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lundi 1 octobre 2018

CHANTS D'OMBRE - POUR EMMA PAYELLEVILLE L’INFIRMIERE


POUR EMMA PAYELLEVILLE L’INFIRMIERE

Emma Payelleville est certainement une infirmière affectée au régiment des tirailleurs sénégalais durant la deuxième guerre mondiale, ou bien à une section spéciale s’occupant des FFI. A travers le poème nous ressentons son dévouement, pas un dévouement mécanique, celui d’une personne qui calcule juste ses heures pour ne pas soustraire un centime de son salaire, mais un vrai professionnel du corps médical qui prête toute son attention – son affection aux soldats noirs.

  1. « Emma Payelleville, ton nom brisera les images poudreuses des gouverneurs. Toi la si faible et frêle jeune fille tu rompis les remparts décrétés entre toi et nous, les faubourgs indigènes. »

    Pour mieux accentuer la valeur de l’infirmière, le poète juxtapose la fragilité de sa personne et la force massive des statues dressées à la mémoire des gouverneurs : son nom – survivra ces statues massives et graves. Par delà le système qui honore les hommes sur d’autres critères, ce système qui ne voyait pas toutes les frontières humaines possibles, elle a su se hisser pour faire disparaître « les remparts décrétés » entre elle et ces soldats de la France d’Outre-mer, certainement un groupe de règles régissant les attitudes à prendre vis-à-vis d’eux.

  2. « Ignorante de la technique des bureaux, sans livre sans dictionnaire sans interprète aigu, tes yeux surent percer l’épaisseur des remparts tes yeux le mystère lourd des corps noirs »

    Cette attitude d’Emma est toute naturelle. Si elle suit une bureaucratie, c’est uniquement celle de son cœur. Elle va au-delà de ses propres moyens, allant jusqu’à casser une autre barrière, celle de la langue et cela sans dictionnaire, sans interprète. Usant de ses yeux comme de ceux d’un saltiki qui rend toute chose transparente, elle sut voir au-delà des remparts épais et se poser sur la misère des noirs.

  3. « Tes yeux pour leurs seuls yeux transparents de pure eau tes mains, sous la douceur charnelle des corps noirs fraternelle douceur pour toi seule tes mains découvrir, tes mains extirper les nœuds de leurs misères que des génies hostiles séculairement n’avaient pu faire si durs. »

    Une complicité, comme au temps de l’apartheid pour tout blanc sympathisant avec un noir, s’est établie entre elle et ses patients. Le poème est rempli de mystères, de limites, de frontières qu’Emma saura franchir : la transparence de pure eau des yeux est une expression toute sérère : c’est l’innocence, un regard non rempli de malveillance naturelle ou surnaturelle. Après le contact profond, le poète passe à la phase des actions : « tes mains… surent extirper les nœuds de leurs misères que des génies hostiles séculairement n’avaient pu faire si durs ».

    Ici Senghor fait référence à la réputation des Kouss ou lutins : Plusieurs personnes rapportent que les Kouss aiment s’adonner à tresser la queue des chevaux pendant que le soleil est au zénith. Ces nœuds sont impossibles à défaire et il faut souvent couper les tresses pour en débarrasser le pauvre animal.

    Ces lutins sont aussi sujet de ce qui est connu en Occident comme des abductions : enlever un humain, et cela pendant une certaine période et le relâcher, celui-ci réapparaissant sans toutefois pouvoir décrire où il était. Il n’est pas rare qu’il commence à détenir des pouvoirs hors du commun.

    Emma a conservé l’innocence d’un bébé, drapée dans sa peau couleur de lait, couleur de la peau d’un nouveau né. Et le poème lui assure l’éternité dans la mémoire des guerriers noirs : Même lorsque les statues poudreuses des gouverneurs disparaîtront de la terre, lorsqu’elle même départira de ce monde, les cœurs noirs se joindront pour renfermer à leur fond profond le souvenir d’Emma Payelleville.

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