belle voix, avec laquelle il appelait les gens à leurs prières. Il meurt en 640 à l'âge de 62 ans. En tant que premier muezzin, Bilal est le patron des muezzins et de leurs corporations6. D'après certaines traditions, il est l'un des dix-sept premiers patrons, parmi les compagnons présents, à avoir été initiés, sur l'initiative du prophète, par Ali lui-même — et non par Salman le Perse — avec la cérémonie du šadd. Bilal est un des premiers convertis à l'islam. D'après la majorité des récits, il est le cinquième à avoir embrassé la religion musulmane. En effet, après Khadija, première épouse du prophète, et Ali, neveu et futur gendre du prophète, suivent le premier homme adulte, Abou Bakr, puis le premier esclave affranchi, Zayd ibn Harithah, fils adoptif du prophète, et Bilal. Considéré comme le premier musulman d'ascendance africaine, Bilal est particulièrement vénéré en Afrique et par les Afro-Américains8. Au Maroc, il est considéré comme le fondateur et le protecteur de la guilde des musiciens noirs itinérants. En Tunisie et dans le reste du Maghreb, il est invoqué, sous le nom de sidi Bilal, par les membres des confréries de noirs musulmans pendant le stambali, un rite de possession. En Inde, les noirs musulmans le considèrent comme leur ancêtre commun. (Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bilal_ibn_Rabah) »

    Si, comme on le dit, Bilal fut un des compagnons du Prophète et le 5eme à avoir embrassé l'islam, il faut reconnaître que la place qui lui est assignée est bien moindre, esclavage obligeant. Le fait de se fédérer autour de lui, par-delà la couleur, nous fait penser à cette impression d'Ibn Khaldoun qui doit nous être amère, que « … les seuls peuples à accepter l'esclavage sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade animal. »

    Le manque d'égards d'Ibn Khaldoun, qui n'est autre que pur racisme. Il faut aussi se demander l'aveuglement, lampe placée sous le boisseau pour étouffer la lumière, face à l'apocalypse de Nder. Elle ne semble pas nous gêner. Nous ne pointons aucun doigt accusateur sur ces atrocités, du moins pas de point de vue racial, évènement que nous commémorons pourtant. Personne ne se lève contre ce génocide, appelant les petits-enfants de ces esclavagistes à se confesser en faisant un mea culpa. Est-ce à cause du fait qu'il s'agit de la race du Prophète Muhammad (psl), et, partant, de la religion que nous partageons maintenant avec les Arables ?

    Est-ce la raison pour laquelle nous pointons le doigt vers l'assimilation que nous lisons dans le français, et allons jusqu'à nous leurrer en s'appuyant sur la langue arabe comme si elle était de nos « cosaan », c'est-à-dire nos traditions ? Ici, force est de reconnaître que notre ancêtre de jadis qui écœura Ibn Khaldoun en lui répondant que «- la fréquentation entre hommes et femmes n'enfreint pas chez nous les convenances et les bonnes mœurs. [Qu'elle] ne donne lieu à aucun soupçon, car nos femmes ne sont point comme les vôtres » nous dame bien le pion.


    LA PÉRIODE EUROPEENNE

    La période que nous appelons européenne est certes plus palpable à cause du fait que des marques de l'esclavage existent à nos jours : nos cousins d'outre-Atlantique qui forment la diaspora à travers les Amériques et le fait que les européens colonisèrent notre continent, s'y implantant et entreprenant une politique d'assimilation et laissant sur place la langue, qui est notre véhicule officie de communication. Il faut dire de suite que nous ne sommes pas en train de pencher pour l'un ou l'autre. Les deux se valent, raison pour laquelle nous attirons l'attention du danger sous-jacent de chacune des parties et que les Africains sont en train de tomber de Charybde en Scylla. L'assimilation portée par la vague européenne est plus facile à identifier, puisque concrétisée par nos écoles, le système politique, économique et partant, initiatrice de la mondialisation à laquelle nous semblons ne pas pouvoir échapper.

    S'engrenant à la traite arabe, la traite transatlantique commence, décimant le continent en embarquant « l'espoir des nations [futures] » vers les Amériques pour les plantations de coton et les champs de cannes à sucre. Ce commerce d'esclaves a fait des victimes, par millions, victimes prises des populations de l'Afrique occidentale, l'Afrique centrale et l'Afrique australe durant plusieurs siècles. La traite négrière s'est appuyée sur la combinaison des six éléments suivants ci-dessous :

    1. Les victimes sont des Noirs ;
    2. Les réseaux d’approvisionnement sont organisés et intégrés ;
    3. Les populations esclaves ne peuvent se maintenir de manière naturelle (natalité/décès) ;
    4. Le lieu de la capture et celui de la servitude sont éloignés l’un de l’autre ;
    5. La traite correspond à un échange commercial entre producteurs et acheteurs et l’esclave est donc considéré comme une marchandise ;
    6. Des entités politiques approuvent ce commerce et en retirent un bénéfice financier.

    La traite doit être distinguée de l'esclavage qui « consiste à exercer sur une personne un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété ». S'il ne peut y avoir de traite sans esclavage, l'inverse n'est pas vrai : ce fut par exemple le cas dans le Sud des États-Unis au XIXe siècle. La traite se différencie aussi de la notion contemporaine de trafic d'êtres humains. Les traites négrières furent un phénomène historique de très grande ampleur en raison du nombre de victimes, des nombreuses méthodes d'asservissement et des multiples opérations de transports sur de longues distances. On distingue trois types de traite négrière qui auraient abouti à la déportation d'environ 42 millions de personnes : la traite orientale (17 millions) dont la traite dite arabe est la composante principale, la traite occidentale (14 millions) et la traite intra-africaine (11 millions). L'apogée de la traite atlantique a eu lieu au XVIIIe siècle, celle de la traite orientale au XIXe siècle.

    Cette juxtaposition des deux traites nous semble indispensable afin d'éclairer la triste réalité africaine actuelle. Au Sénégal on fait le pied de grue contre la France, contre la colonisation et, partant contre le traitement de nos populations durant cette période. Cela est justifiée et compréhensible. Ce qui est aberrant, c'est le fait que l'on fait ce pieds de grue ; on badigeonne la langue française, pas pour rehausser nos langues nationales, mais pour une implantation de l'arabe, qui nous semblent plus proche et ses peuples moins maculés de sang, de génocides ?!

    Nous sommes allés jusqu'à dresser la lisière de notre culture à partir de l'arrivée de l'islam, comme si nos arrières grands-pères commencèrent à exister seulement à l'avènement des razzias des Almoravides. Ce serait porter un affront à Cheikh Anta Diop, une de nos emblèmes nationales qui une icône du refus d'être assimilé et de voir nos cultures annihilées. C'est disons-nous, manquer d'égards envers nos Femmes-de-Ndèr : « La résistance de Nder plus connue sous le terme de résistance des femmes de Nder ou mardi de Nder (Talaatay Ndeer) est un épisode marquant et symbolique de la lutte contre l’esclavage dans l'histoire du Sénégal. En effet un mardi de novembre 1819, les populations de la cité de Nder dans le royaume prospère du Waalo opposent une résistance opiniâtre à des esclavagistes marocains maures, dont la tribu vassale des Trarzas et Toucouleurs venus du nord du fleuve Sénégal et conduits par le chef Amar Ould Mokhtar. Cet épisode est connu dans l'historiographie par son issue dramatique et la conduite héroïque des habitants qui se sont sacrifiés plutôt que d'être emmenés et réduits en esclavage ». C'est aussi offusquer la résistance de Ama Gôdô Maat assassinant le chef Almoravide dans la lutte de résistance des populations autochtones de la vallée du fleuve Sénégal : « Au XIe siècle, la population Sérères du Tékrour s'oppose à l'armée de la coalition Musulmane (composé des Almoravides et des Toucouleurs convertis à l'Islam) afin de préserver leur religion sérère plutôt que d'adopter l'islam. Bien que la religion ait été un facteur, ces guerres ont aussi des dimensions politiques et économiques. La classe Sérères Lamanique essayait également de préserver son pouvoir économique et politique. Bien que victorieux, dans certains cas, ils ont finalement été vaincus par l'armée musulmane. Abu Bakr Ibn Omar, chef des Almoravides, lance un djihad dans la région. Il bat le roi sérère Ama Gôdô Maat en novembre 1087 et le tue par une flèche empoisonnée » (Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ama_Gôdô_Maat).


SYNTHESE DES DEUX COURANTS

Il ne faut pas nous méprendre : ce que nous refusons ici, c'est la condamnation d'un camp au détriment de l'autre. Tous les deux comportent une force assimilatrice, la plus dangereuse étant celle qui s'habille de plus de subtilité, ce que Bob Marley a bien compris en dénigrant l'émancipation sournoise qui se situe au niveau mental : « Emancipate yourselves from mental slavery,/ none but by ourselves can we free our minds ».

Certains de nos ancêtres ont combattu aussi bien l'envahisseur arable que l'envahisseur français et de la même manière, pour les mêmes raisons. Senghor fera allusion à une de ces batailles de résistance à Elissa du Gabou : « On nous tue, Almamy ! On ne nous déshonore pas. Ni ses montagnes ne purent nous dominer, ni ses cavaliers nous encercler ni sa peau claire nous séduire ni nous abâtardir ses prophètes »

Une invasion est une invasion, peu importe la couleur de peau où la religion. Les sérères de la vallée du fleuve Sénégal qui résistèrent devant l'invasion almoravide, razzia drapée d'expansion religieuse, attaquèrent en 1446 un navire affrété par le marchand d'esclaves portugais Nuno Tristão. Il tenta d'aborder en pays sérère pour se procurer des esclaves. Il n'y eut aucun survivant parmi les passagers adultes du navire, tous tués par des flèches empoisonnées sérères. Seuls cinq jeunes Portugais survécurent à cette attaque »

Nous Africains devons savoir qu'un peuple physiquement enchaîné finira toujours par briser ses chaînes ; un peuple mentalement enchaîné ne se relèvera jamais. Nous raillons « nos ancêtres les Gaulois », et embrassons la pathétique tendance de chanter « nos ancêtres arabes ou assimilés par la culture Arabe». N''y mêlez pas la religion, subtilité exige ! Ce que nous voulons dévoiler est le fait, entre autres, que nous dénigrons le français, mais au lieu de proposer nos langues nationales à la place, nous voulons le remplacer par l'arabe. Exactement comme, en politique, on fuyait un camp d'où on avait subi des gifles pour aller vers un autre où on recevra des fessées. D'ailleurs nous nous gourons terriblement en interprétant l'expression « nos ancêtres les Gaulois » : Elle se trouvait dans des livres que nous utilisions, comme nous l'avons déjà dit, mais qui n'étaient pas, au préalable, conçus pour nous. Nous étions des sous-hommes, rappelez-vous, et, partant, n'étions pas dignes d'être des petits-enfants des Gaulois. Mais, malheureusement, cette triste réalité d'errements dans les interprétations nous colle toujours aux pieds dans plusieurs thèmes. Exactement comme nous étions considérés comme « les seuls peuples à accepter l'esclavage […] en raison d'un degré inférieur d'humanité, [notre] place étant plus proche du stade animal. »



A SUIVRE

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UN RAPIDE EXEMPLE POUR LE DICtiONNAIRE

Njamala Njogoy