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mercredi 20 mai 2020

LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE P/1


LE CORONA LÈVE LE VOILE SUR L'AFRIQUE - P/1

  1. INTRODUCTION

    L'avènement du corona virus lève un amer voile sur le continent africain et montre sa fragilité jusque dans l'existentiel. Cela ramène à notre esprit la menace de la Discontinuité qui est conçue « de nos jours en termes de l’homme devenant quasi machines à travers la nanotechnologie et l'intelligence artificielle ou encore la manipulation génétique. Ce sujet d’actualité est débattu en termes de Quatrième et de Cinquième discontinuité. La notion de « Quatrième discontinuité », développée par Bruce Mazlish, est la perception que « les humains ne sont pas qualitativement différents des machines ; qu'ils sont en train d'imploser en machines ». Par contre « la Cinquième discontinuité » envisage que d’un côté « les humains sont en train de créer, et il existe des espèces supérieures et les hommes ne seront plus le pouvoir souverain de la nature ». Une telle condition apparaîtra si un jour les hommes deviennent subordonnés des machines et finissent par être subjugués par la puissance de leur travail. Cette discontinuité suggèrerait que la race humaine pourrait dégénérer ou bien disparaître comme fruit de l'évolution. De l’autre côtoie on pense à la possibilité « qu’une race extraterrestre plus intelligente et plus puissante pourrait apparaître et réduire les humains en esclavage ou bien les anéantir ». Toutes ces possibilités avaient été entrevues par H. G. Wells que l’on nomme le prophète de la cinquième discontinuité ».

    Mais des discontinuités, il y en a bien d'autres, jusqu'à celle qui est purement géologique. Toutefois, ici, le danger de discontinuité qui nous préoccupe et nous intéresse est intrinsèquement liée à la définition générale, à savoir que « la discontinuité » n'est autre que « le fait de présenter des interruptions, d'être interrompu ; quelque chose qui se produit à intervalles irréguliers ; le fait de présenter quelque chose qui varie, qui n'est pas continu ». C'est ce qui s'est produit au niveau de l'homme puisqu'il y a eu, entre autres, l'homme du Neandertal et celui de Cro-Magnon, tous disparus pour laisser la place à l'homme actuel que l'on dit sapiens ou sapiens-sapiens. L'on peut trouver aberrant que l'on côtoie cette idée à l'encontre de l'Afrique, mais force est de constater que des situations telles que celle posée par la Covid-19 laisse dubitatif, si l'Afrique se maintient dans l'état actuel des choses, d'où la nécessité de se secouer sérieusement pour éviter cette possibilité de discontinuité primordiale, qui est différente de celle qui peut éventuellement se produire comme « suite du développement technologique où la personne est augmentée, mais pas annihilée ».

    Il est vrai qu'il y a eu de petitssursauts : Madagascar est venu est venu avec son Covid organics ; à Dakar, on a conçu un robot s'exprimant en français et en langue(s) nationale(s) ; des citoyens fait des toilettes mobiles, à Thiès ou Saint-Louis du gèle… Tout cela est bien, c'est même très bien. Excellent ! Seulement l'esprit sous-jacent ces faits nous semble mal posé puisque basé sur un continentalismo-nationalisme instantané, comme une réaction à une situation donnée alors qu'elle aurait dû être de facto la marche journalière de toute société, de toute université, puisque cette créativité est justement la raison d'être de cette dernièere. Répétons-le : Tout cela est bien, mais cette application doit être celle de tous les jours. La raison d'être d'une université c'est la créativité. Une université est appelée à être une pépinière dans toutes les branches de la connaissance, piliers du développement d'une nation, par-delà les jets de pierres, la casse de biens publics et privés, les grèves de restaurants ou de bourses accoudées à la politisation de l'espace estudiantin si ce n'est un sectarisme religieux qu'accompagnent des soirées religieuses dont les chants perturbent les moments qui auraient du être de quiétude réservée à la concentration sur les études.

    Ces grèves seront on ne peut plus justifiées si et seulement le fruit des recherches, les applications, est substantiellement palpable. Voilà pourquoi nous espérons que ce sursaut ne sera pas comme le réveil de civisme qui visita brièvement le Sénégal au lendemain de la catastrophe du Diola. Rappelons-nous qu'au niveau des transports, la surcharge, qui était responsable dans cet « accident » à un taux très élevé, avait disparu, mais trop brièvement pour réapparaître plus forte que jamais.

    Si le corona virus nous a secoués et fait découvrir à des universités leur raison d'être après tant d'existence, c'est bien triste mais donne quand même quelque espoir. D'emblée il faut savoir maintenant qu'il ne suffit ni ne s'agit d'être en compétition au sein des races ; il s'agit, avant tout, d'être surtout compétitif et de gagner la dignité, pas par des efforts buccaux, mais en mettant la main à la pâte, comme on dit.

  2. DEMOCRATIE ET (IN)CIVISME

    Du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, la Covis-19 a montré que les régimes forts auraient pu s'en sortir ou peuvent s'en sortir mieux, surtout en matière de suivi des règles de confinement. Tous sont d'avis qu'une réussite du combat contre cette pandémie dépend intégralement du strict suivi des directives indiquées par les corps médicaux et décrétées par les gouvernements. C'est dire que la réussite repose l'autodiscipline des peuples, des imbus de civisme, d'une bonne éducation. Dans de tels régimes on ne saurait assister à remise en question quasi journalière des directives données par la Haute Autorité comme ce fut le cas dans notre pays où une insubordination et une ignorance conjuguées avec un obscurantisme furent les pierres d'achoppement de la réussite de l'endiguement de l'expansion la pandémie. Osons le dire : En matière d'incivisme, le Sénégal mérite une place dans le Guinness et cet incivisme sévit depuis longtemps puisqu'il a eu sa partition dans la grande pièce orchestrale des catastrophes et avait, là aussi, ravi ravir la palme d'or de l'horreur maritime avec la catastrophe de Diola. Et les scènes se poursuivent plus fertiles que la production cinématographique de de Bollywood. N'y a-t-il pas toujours des bus surchargés dont les apprentis montent dégager des bagages afin de pouvoir passer sous un pont ? N'a-t-on pas assisté au théâtre de gens urinant entre la file des véhicules bloqués dans un embouteillage ? Un chauffeur n'a-t-il pas fait grimper son taxi sur une passerelle pour piétons à cause de la pluie ? Faut-il omettre de la liste les automobilistes qui changent leur pneu crevé en pleines voies de circulation ; un agent sanitaire contaminé qui fuit et va contaminer sa communauté ; le haut fonctionnaire qui se bat pour des per diem condition sine qua non pour aller secourir les victimes d'une catastrophe comme un ambulancier se battrait pour une cravate devant un accidenté au crâne ouvert ?

    Lorsqu'on va dans un pays pour la première fois, l'image de rue renseigne sur son état économique et sur le degré civique de sa population, sa mentalité : au Sénégal le parc est fantastique, mais presque 99% des véhicules portent des égratignures et/ou sont cabossés ; nous traversons comme un troupeau de moutons, aveugles aux feux de réglementation de circulation qui ne sont que des ornements et parmi des tables et des étalages où « ordre » ni « méthode » sont des chimères. Mais c'est bien bien-avant-hier qu'il fallait redresser les choses car le civisme ne s'apprend encore moins ne peut s'appliquer en une nuit. Comment peut-on d'ailleurs redresser, puisque cet incivisme qui se dresse dru comme une colonne faite de diamant s'alimente à l'amalgame que l'on a de la notion de liberté et de liberté d'expression et porte ses « nombo » de « yasi » ou « maŋkaane » acquis auprès des devins défenseurs de droits ?

    C'est bien εποχή της δημοκρατίας, (lire : épokhé tés démokratias = l'époque de la Démocratie), qui a sonné ! En réfléchissant sur la situation sénégalaise, on ne peut ne pas être tenté de repeser cette fixation du monde sur l'idéal de la démocratie. Pourquoi pas, puisque le Professeur Fukuyama l'a fait avec le néo-libéralisme ? Ne peut-on pas raisonnablement trouver bizarre, dans un monde qui avance à grande vitesse et se réadapte sans cesse à cause de l'avancée technologique, et des métamorphoses sociales, le fait que le système politique n'ait été revisité par les érudits modernes, comme jadis en Grèce, et cela pour voir s'il n'y a pas d'autres variances ou alternatives ?

    Platon savait que la démocratie finit toujours par succomber sous son propre poids, qui n'est autre que la liberté qu'elle-même prône : « Mais n’est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie regarde comme son bien suprême qui perd cette dernière? À savoir la liberté. En effet, dans une cité démocratique, tu entendras dire que c’est le plus beau de tous les biens, ce pourquoi un homme né libre ne saurait habiter ailleurs que dans cette cité. (…) Lorsqu’une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle s’enivre de ce vin pur au-delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie, les accusant d’être des criminels et des oligarques. Et ceux qui obéissent aux magistrats, elle les bafoue et les traite d’hommes serviles et sans caractère. Par contre, elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l’air d’être gouvernés et les gouvernés qui prennent l’air d’être gouvernants. N’est-il pas inévitable que dans une pareille cité l’esprit de liberté s’étende à tout ? Qu’il pénètre dans l’intérieur des familles (…) Que le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour ses parents, parce qu’il veut être libre, que le métèque devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque, et l’étranger pareillement. Voilà ce qui se produit et aussi d’autres petits abus tels que ceux-ci. Le maître craint ses disciples et les flatte, les disciples font peu de cas des maîtres et des pédagogues. En général les jeunes gens copient leurs aînés et luttent avec eux en paroles et en actions ; les vieillards de leur côté s’abaissent aux façons des jeunes gens et se montrent pleins d’enjouement et de bel esprit, imitant la jeunesse de peur de passer pour ennuyeux et despotiques (…) Or, vois-tu le résultat de tous ces abus accumulés ? Conçois-tu bien qu’ils rendent l’âme des citoyens tellement ombrageuse qu’à la moindre apparence de contrainte ceux-ci s’indignent et se révoltent ? Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s’inquiéter des lois écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître. »1

    Et le livre d'Urantia d'enchérir :

    « Bien que la démocratie soit un idéal, elle est un produit de la civilisation et non de l’évolution. Allez lentement ! Choisissez soigneusement ! Car voici les dangers de la démocratie :

    1. La glorification de la médiocrité.
    2. Le choix de dirigeants ignorants et vils.
    3. L’incapacité de reconnaitre les faits fondamentaux de l’évolution sociale.
    4. Le danger du suffrage universel aux mains de majorités frustes et indolentes.
    5. L’asservissement à l’opinion publique ; la majorité n’a pas toujours raison »2

Ces deux citations semblent taillées sur mesure pour le monde actuel, spécialement pour le Sénégal et nous laissent avec l'amère conviction que nous sommes en train de nous embourber dans cette piste décrite par Platon. En prenant en compte l'amalgame installé entre civisme et le couple Liberté - Liberté d'expression, n'a-t-on pas l'amer sentiment que nous vivons une époque où « les gouvernants […] ont l’air d’être gouvernés et les gouvernés […] prennent l’air d’être gouvernants », situation entérinée par le quatrième point du Livre d'Urantia, qui veut que l'application de la démocratie dans une société où l'éducation n'est pas forte porte en soi « le danger du suffrage universel aux mains de majorités frustes et indolentes » ? Notez bien : Nous avons mis « éducation » en italiques pour dire que nous faisons bien la distinction entre deux types d'éducation. Celle dont il est question ici ne saurait être que celle nécessaire, voire indispensable à la vie de la Cité qui rend responsable en plaçant l'esprit mûr devant un choix, d'où le système électorale qui implante la présidentielle ses élections locales et ses législatives.

Dans notre pays, en plus des risques soulevés par Platon et le livre d'Urantia, il y a surtout le danger qui repose sur le fait que, bien en retard sur beaucoup de choses, nous avons brulé tant d'étapes que nos peuples n'ont pas eu le temps de digérer. Tendance vers la globalisation exige, accoudée au monde de la consommation ! Ceci force vers un état de fait où la facilité s'allie et se renforce par un conformisme latent. Les nouvelles technologies de l'information et des télécommunications ont apporté beaucoup de facilités et auraient pu permettre un rattrapage dans pas mal de choses et à frais moindres, comparés par exemple à l'étendue des investissements qu'aurait requis l'infrastructure d'un réseau classique avec ses creusets, ses poteaux, ses câbles et ses raccordements. Et pourtant ! au lieu d'études ; au lieu d'aller puiser les incommensurables ressources du réseau Internet, le penchant est surtout de s'envoyer des images, des prières à distribuer à un certain nombre de personnes pour avoir telle ou telle bénédiction si ce n'est des photos à scandales, des charlatans tapis dans l'ombre de la toile, des vendeurs de rêves de visas et les insultes à n'en plus finir sur les réseaux sociaux.

Il faut ajouter à cela qu'au nom de la démocratie et, partant, de la liberté d'expression, on confond actuellement activiste et agitateur, le dernier ayant d'ailleurs disparu du vocabulaire puisque tout repose sur le droit de dire son opinion, sur la liberté d'expression et, partant, peu importent les procédures et les formes, même quand elles frisent une insolence mariée à une ignorance et à un incivisme notoires. Devant cet état de fait, la piste suivie par nos sociétés et la notion despotique de nation démocratique assumée les citoyens eux-mêmes – et non pas seulement par certains dirigeants africains – ont poussé à se demander si la démocratie était faite pour l'Afrique. Des analyses ont tenté de déceler ces problèmes en remontant vers nos cultures et l'héritage de la colonisation : « Les émeutes, les manifestations et les grèves survenues dans un certain nombre de pays d’Afrique francophone, les déclarations contradictoires de MM. François Mitterrand, Jacques Pelletier et Michel Rocard, d’une part, et de M. Jacques Chirac, de l’autre, durant l’année dernière, ont rappelé la nécessité, pour la France, de se donner une doctrine sur la démocratisation des systèmes politiques subsahariens [...]. Les pratiques autoritaires, l’échec de la greffe de la démocratie libérale en Afrique noire ne renvoient pas à la persistance d‘une culture traditionnelle dont la définition est au demeurant impossible, mais bel et bien au moment colonial et à la reproduction de son héritage au lendemain de l’indépendance. Les Africains en ont une conscience aiguë, qui citent volontiers les abus du travail forcé, le style de commandement de l’administration française, ou ses manipulations électorales. Mais les enseignements de l’histoire et de la science politique corroborent d’une certaine manière leur perception. La corrélation entre le multipartisme et le tribalisme a toujours été beaucoup plus complexe que l’idée que l’on s’en est fait en France. Tendancielle, elle n’a jamais été absolue, ainsi que l’ont montré de nombreuses études de sociologie électorale, par exemple au Nigeria. En réalité, le multipartisme laisse apparaître au grand jour le phénomène majeur de la vie sociale en Afrique noire, que le régime du parti unique connaît aussi mais qu’il dissimule mieux au regard de l’observateur étranger : à savoir le déchaînement des luttes factionnelles, qui « parasitent » non seulement les institutions politiques mais aussi les administrations publiques, les syndicats, les chefferies dites traditionnelles, les entreprises et jusqu’aux Églises chrétiennes ou aux confréries islamiques. Or, les différentes ethnies – pour autant que ce terme veuille dire quelque chose, comme nous allons le voir – se partagent systématiquement entre plusieurs entrepreneurs politiques rivaux. I1 n’y a jamais adéquation parfaite entre appartenance ethnique et adhésion politique. De ce point de vue, les interprétations « tribalistes » du politique en Afrique noire, qui se parent volontiers des vertus de l’expertise et de l’érudition, sont dangereusement simplistes, ne serait-ce que parce qu’elles laissent dans l’ombre des clivages historiques ou sociaux plus fins mais autrement plus significatifs ».

Revenons, pour boucler la première partie de cet article, à la discontinuité dont la base primordiale d'une échappatoire est forcément l'autosuffisance alimentaire. Et qui dit autosuffisance alimentaire, dit agriculture. La pandémie nous là aussi damné le pion, mais surtout montré qu'en moins d'un mois, dans l'état actuel des choses, des pays comme le Sénégal peuvent commencer à compter des morts par famine. Et pourtant d'autres ont perçu depuis longtemps cette éventualité et sont allés jusqu'à se demander si, en fin de compte, l'Afrique n'était pas mal partie : « Défi lancé aux agriculteurs africains, L’Afrique noire est mal partie fit scandale au moment de sa parution, en 1962. René Dumont, ingénieur agronome, dresse un constat peu encourageant de l’Afrique sub-saharienne qu’il parcourt et observe. Dans un contexte de décolonisation optimiste, sa voix de théoricien mais aussi d'homme de terrain s’élève à contre-courant des discours et des pratiques des élites issues des indépendances, pour sommer les Africains de reprendre en main leur agriculture en parvenant notamment à établir une culture vivrière locale - et à éradiquer ainsi la faim. 50 ans après, L'Afrique noire est mal partie demeure une référence dans les débats sur la suffisance alimentaire en Afrique sub-saharienne. Charlotte Paquet Dumont la replace dans son contexte tandis qu'Abdou Diouf et Jean Ziegler, dans les deux préfaces à cette édition, examinent l'analyse de René Dumont dans l'évolution de ces cinq décennies, en évaluent la validité actuelle, tout en développant, chacun, un avis distinct et argumenté. »

Comme toujours, les réactions ne tardèrent point. Comme toujours, nous nous étions sentis insultés lors même qu'une écoute et une ouverture d'esprit auraient discerné qu'au-delà de la triste dureté du titre, il y avait une invite conseillère pour un meilleur avenir car nous dans un sens, nous disons chaque jour que nous devons trouver des voies à nous, un système qui nous soit propre. Avec ce voile levé qui découvre toutes nos faiblesses, ne soyons donc pas surpris dans le cas d'un faible taux de réussite dans le combat contre la pandémie. Celui-ci est désormais relégué à la responsabilité individuelle et, partant dépendra d'un grand degré de civisme. Il y aura certainement un lendemain, mais pensons à notre place dans le monde, sachons, comme le dit si bien le Général Maximus dans «Gladiateur» que ce l'on fait aujourd'hui résonne dans l'éternité. Ne nous voilons pas la face. Sachons nous moucher avant qu'on nous le dise, sinon nous serons toujours frustes et allons dégainer une fierté négative et déphasée lorsqu'un dirigeant occidental nous en aura fait la remarque – que nous méritons.


1Démocratie : Platon vs Aristote
2 Le Livre d'Urantia, Développement de l'État, fascicule 71, p 801.


A SUIVRE

samedi 16 mai 2020

TEKK TEKAARAL - MOTUS ET BOUCHES COUSUES


TEKK TEKAARAL

Motus et bouches cousues ! Au Sénégal, nous avons peut-être tous les atouts, sommes experts en tout – ainsi pensons-nous – mais pas en ce qui concerne cette expression. Enfin, un maître est arrivé, plus futé que Confucius et Lao Zi, qui invite le monde entier à freiner le trot entretenu jusque-là et à simplement appendre à « arracher nos maillots […] pour tenter simplement d'être des hommes ». La Covid-19 vient avec un message et, comme Birago Diop, nous invite à « écouter plus souvent les choses que les êtres », une invitation du monde entier à une introspection. C'est dire que mon Afrique, et surtout elle, est concernée, qu'elle fait partie de la classe, mais plus particulièrement le Sénégal. Dans ce pays nôtre, dès le premier jour de l'annonce, un religieux (revoyez vos archives) s'élevait pour dire que l'Occident combattait l'Islam. Et sur quelle base ? Il faisait un amalgame par fausse analogie : corona – Coran – Al khourane.

Ensuite suivra la résistance quant à la fermeture de tel ou tel endroit, débat qui, presque chaque soir, s'invite sur tous les plateaux télévisés même si c'est d'une façon de plus en plus timide. Mais force est de convenir que dans un pays qui s'accoude aux efforts buccaux, forcément tous les citoyens sont experts dans tous les sujets, ce qui ne signifie pas « être expert dans toutes les matières », subtilité exige. Comme exemple, pendant toute Coupe d'Afrique et toute Coupe du monde, tout le pays est coach ; pendant cette pandémie, tout le monde est biologiste et virologue : on a des dons ; on offre des crachats ; mignoté des dieux, on sait ce que les autres ne savent pas – allusion à un décret forcément divin ?

En cela, nos journalistes ont une grande part de responsabilité : ils tendent trop facilement et trop vite le microphone, c'est-à-dire à n'importe qui à n'importe quel moment pour n'importe quel sujet. Ainsi, notre journalisme tend à se confiner de plus en plus en journalisme de scandales et de buzz et à s'agripper à une recherche identitaire pathétique. Ainsi, lorsque le Président de la République donne une interview à France 24, qui a su poser les choses sérieuses, lui en voudra-t-on comme à quelqu'un qui ne sait favoriser un produit commercial local. Car comment ose-t-on se demander pourquoi le Président Macky Sall donne une information à France 24 plutôt qu’à un média local ? Un média local l'a-t-il appelé pour lui poser une question à laquelle il aurait refusé de répondre ? Le Président a-t-il accordé cette interview à quelqu'un d'outre-mer après l'avoir refusé à un média local ? S'est-il réveillé et, devant une tasse de café, pris l'initiative de téléphoner à un journaliste d'outre-mer pour lui donner une information concernant le Sénégal ? La tendance n'est-elle pas que toutes vos questions sont habillées de milliards de billets de banque à scandales et posent sur la table des pions d'échecs quant à une décision, un plan ou un projet et, partant, sont trop superficielles vu la gravité de l'heure ?

Dans un pays comme le nôtre, qui se veut émergeant, les médias devraient rehausser le niveau aussi bien moral qu'intellectuel, mais surtout être orientés vers l'éducation – ici aussi la pandémie a montré la voie, grâce à des émissions comme « La salle des profs », genre qui devrait occuper les émissions à hauteur de 75% au minimum, à la place du mbalax et autres légèretés sans tête ni queue. Pour un assainissement introspectif, disons-nous, la tendance devrait être d'inviter plus souvent aux discussions des personnes du cercle universitaire, professeurs et chercheurs en économie et finances, médecine, droit, relations internationales, anthropologie, sociologie, linguistique, physique-chimie, ainsi de suite, et baisser le taux politico-religieux, confinant celui-ci strictement dans les sujets concrets qui le concernent, lorsque devoir de s'expliquer s'impose. Idem des personnes du buzz et celles propres à la rubrique people. La faute a été commise lorsqu'au début, au lieu du corps médical, le microphone a été tendu à trop de profanes comme nous. La Covid-19 a un peu rehaussé la donne, mais pas assez, à notre avis, en cette période où elle fait la part des choses en réhabilitant les grandes valeurs : elle a enterré les anti-valeurs et pointé le doigt vers les gens de l'espoir, du bien-être, à savoir le corps médical, anti-héros d'hier comparés aux chanteurs et aux footballeurs. Il faut, encore une fois, faire intervenir plus souvent les universitaires qui sont plus aptes, et surtout plus propres à donner une approche objective et purement scientifique plutôt que des visions partisanes biaisées ou dogmatiques qui ne sauraient s'offrir en colonnes de vérité. Mais il reste beaucoup à faire, puisque l'intérêt médiatique a tendance à se confiner aux scandales à milliards et au buzz. D'autre part, au lieu de faire des investigations, l'on se contente de poser des questions sur les plateaux télévisés, mû surtout par une recherche dans les réponses de parties négatives ou conflictuelles qui serviront de grands titres dans les médias. Amour du scandale oblige ! C'est le temps du buzz.

Nous pensons que cette pandémie porte en elle des ramifications que nous prenons trop à la légère, vu le niveau indigent des débats télévisés qui semblent n'avoir de but et de valeur que le devoir de remplir le temps alloué à un programme, lui-même destiné à un peuple peu exigeant, qui semble ne pas être doté du minimum de jugeote, vu l'obscurantisme dégainé devant une telle gravité. Et pourtant, la marée monte petit à petit, et nous avons de l'eau jusqu'au nombril, mais nous nous pensons toujours en sécurité. En plus de cette superficialité de certaines émissions, les mêmes thèmes nous sont servis sans cesse, avec une forme de défiance à l'autorité, puisqu'on ramène chaque jour la question de la bienséance de fermer telle ou telle place. Prenant en considération nos comportements de tous les jours, la citation ci-après semble être taillée à notre mesure : « Malheureux êtes-vous, […] hypocrites, parce que vous ressemblez à des tombeaux blanchis à la chaux : à l’extérieur, ils ont une belle apparence, mais l’intérieur est rempli d’ossements et de toutes sortes de choses impures ».

Pourtant, comme à l'instant d'Adam et Ève devant le fruit défendu qui portait en lui le destin de mortalité ou d'immortalité de la race humaine, selon les Saintes Ecritures ; comme au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, disons-nous, le monde entier est à une intersection vitale. Ainsi, un ministre conseiller a parlé, de façon évanescente, du Nouvel ordre mondial « que nous attendons tous » (dit-il). En l'écoutant, et vu qu'il est très pointu, nous sommes arrivé à la conclusion que nous ne pouvons pas mettre en doute le fait qu'il a mesuré toute l'étendue de ce qu'il a avancé, ce qui nous pousse aussi à reconnaître que cette pandémie est une clé possible puisque la porte et la serrure du Nouvel ordre mondial ont déjà été posées. Une autre grande pointure de l'arène politique sénégalaise est sortie trois jours après en utilisant la même expression.

En effet, en transformant la Société des Nations en Organisation des Nations Unies, on avait déjà franchi un grand pas. Avec la bipolarité Est-Ouest, on avait comprimé les disparités, réduit les divergences à l'étendue mondiale. Avec la chute du mur de Berlin, la bipolarité a disparu à son tour pour lentement faire place à la Mondialisation, qui ne peut voir son apogée sans la déstabilisation de pays récalcitrants et pas prêts au changement attendu, et donc ouverts à l'engloutissement par le Grand Ensemble. Mais un grand pas est déjà franchi, et il ne sera pas trop difficile de changer la Charte des Nations Unies en Constitution mondiale. Après cela, Il suffit d'un petit coup de balai magique pour remplacer « Secrétaire » Général des Nations Unies en « Président » des Nations Unies, et atteindre ainsi le summum et avoir un gouvernement mondial, but ultime du Nouvel Ordre Mondial. Alors nos Ouattara, comme nos Macron et nos Bolsonaro, seront à ce personnage ce que les gouverneurs sont au Président Macky Sall et au Président Donald Trump. Voilà pourquoi cette sortie du ministre conseiller, qui rejoint celles de presque tous les présidents en Occident, de Sarkozy à Hollande en passant par George Bush père, pousse les adeptes de la théorie du complot à une certaine suspicion. En suivant leurs pensées, nous constatons que cette pandémie est une porte grande ouverte, un terrain d'essai. Elle pourrait aider à réajuster pas mal de choses, surtout et avant tout à nous humaniser plus – c'est l'introspection dont nous avons parlé tantôt –, en s'offrant comme résultat de l'espèce de prophétie d'André Malraux qui avait dit que « le 21e siècle (serait) religieux [spirituel] ou (ne serait) pas ». Si nous manquons cette tangente d'humanité, la seconde trajectoire qui s'offre à nous est la situation où :

  • Les États s'étant approchés des banques pour un appui budgétaire afin de combattre la pandémie, ces dernières deviennent plus puissantes, affaiblissant ainsi les Etats jusque dans les pouvoirs d'orientation de leur politique générale. C'est dire que les entités centrales dans le domaine économico-financier prendront en mains les lignes directrices et les directives.
  • Les compagnies qui voulaient jeter des travailleurs dehors, mais hésitaient à cause du lourd combat que cela comportait en termes juridiques auront les mains plus libres. Beaucoup de gens vont être sans travail, jetés dans la rue et on comprendra, déficit causé par le confinement oblige ! Cela va augmenter la misère et risque de pousser au soulèvement du « prolétariat » à travers le monde, un soulèvement qui risque d'être plus puissant que celui de 1968. Situation grave, mais peut-être prévue, car pour la contrecarrer, le confinement a offert un terrain d'expérimentation face à une telle éventualité : des drones ont été déployés, pour le moment seulement munis de haut-parleurs, pour patrouiller les rues... Ouuuups ! direz-vous. Comme vous, franchement, nous espérons que nous nous trompons. Mais des organismes de gestion et non de prévention des crises existent déjà !
  • Sur les Georgia Guidestones, Pierres Directrices de Géorgie, les humains sont décrits comme un cancer sur terre. Ainsi, suite au confinement, des flamants roses sont apparus en Inde plus nombreux que jamais auparavant. Dans quelques capitales européennes, des animaux sauvages que l'on ne pouvait plus voir qu'en payant un ticket de zoo ou dans quelques recoins de campagne sont venus se pavaner dans les rues vides d'êtres humains. De la station spatiale internationale SSI, on a montré la pureté au-dessus des villes chinoises comme d'ailleurs au-dessus de l'Europe, résultat de la baisse de la pollution, puisque le cancer a été confiné. Le fait de mettre en exergue ces faits d'une pureté d'Éden laisse donc dubitatif si l'on sait que ces mêmes pierres proposent de maintenir constamment la population mondiale à 500 millions, ce qui veut dire laisser à peu près l'équivalent de la population africaine et rayer le reste des êtres humains de la face de la terre. En suivant cette pensée, on ne peut disconvenir que c'est la population des maisons de retraite où des personnes sont amassées comme de vieilles carcasses qui « ne servent plus à rien » – selon une certaine conception – et qui bouffent des deniers publics en pensions et frais de soins sanitaires qui a été la plus touchée.

Cette pandémie offre aussi à l'Afrique l’occasion de prendre un tournant décisif. Une certaine tendance, pour le moment, est de s'affirmer en Africain, ce qui est une faute grave : il ne faut pas s'affirmer en Africain, mais en Humain, en égal aux autres races. Il faut, disons-nous, ne pas être en compétition, mais compétitif. Nous avons eu « la chance » que cela ait débuté ailleurs. Si le point de départ avait été chez nous, le mal aurait pu être catastrophique. Et pourtant, même en possession d'un avertissement longtemps avant, nous trépignons, armés qui de superstition, qui d'une ignorance frisant la folie. Nous n'avons pas appris, encore une fois, à écouter plus souvent la chose Covid-19 que les êtres.

À ce monde des anti-valeurs où chirurgiens, professeurs, chercheurs, bref, les grosses têtes sont, salarialement parlant, des mendiants comparés aux personnes de la musique et du football et qui passent incognito contrairement aux héros porteurs de contre-valeurs devenues seules valeurs rémunérables, voilà que cette pandémie les élève comme soleil levant de nos espoirs. Saurons-nous donc écouter ce message et rapatrier les grandes valeurs ? Saurons-nous répondre à l'invitation de Birago Diop, qui est « d'écouter plus souvent les choses que les êtres », écouter la Covid-19 qui redonne une nouvelle chance d'orientation à l'humanité tout entière ?

jeudi 31 octobre 2019

AI - TRAZAGAN - ONZIEME PARTIE


CHRONIQUE D'UNE GOUVERNANCE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE - ONZIEME PARTIE

Une notice de nouveau message s'affichait sur le petit écran placé côté gauche du bureau de Krazick. S'installant confortablement après avoir déposé son sac électronique sur le côté opposé, il baya l'écran de sa paume et un diagramme s'afficha.
- Bonjour chéri et bienvenu. J'espère que ce n'était pas trop dur.
La voix de Falcon avait balayé naturellement la pièce mais elle n'était visible nulle part. Toutefois, s'il avait voulu, le conseiller n'aurait eu qu'à pousser un bouton de l'apparail de positionnement pour savoir son positionnement.
- Bonjour. Non, ma chérie, un peu ennuyeux peut-être
- Je descends à l'instant

Le conseiller regardait la figurine qui s'animait sur l'écran, essayant d'y comprendre quelque chose. Il le fallait bien. Arracher quelques points de compréhension ou d'incompréhension pour pouvoir poser les bonnes questions à Falcon qui était venue avec bizarre diagramme. Celle-ci arriva avec un verre contenant du jus qu'elle présenta à son compagnon. Krazick prit le verre apr§s un tendre baiser sur les joues de Falcon.
- Merci ma chérie. Mais il me semble que ton diagramme va me déshabiller du goût de ce jus frais.
- J'espère que non
- Je vois que tu t'es donnée à fond dans cette affaire
- Chose promise...
- Et ceci représente quoi ?
- La preuve qu'il y a jadis eu une civilisation mondialisée sur Terre. Je pense que les Humains ont eu un problème d'approche : ils veulent rassembler les morceaux de ruines pour monter vers les grands ensembles et en faire la reconstruction au lieu de partir des grands ensembles pour ensuite pouvoir assembler les morceaux en vue de leur reconstruction.
- En effet ton diagramme semble nettement présenter les grandes lignes que tu veux suivre.
- Oui, je pense qu'il fallait partir de deux sources primordiales, l'une étant très subtile parce que commençant par les plus hautes sphères pour décrire le mécanisme du cosmos en commençant par pas moins de neuf milliards d'années en arrière. La nature de ce cosmos permet alors de concevoir que d'autres soient capables de voyager à travers l'univers et d'interagir avec l'environnement d'autres planètes éparpillées à travers les systèmes solaires de notre propre galaxie ainsi qu'avec ceux d'autres constellations.
- Je vois, dit Krazick en se grattant légèrement la joue. Il me faut plus d’éléments.
- Je sens un pic d’humour relatif à notre aube balbutiante.
- En effet, ma chérie. Mais ton schéma….
- Ne fait que dresser les grandes lignes
- Un schéma quoi.
- Oui, juste un schéma. Il faut savoir que beaucoup d'élements qui ne sont pas mentionnés se trouve au mileu des grands ensembles. Des Olméques en passant par les statatues de l'Ile de Paques et de Stonehenge à la pyramide en Chine, toute l"histoire de l'humanité y est.

Le conseilla souleva le schéma puis tomba dans une profonde méditation. Falcon se leva doucement et le laissa à ses pensées. Une musique douce amplit lles pièces, discrête, une musique présente et pourtant qui semblait ne pas avoir de source, comme toutes les constellations donnaient un concert à travers l'univers entier


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lundi 7 octobre 2019

DEUXIÈME INTERVENTION


ETUDE DE TEXTE
DEUXIEME INTERVENTION DE BORIS DIOP

Boris introduit par la réplique suivante : « Mon texte qui s’est voulu courtois – mais sans concession sur le fond – t’a fait sortir de tes gonds, à la surprise générale. »

Nous remarquons que ce n’est pas du tout la nature ni la tournure de votre texte. Monsieur Diop, votre texte ne s’est pas voulu courtois. Dans le texte que vous citez, vous avez attaqué, une attaque, gan d’acier dans du velours et maintenant vous quittez l'affut pour l'affront. Cette nouvelle sortie le prouve. Ainsi donc vous êtes revenu sur vos pas comme quelqu’un vers la maison après s’être rappelé y avoir oublié ses clés.


« Je n’aurai donc réussi, en cherchant à te secouer un peu, qu’à te blesser. J’ai dû toucher quelque point sensible et tu m’en vois désolé. »

Ces phrases ne sauraient être plus couvertes de malhonnêteté intellectuelle. C’est vous qui vous êtes senti blessé par un texte âgé de plus de 20 ans et qui avez sorti vos griffes. Dès le premier texte, nous avions bien saisi deux mots clés, la création du laboratoire n’étant qu’un prétexte : unicité linguistique, une thèse idéaliste et non réaliste dans l’état actuel des choses aussi bien au Sénégal qu’à travers l’Afrique mais qui ne peut ni de ne doit être remise en question parce que provenant de votre dieu qui n’en est d’ailleurs pas le père précurseur, et puis la juxtaposition de la traduction de textes sciences-poésie. Que nul ne soit pas dupe : dès que ces deux termes sont mentionnés, vous allez chercher, l’on ne sait de quelle fontaine née de quels marécages une incompatibilité innée Senghor-Cheikh Anta, un péché qui est la juxtaposition de deux figures sénégalaises emblématiques. Nous verrons plus bas ce que nous avançons, quand vous faites expressément appel à un duel en Bretagne ou en Normandie.


« Les invectives sont nuisibles à la dignité de ce débat et il vaut mieux que nous les évitions. Encore faudrait-il que tu fasses l’effort de distinguer la critique de l’affront. Tu as quand même un peu fait rire à tes dépens avec cette étrange histoire de vouvoiement. Encore heureux que tu ne m’aies pas provoqué en duel sur je ne sais quel pré de Bretagne ou de Normandie. »

Oui, Monsieur Diop, « les invectives sont nuisibles à la dignité de ce débat » qui ne devrait même pas voir le jour. Et non !, Monsieur Diagne n’a pas fait rire à ses dépens, et tout au long de ce texte, vous l’accusez de vos propres forfaitures. Vous voyez, contrairement à beaucoup, nous pensons que ce dialogue, tel qu’il se présente, n’aurait pas dû exister. Nous aurions aimé voir un texte de vous en forme de thèse, ou antithèse, c’est-à-dire une autre vision que celle venant de Bachir, si différence de visions il y a, mais une vision argumentée et non cette approche venant uniquement de vous et, de surcroît, est plus que de bas étage. Et puis ça suffit ! Vous devriez savoir qu’un laboratoire n’a pas pour fin sa création, mais les résultats des recherches qui y sont menées.
Ainsi donc, nous vous demandons de bien vouloir nous lister les fruits du laboratoire de datation au carbone 14 de Dakar qui sont sa finalité. Quelles en furent les percées dans le domaine scientifique ? Y a-t-on changé un paradigme scientifique ? Et ne me dites pas qu’on y a daté tel ou tel échantillon ! Ce serait comme le boutiquier qui me dit qu’il sait mesurer un litre d’huile quand un client se présente. Nous parlons de percée, puisque vous voulez votre pharaon si grand. Donnons des exemples de percées pour illustrer ce que nous voulons dire car nous ne voulons aucune autre lecture de notre pensée comme ce fut le cas concernant le texte de Monsieur Bachir Diagne :

  • Le VIH2 est un résultat du laboratoire de l’hôpital le Dantec avec la collaboration de Monsieur Souleymane Mboup et des équipes étrangères. Ici, à notre connaissance, sa création n’a jamais fait de polémique, la collaboration scientifique qui s’y est déroulée n’a pas été dénaturée de son africanité à cause de la participation d’acteurs étrangers : l’essentiel est qu’il a fait et continue de faire des résultats. C’est ce côté théorique, certainement contagion d’intellectuels comme vous qui font que de nos universités ne sortent en majorités que théories, mises à part les grèves et les casses de biens publiques.
  • Lucy, ou Dinqnesh, fossile de l'espèce éteinte Australopithecus afarensis fut découvert en 1974 sur le site de Hadar, en Éthiopie, par une équipe de recherche internationale. Ce fossile est daté de 3,18 millions d'années.
  • Edwin Powell Hubble astronome américain, dans la nuit du 13 mars 1781, découvrit au cours d'une observation, la planète Uranus, croyant d'abord avoir affaire à une comète ou à un disque stellaire.
Voyez-vous, nous avons beaucoup de respect pour Cheikh Anta Diop et sommes foncièrement d’avis qu’il faut toujours rendre à César ce qui est à César. Mais, comprenons-nous, seulement ce qui est à César ! Ne nous forcez donc pas à une réévaluation – un audit intellectuel - de ce qui a été accompli par rapport aux ressources mises à disposition. Devrions-nous aller jusqu’à nous demander si c’est un vide, résultat inexistant, que l’on a voulu couvrir par un vol ? Ne conviendrez-vous pas que dans les laboratoires gérés sérieusement et correctement, il y a toujours une collaboration internationale car, avant de publier une découverte dans un journal officiel scientifique, le bon sens est qu’il faut premièrement les exposer et en discuter avec d’autres experts du même domaine ? Dans un tel cas, c’est sûr que s’il y a un résultat dans le laboratoire, il y aurait forcément un « backup informationnel» au niveau des collaborateurs. Donc vous voyez, Monsieur Diop, que cela pourrait faire très mal, car le cas contraire dénoterait un cavalier solitaire dans un domaine qui demande de la collaboration, ou bien un manque total de productivité au sein dudit laboratoire. Il faut cesser de nous rabâcher les oreilles sur la création du laboratoire. Parlez-nous de résultats !

« Serions-nous tous devenus fous au point de ne même plus pouvoir discuter – un peu rudement, certes – de nos affaires sans nous prendre les pieds dans le tapis des autres, pour paraphraser Ki-Zerbo ? Sans jamais avoir été des amis, nos relations sont plutôt restées cordiales au cours des ans. Mais tu sais bien que nous avons rarement l’occasion de nous voir. La dernière remonte à plus d’une décennie. Alors, Bachir, se dire ‘’tu’’ ou ‘’vous’’ une fois tous les quinze ans, ça rime à quoi, surtout à nos âges ? »

Très bonne question ! Mais l’acharnement, voire l’animosité, vient de vous et c’est nous qui devrions vous demander pourquoi vous voulez associer Monsieur Diagne à la folie qui est uniquement vôtre et même en faire l’initiateur ! L’autosuffisance de votre style laisse percer une fausse honnêteté : Vous voulez psychologiquement vous rapprocher de Bachir en forçant un « tu » alors qu’en même temps vous dites « Sans jamais avoir été des amis, nos relations sont plutôt restées cordiales au cours des ans ». D’aucuns vous soupçonnent de vouloir vous faire une audience à travers la personne de Bachir. Nous espérons que ce n’est pas à l’égal de Mark David Chapman, un fan déséquilibré souffrant de psychose qui, le 8 décembre 1980, à 22 h 52, tira quatre balles de revolver sur John Lennon. Vous dégainez l’amitié, la cordialité, le poids de vos âges comme autant d’épées de mauvaise foi. Ignorez-vous donc le conseil qui est « d’enlever la poutre qui est dans votre œil avant d’essayer d’enlever le grain de sable qui est dans celui de votre prochain » ? A notre avis vous devez vous ressaisir.


« Tu as été tellement aveuglé par ta colère que tu me reproches injustement à deux ou trois reprises d’avoir présenté ‘’In the Den of the Alchemist’’ comme une interview. Voici ce que tu écris à ce sujet : “Le propos que l’auteur – moi-même en l’occurrence – présente comme une interview récente n’est pas une interview et n’est pas récent : c’est la reprise, des décennies plus tard, d’un article dont seul le titre a été changé.’’ Dis-moi franchement : peux-tu relire ce passage de ton texte sans embarras ? N’importe quel lecteur peut bien voir que l’allégation est totalement fausse car j’analyse l’un après l’autre l’article de Chimurenga et des éléments de l’interview que tu as accordée à Elara Bertho et que SenePlus a reprise sous un titre assez délicatement “diagnien“: “Un universel comme horizon’’ ».

Ceci est le comble de la folie. Monsieur Diagne a écrit un texte, vous vous êtes senti offensé jusqu’aux extrêmes limites et c’est pourtant lui qui est aveuglé par la colère ? Tel ne nous emble pas être le cas et, même si c’était le cas, il est dans droit car c’est vous qui l’avez attaqué sans fondement digne d’être taxé intellectuel ! Par ailleurs, si vous prenez en compte deux sources différentes issues de deux contextes, peut-être que vous auriez du, rédactionnellement parlant, en faire la claire séparation. Encore une faute, peut-être parce que la folie colérique vous empêche de laisser libre cours à l’étincelle de la raison. L’allégation ne vient pas de Monsieur Bachir Diagne, mais de vous. Vous avez tort quant au laboratoire, vous n’avez aucun droit de faire prévaloir une vision utopiste d’unicité linguistique sur une vision réaliste sans apporter une thèse ou antithèse. Enfin, quant au dernier point, vous n’avez absolument rien, mais rien compris de ce qui fut dit sur la traduction poésie-textes scientifiques.


« Pour ce qui est de mon aptitude à comprendre un texte dans la langue de Shakespeare, sache seulement que je t’écris ces lignes du campus de l’Université américaine du Nigeria (AUN) où depuis quatre ans j’enseigne, en anglais, en plus du creative writing, les auteurs anglophones et francophones, ces derniers en traduction anglaise. Tu ignores aussi, je suppose, qu’ici même au Nigeria mais encore plus aux Etats-Unis, je ne cesse de faire des présentations en anglais. Cela a été le cas récemment au National Press Club de Washington DC pour le 25ème anniversaire du génocide contre les Tutsi au Rwanda puis quelques jours plus tard à Dickinson University au moins sept ou huit fois en deux semaines mais avant tout cela à Mac Allaster, à Boston et à Stanford. J’aurais préféré ne pas avoir à préciser tout cela. J’ai en effet toujours préféré rester en retrait de la vie publique en tant que personne tout en prenant systématiquement position sur les questions politiques ou sociales de l’heure. »

Bravo ! Vous fulminez avec Etats-Unis, Washington DC ; Dickinson University, Mac Allaster, Boston, Stanford, et pourtant c’est Monsieur Diagne l’occidentalisé ! Vous voyez, Monsieur Diop, vous brandissez une africanité dont vous vous faites détenteur de patente et une exclusivité pour vous et vos idoles. Mais n’est-ce point une africanité aussi utopique que l’unicité linguistique qui ne saura venir que naturellement dans un rapport de force économico-militaire, africanité en lambeaux jusque dans le fond de nos âmes ? Comme ceux des « France dégage », vous manquez de la vision Realpolitik qui seule nous aidera à faire face à la réalité quant aux possibilités de développement. C’est que, sans le savoir ou bien à dessein, nous africains, surtout au Sénégal, sommes tombés de Charybde en Scylla, raison pour laquelle, en fuyant notre histoire écrite par les colons nous tombons dans une autre qui, pour certains, ne saurait aller au-delà des années 1870 malgré le fait que ce fut suite à la conquête des Almoravides que commença l'islamisation de la région du Sénégal comme ce fut suite à la conquête française que cette même région fut christianisée. C’est dire que d’un côté comme de l’autre nous fûmes conquis. C’est dire que nous trépignons d’un côté à cause d’une couleuvre et allons directement dans la gueule béante d’un crocodile. De quel côté se trouve votre africanité ? Qu’est-ce que c’est en fin de compte, puisque vous la voulez sans tâche ? « Suñu mbaaxu maam » ne dépasse donc pas deux cents ans ? Et quel côté, raisonnablement paraît armé de moins de danger, la gueule d’une couleuvre ou celle d’un crocodile ?
Pour clore ce paragraphe vous dites : « J’aurais préféré ne pas avoir à préciser tout cela. J’ai en effet toujours préféré rester en retrait de la vie publique en tant que personne tout en prenant systématiquement position sur les questions politiques ou sociales de l’heure. » Bravo, c’est justement une propriété de l’humilité du discours politique lorsqu’un ministre exhibant un bilan vous dit : « Je ne vous parlerai pas des 150 écoles construites à tel, ni des 30 forages et des 1500 moulins distribués » ! Fausse modestie. C’est ce que tout le monde a dit et pourtant, contrairement à vos dires, c’est vous qui avez déterré la hache de guerre. N’êtes vous pas un « wax ji rafet, jëf ji ñaaw » ?


« Vois-tu, Bachir, personne n’a la science infuse. Tout s’apprend et ma langue maternelle aussi j’ai guerroyé avec elle en solitaire pendant des milliers d’heures pour en maîtriser l’écriture. Comme tu le sais, j’y ai aujourd’hui à mon actif deux romans et la traduction d’une pièce d’Aimé Césaire. Je n’évoquerai qu’au passage les oeuvres littéraires que mes amis et moi-même publions à travers EJO, notre maison d’édition en langues nationales, le label de traduction “Céytu’’, le sous-titrage en wolof de KEMTIYU, le documentaire d’Ousmane William Mbaye sur Cheikh Anta Diop et, last but not least, le site d’information en ligne « Lu defu waxu », tenu pour l’essentiel par certains de mes anciens étudiants de wolof de l’université Gaston Berger. »

La science infuse, personne ne l’a, sauf vous, Monsieur Diop, raison de vos attaques puisque vous n’acceptez pas la vision de quelqu’un d’autre. C’est pour cette même raison que vous vous proposez en modèle pour Bachir. Ne l’invitez-vous pas à se mettre à sa langue maternelle ? Peut-être s’il le faisait il n’y passerait pas des milliers d’heures – signe de médiocrité – pour la maîtriser. Je connais des personnes dignes qui sont derrière les publications que vous mentionnez et vais rien dire qui les froisserait. Mais reste un signe pertinent : le titre même de « Ceytu », nom du village natal de Cheikh Anta confirme notre vision qui est que vous ne défendez pas une idée et, partant, une base intellectuelle, mais une personne.


« Tu as par ailleurs mis en avant l’âge de ton texte : plus de vingt ans, dis-tu. C’est beaucoup, oui. Sauf que Chimurenga ne mentionne nulle part que L’antre de l’Alchimiste est une reprise, sous un titre totalement différent, d’un très vieil article. J’ai moi-même contribué par un long article à ce numéro spécial d’avril 2018 sur Cheikh Anta Diop où tu l’as republié et une telle indication ne m’aurait sûrement pas échappé. À vrai dire, je comptais réagir très brièvement à ton observation sur l’ancienneté de ce texte mais des amis m’ont dit, horrifiés : “Déet, loolu ëpp naa def, exprime-toi clairement là-dessus car même ceux qui t’aiment bien sont en train de se demander pourquoi tu as présenté un article datant de deux décennies comme étant beaucoup plus récent !’’ Retiens donc ceci : si j’avais eu connaissance de la première date de parution de “In the Den of the Alchemist’’, je l’aurais signalée avant d’en proposer exactement la même analyse. Après tout, en le faisant reparaître tu nous as invités à le considérer comme actuel. Et tu as bien eu raison : un texte de vingt ans peut être bien plus “jeune’’ qu’un autre datant seulement de deux semaines. L’âge est moins fonction ici de la plate chronologie que du contenu. Or, “In the Den of the Alchemist’’ peut revendiquer à bon droit une certaine intemporalité. Sur cette question, ton indignation me semble plutôt feinte. Pourquoi aurais-je usé d’un tel artifice en sachant que tu pourrais t’en servir pour m’accuser de “mauvaise foi’’ ? Crois-moi, si j’avais été un “cynique’’ mû par de “sinistres’’ desseins, je n’aurais pas frappé avec un tel amateurisme. »

Oui, Monsieur Diop, vous êtes tombé deux fois dans le piège. Lorsqu’à certaines de vos connaissances vous avez décliné votre intention de réagir pour la première fois, elles vous l’avaient déconseillé. Vous avez foncé et, une fois bien mouillé, elles ne pouvaient que vous conseillez de réagir, c’est-à-dire le contraire du premier conseil. Là aussi, vous auriez pu vous affranchir en posant une invitation au dépassement, mais non ! Vous attaquez de plus belle et vous tombez dans le piège de l’offense, car ici, comme le père de Chimène, vous êtes l’offenseur. Vous avez justement agi avec pire qu’un amateurisme, déception pour tous ceux qui vous couvraient d’un manteau de dignité intellectuelle que l’on voit maintenant pure apparence. Vous avez fait un mur de ce qui n’était que voile transparent.


« Je dois ajouter ici une petite information assez intéressante dans le contexte de cette polémique : dès mai ou juin 2018, une amie, brillante universitaire américaine et donc parfaitement anglophone, rendue furieuse par “In the Den of the Alchemist’’ y a répliqué par un article intitulé Dans la tanière de l’Alchimiste : hommage ou dédain de Souleymane Bachir Diagne envers Cheikh Anta Diop ? Et tu sais quoi ? C’est ton humble serviteur qui l’a dissuadée de le publier. Pourquoi ai-je agi ainsi, alors que j’étais entièrement de son avis ? Parce qu’en bon Sénégalais, je ne goûte pas spécialement les affrontements verbaux. En réalité, sans ton entretien avec Elara Bertho, je m’en serais tenu à cette position. Il me semble essentiel de rappeler à l’intention de ceux qui s’interrogent, en toute bonne foi, sur mes motivations que c’est à cette interview très récente, faite en français, que j’ai prioritairement répondu. »

Dommage, il aurait fallu laisser « cette brillante amie universitaire américaine », brillante parce qu’elle partage les mêmes idées que vous, publier son article. Vous nous avez refusé certainement un plaisir intense car cela aurait présenté une relecture africaine si profonde – contrairement à la vision de l’occidentalisé Bachir Diagne ? – . Pourquoi l’en avez-vous dissuadée alors que vous êtes de même avis ? Parce que, dites-vous, « en bon Sénégalais, je ne goûte pas spécialement les affrontements verbaux ». Mais justement vous êtes tombé dans un autre piège : le bon Sénégalais actuel adore les affrontements verbaux, ce que vous faites exactement par la multiplication des attaques par articles interposés. Ou bien vouliez-vous vous inspirer de l’article de la brillante universitaire pour mieux affuter vos flèches ? Vu la tournure de vos textes, rien, penchant vers la négation et venant de vous ne saurait nous surprendre.


« Tu admets avoir attribué la paternité du Laboratoire de Carbone 14 à Théodore Monod et Vincent Monteil. La moindre des choses aurait été de nous dire dans ta réponse ce que leurs deux noms viennent faire dans cette histoire. »

La paternité ? C’est une expression ouverte, Monsieur Diop. Il faudrait peut-être aller à Ceytu et demander à Cheikh ce que fait le nom de Monod attribué à une salle du laboratoire, si je ne me trompe. Mais le fait de vous embourber sur la paternité aurait eu tout son sens s’il s’agissait d’un enfant, pas au sujet d’un laboratoire dont, à la phase actuelle, seuls comptent les résultats y ayant été atteints. Toute autre discussion ne serait que de mauvais goût pour ne pas dire simplement ridicule. Là vous tombez dans le contraire de ce que vous avancez quand vous dites explicitement : qu’en « Sénégalais, [vous] ne goûte[z] pas spécialement les affrontements verbaux »


« Dans Figures du politique et de l’intellectuel au Sénégal (Harmattan, 2016) le Professeur Djibril Samb, par ailleurs ancien directeur de l’IFAN, raconte en détail la création du laboratoire. Voici ce qu’il écrit dans cet ouvrage dont on ne saurait trop recommander la lecture à tout un chacun : “Dès le début de sa carrière, Cheikh Anta Diop conçut le projet – qui pouvait paraître utopique à plus d’un – de monter, au sein de l’IFAN, un laboratoire de datation au radiocarbone.’’ Diop obtient alors du Recteur de l’époque, Claude Franck, l’autorisation de se rendre en France pour étudier les installations du laboratoire de Saclay qui allait lui servir de modèle. “À son retour, écrit Djibril Samb, il se consacra tout entier à cette tâche gigantesque. Il dressa lui-même les plans du laboratoire dont l’exécution fut confiée au service des Travaux publics. Mais il faut mal connaître l’homme pour penser qu’il se fût contenté de dresser une liasse de plans et d’aller pêcher. Ce projet était d’abord le sien, et il s’y engagea tout entier comme dans tout ce qu’il faisait, déployant toutes les facettes, non seulement d’un immense savant mais d’un homme d’action, pragmatique, attentif aux moindres détails. Dans une lettre en date du 25 juin 1963 adressée au Directeur de l’IFAN, le grand et regretté Théodore Monod, il rappelle qu’il donnait lui-même des indications aux entreprises maîtres d’oeuvres, effectuait deux à quatre visites quotidiennes sur le chantier, précisait les plans d’installation du laboratoire, en fixait les pièces, déterminait leurs dispositions et leurs vocations, redressait les directives ou les applications erronées’’.

Monsieur Diop, basta ! Il faut arrêter ce charabia sur la création du laboratoire, lambeau de dignité que l’on ne devrait plus quémander pour le géant Cheikh Anta Diop. Ce qui pourrait intéresser, encore une fois, c’est des résultats émanant du laboratoire. Nous pensions que vous aviez dépassé ce stade ridicule, cette arène de vide où nous autres sénégalais aimons soulever des bras de dignité absente. Vous suivez la même trajectoire que ceux qui voulurent déboulonner la statue de Faidherbe mais n’osaient piper mot sur le pont. Vous suivez la trajectoire de ceux qui, comme des hyènes sous l’adrénaline de la faim, crânent leurs « Auchan dégage » et sont incapables de gérer leurs poubelles le long des marchés. Vous suivez la trace des « France dégage » et qui font appel à la France pour un incendie ou une petite inondation qui ne devrait même pas exister, comble de ridicule, si ce n’est attendre, la bouche béate que descende une force Barkhane pour libérer des hôtels. Enterrez votre fierté ridicule qui est en train de vous bouffer pire que la colonisation. Vous citez Monsieur Samb dont la vision vous convient et refuser des citations à Bachir. Espérons seulement que votre Samb n’est pas comme Iba Der Thiam qui, malgré le titre promettant qu’il va trancher votre duel avec Monsieur Bachir nous amène ceci : « Boris Diop est un patriote, un Sénégalais compétent, un intellectuel de haut lignage qui a fait ses preuves dans le domaine, dit-il. "Il ne connait aucune hypocrisie, il est incapable de dire du mal de qui que ce soit mais qui est également suffisamment objectif pour ne faire que ce qui rencontre ses convictions", a-t-il témoigné. Soulignant que Bachir Diagne "fait partie des personnes dont la voix compte dans le monde actuel. Qu'eux deux n'aient pas la même opinion, cela ne me fait pas peur. Au contraire, ça me fait plaisir". L'historien de poursuivre dans la foulée: "Ce n'est pas pour moi un problème que les anciens Directeurs de l'IFAN aient travaillé sur le projet. C'est Cheikh Anta Diop qui a donné au laboratoire Carbone 14 ses lettres de noblesse. C'est lui qui l'a fait connaitre à l'extérieur et c'est lui qui lui a permis de dater un certain nombre d'objets qui ont permis de révolutionner tout le reste. C'est pourquoi, conclut-il, "prouver que l'Afrique était le berceau de l'humanité n'était pas facile. Cheikh Anta Diop l'a prouvé. Donc, que ces deux aient une polémique, je dis que je lis avec délectation tout ce qu'ils écrivent. Et j'en suis d'autant plus heureux que je ne vois aucun propos discourtois, aucun jugement de valeur, aucun comportement de violence verbale. Mais uniquement une grande dignité et une élévation de pensée et une capacité de réflexion qui honorent notre intelligentsia". Vous voyez, il a réellement tranché. A votre avis ?


« Le récit de Djibril Samb se poursuit ainsi sur près de dix pages. Cheikh Anta Diop avait le plus grand respect pour Monod à qui il rend d’ailleurs hommage quelque part. Ce n’est donc pas un hasard si son nom apparaît dans Figures du politique et de l’intellectuel au Sénégal ; Monteil et lui peuvent être crédités d’avoir dans leur rôle administratif, permis à Diop d’aller au bout de son grand rêve. Lui-même a dès 1968 consacré un ouvrage à son laboratoire et je constate avec stupéfaction que tu ne l’as pas lu pour les besoins de ce que tu présentes comme un hommage. Il y fait état des résultats des premières datations à partir de trois échantillons fournis respectivement par Théodore Monod, le laboratoire de Saclay/Gif-sur-Yvette et une mission archéologique britannique en Gambie. Cela dit, s’il est un directeur de l’IFAN qui aurait mérité d’être nommé, c’est Amar Samb avec qui Cheikh Anta Diop avait des relations exceptionnelles, comme en témoigne l’ouvrage qu’il lui a dédié en des termes émouvants. »

Il a consacré un ouvrage à son laboratoire ? C’est quoi ce truc ? Espérons que c’est par analogie et que ce que veut dire Monsieur Samb est qu’il a consacré un ouvrage aux travaux accomplis dans le laboratoire. Pour ce qui est de la courtoisie, comme Monsieur Thiam le souligne, c’était peut-être relatif à votre première intervention, qui était loin d’être courtoise d’ailleurs, et n’avait pas encore lu votre deuxième sortie virulente. Nous ne sommes pas dupes : la violence verbale déterrée durant cette deuxième intervention était sous-jacente dans votre premier texte. L’on se demande comment, devant ces textes justement, Monsieur Iba Der Thiam peut venir avec un tel charabia. Votre entêtement à soulever tant de poussières sur le côté le plus superficiel d’un laboratoire ne peut qu’émousser les doutes. Ainsi vous voulez donc reléguer le rôle de Monod et de Monteil au rang de purs spectateurs ? C’est sûr qu’ici vous ne piperez mot sur la relation entre Cheikh Anta et Frédéric Joliot-Curie sous la direction de qui il entreprit une spécialisation en physique nucléaire au Laboratoire de chimie nucléaire du Collège de France puis à l'Institut Pierre et Marie Curie, à Paris. Vu votre attitude l’on voit que vous dégainez des noms ailleurs pour rehausser Cheikh Anta et, lorsque le mérite personnel risque d’être entaché vous taisez tout. Tous savent ce que représente le nom Curie dans la physique nucléaire depuis Pierre et Marie Curie, celle-ci étant celle qui démontra que la propriété des rayons uraniques est une propriété physique de l'atome et non une propriété chimique : la radioactivité. Il faut accepter qu’il n’était pas omniscient dans le domaine jusqu’à pouvoir faire tout seul les installations du laboratoire, raison pour laquelle « des relations de travail furent établies entre l'IFAN et le CEA français (Commissariat à l'Énergie Atomique)/CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique français) au travers, entre autres, de Jean Le Run, qui avait monté le premier ensemble de datation par le radiocarbone du CNRS à Gif-sur-Yvette, de Jacques Labeyrie, Directeur du CFR (Centre des Faibles Radioactivités) et Georgette Delibrias (Directrice du Laboratoire du Radiocarbone du CFR) ». Prenons une approche complémentaire basée sur une logique froide et qui est le point saillant que vous voulez faire comprendre à tout le monde : présenter Cheikh Anta comme celui qui était à abattre par tous les moyens durant ses études, durant ses thèses et dans ses recherches. Mais Monsieur Diop, si les français voulaient vraiment l’abattre, comme vous voulez le faire comprendre, auraient-ils accepté de lui fournir un laboratoire ? Si c’est non, vous devez retirer toutes ces allégations sur l’animosité, voire la « méchanceté », que vous prêtez aux français. Dans le cas contraire, vous devez retirer Cheikh Anta de la possibilité d’avoir un laboratoire à l’IFAN et de savoir que c’est grâce aux tractations de français, nommément Monod et Monteil, que ce fut possible. Alors, Monsieur Boris Diop, faites attention de ne pas atterrir justement dans la boue que vous voulez éviter pour Cheikh Anta en l’y entraînant avant tout le monde. Il n’y a pas de feu sans fumée, dit-on. Si ce bruit persiste, le bénéfice du doute sur les choses que vous avancez se transformera en incrédulité. Comme vous savez, personne ne doutera jamais que la Statue de la Renaissance Africaine est du Président Abdoulaye Wade, ni que le pont de Saint-Louis fut construit sous Faidherbe. Si des doutes persistent, peut-être que c’est uniquement parce que vous tentez de rendre à César plus que ce qui lui appartient.


« Tu n’as pas non plus démenti ce que j’ai écrit sur la soutenance de thèse de Diop. La mention qui l’avait sanctionnée était-elle juste ? Se contenter de la rappeler au passage n’est pas la meilleure façon de mettre Diop en valeur. La qualification de “l’Alchimiste’’ ne peut être un point de détail dans un texte comme le tien. Le face-à-face de Diop le 9 janvier 1960 avec un jury de la Sorbonne a été un moment copernicien dans l’histoire des idées en Afrique francophone. Et ce n’était là que le prélude à un autre affrontement direct, quatorze ans plus tard, au Caire. »

Si la mention avait été « excellente », vous n’auriez certainement rien dit. Mais voilà que Monsieur Diagne retrace la vérité, un simple fait historique et vous lui en voulez. Pire encore, vous pensez que cette mention honorable n’honore pas et n’a été relatée que pour diminuer Cheikh Anta. Peut-être que oui, peut-être que non. Mais peut importe. Il a eu cette mention, point final. Est-ce pour cette même raison qu’ailleurs vous exhibez les femmes françaises des autres, mais ensevelissez la femme française de Cheikh Anta, Louise Marie Maes, avec laquelle il eut quatre enfants ? Parce que cela l’aurait dénaturé ? Cela aurait-il enlevé l’africanité du grand homme ? Certainement et pas selon notre conception, mais uniquement selon la vôtre qui est une conception insensée de l’africanité. Selon la vôtre, disons-nous, puisqu’en d’autres circonstances vous l’agitez jusque dans vos universités comme un critère éliminatoire de pure africanité. Autre chose : vous ne disconviendrez pas que se battre devant un jury de thèse n’est pas chose exceptionnelle. Nous avons un ami, chef d’un département de mathématiques, section CNRS d’une université qui a eu beaucoup de déboires avec son jury lors d’une présentation de thèse de doctorat en mathématiques, homme qui est parmi les pères de l’IPV6. L’on raconte qu’il fut même éjecté de la salle après cinq minutes d’assises. Il y a eu aussi d’autres qui se mirent dos à dos avec leur maître de thèse jusqu’à ce que l’université fasse venir un autre encadreur, tellement l’antagonisme était virulent. Enfin, un autre et dernier exemple, dans la mini-série documentaire « Chercheuses d’étoiles » composée de quatre épisodes, on présente Cécilia Payne, astronome anglo-américaine et première femme nommée chef du département d'astronomie de Harvard en 1956. « Payne est notamment connue pour avoir été, en 1925, une des premières astronomes à envisager que les étoiles sont composées majoritairement d’hydrogène, ce qui allait à l'encontre du consensus scientifique de l'époque. Elle montra que la grande variation dans les raies d'absorption est due aux différences d'ionisation qui se produisent aux différentes températures, et non à des différences de composition, et découvrit que les étoiles ont toutes une composition en éléments lourds semblable à celle de la Terre, mais que l'hélium et l'hydrogène y sont beaucoup plus abondants. En 1924, elle rédigea un article en ce sens mais quand elle le fit relire par Henry Russell, il la dissuada de publier sa découverte, arguant que la Terre et étoiles doivent avoir une constitution semblable. Or Russell a été le professeur de Harlow Shapley, qui est le patron de Cecilia Payne, et s'il n'est pas convaincu, personne ne le sera : Cecilia s'incline. En 1925, elle soutint cependant sa thèse, intitulée « Stellar Atmospheres, A Contribution to the Observational Study of High Temperature in the Reversing Layers of Stars », où elle présenta ses travaux et conclusions, mais laissa de côté la question de l'hydrogène. Après avoir atteint les mêmes conclusions par d'autres moyens, Russel réalisa que Cecilia avait raison. Dans une publication parue en 1929, il reconnut l'antériorité de la découverte de Payne. Néanmoins, cette découverte lui est souvent attribuée. » Cela aussi est compréhensible, sauf que si cela avait été envers un nègre l’interprétation aurait été autre et mise sur la balance du racisme ou bien d’une volonté malintentionnée tenta de réduire l’autre sur la base d’une africanité dénaturée ou d’une volonté politique assassine. C’est pourquoi un internaute clairvoyant a dit après votre deuxième intervention que « ça commence à ressembler à une bataille de chiffonniers qui n’en finit plus. Une sortie de trop. Dommage ! ».


« D’autres passages de ton article – notamment ta description enjouée et pittoresque du cambriolage du labo – sont révélateurs d’une prise de distance parfois un peu déroutante. À qui s’adresse donc ta petite musique pleine de charme et d’ironie ? Désolé de te le dire mais tu sembles parler de si loin que le mot “exotisme’’ m’est venu à l’esprit. Un terme bien curieux, oui. Mais nous sommes si mal barrés, nous autres intellectuels africains – dois-je ajouter “francophones’’ ? – qu’il peut nous arriver de nous voir tout à fait du dehors. »

Reprenons un passage relatif au cambriolage qui se trouve au début de cette intervention : « Dans les laboratoires gérés sérieusement, il y a toujours une collaboration internationale car, avant de publier une découverte dans un journal officiel scientifique, le bon sens est qu’il faut premièrement en discuter et la faire évaluer par d’autres experts du même domaine. Si telle est l’approche, c’est sûr que dans le cas d’un vol, il y aurait eu une espèce de « backup informationnel » au niveau des collaborateurs. Donc vous voyez, Monsieur Diop, que s’aventurer trop longtemps sur cette piste pourrait faire très mal. » Il y a eu un vol ? Qu’est-ce qui a été volé ? Aucun collaborateur ne peut le dire ? Ni au Sénégal, ni à l’étranger ? Le laboratoire a-t-il donc été géré d’une façon cavalière ? Les rumeurs sont-elles vraies qu’un fils de Cheikh Anta, physicien, pourrait reprendre en charge le laboratoire ? Est-ce un laboratoire familial et, partant héréditaire ? Alors pourquoi accuser Wade de dévolution monarchique et à Macky Sall des responsabilités allouées à in membre de sa famille ? Selon vous il n’y a donc pas de physiciens dignes de ce nom au Sénégal, vous pour qui l’Africanité est primordiale ? Dites-moi si l’université de Dakar va aller en droite ligne de l’hérédité pour une sixième dynaste pharaonique…


« Ton exercice de style est, de ce point de vue, un modèle du genre. Cela dit, je suis prêt à parier qu’il t’est plus facile de parler ainsi de Cheikh Anta Diop que de Senghor. Ton texte n’est évidemment pas que cela : j’en ai évoqué les accès de tendresse à l’égard de Diop et le très beau passage que tu cites toi-même sur l’exil et le Royaume en est un. Tu avoueras malgré tout qu’un hommage pouvant passer si aisément aux yeux de beaucoup pour du dénigrement a, pour dire le moins, raté son but. Est-ce parce que, comme on dirait en wolof, dangay màtt di ëf ? »

Et voilà ! Votre vrai but qui planait comme un ballon de sonde vient de tomber. En effet dès votre « Bachir tu permets » nous avons lu entre les lignes et avons décelé l’ivraie foncière que vous vous trouvez dans chaque ligne de Monsieur Bachir Diagne. Dès le début de ce texte, vous lancez : « Tu as quand même un peu fait rire à tes dépens avec cette étrange histoire de vouvoiement. Encore heureux que tu ne m’aies pas provoqué en duel sur je ne sais quel pré de Bretagne ou de Normandie ». Pour les initiés, parler de la Normandie et de la Bretagne fait remonter dans la mémoire les fiefs du dénaturé Senghor, Senghor le Toubab, Senghor le Grec, Senghor le latin, Senghor mari de Colette, le Senghor qui ne peut plus être Kor Dior, Senghor qui est tout sauf Sénégalais. C’est pourquoi vous appelez au duel, un duel qui doit avoir lieu pas a Ndiongolor ou Ndialakhar, Aéré Lao, Tendouck ou Siganar, pas à Mbassisse, Mbâne ou Ndiassane, mais sur la terre bretonne ou normande pour ainsi vous proclamer pur Sénégalais par rapport à Messieurs Diagne et Senghor. C’est cette schizophrénie vôtre qui vous a fait tiquer dès qu’il y a une juxtaposition de traduction de textes de sciences formelles et de textes de poésie. En schizophrène emmuré dans son monde utopique, vous faites danser un autre dans une arène bâtie par vos affabulations. De quel droit, Monsieur Diop ? Ayant pris la route du « caaliit », vous êtes tombé dans le trou béat du « jafur » : « je suis prêt à parier qu’il t’est plus facile de parler ainsi de Cheikh Anta Diop que de Senghor. », dites-vous ! Etes-vous sûr que Monsieur Diagne soit drapé d’un aussi grand pagne de complexé que vous ? Seriez-vous capable d’écrire avec autant d’objectivité sur Senghor qu’il l’a tenté et fait avec Cheikh Anta ? Et pourquoi actuellement, surtout autour de l’université, l’on ne peut soulever Senghor-et-Cheikh Anta comme un seul flambeau de la fierté de notre nation avec la ferme conviction que chacun a fait la part de destin qui lui avait été allouée ? Nos têtes sont-elles si petites qu’il faudra toujours, parmi nos grands hommes que ce soit l’un ou l’autre et pas l’un et l’autre ? Dans une telle étroitesse d’esprit, nous nous demandons ce que l’on fait dans une université ! Force est de noter que c’est au Sénégal, voire seulement en Afrique, que les citoyens sont toujours enclin à éjecter hors de la race toute personne ayant séjourné en Europe et surtout s’il est grand intellectuel et par conséquence ouvert aux vents et pillards du Nord. Ces intellectuels sont maintenant livrés aux tempêtes de sable fratricides de leur propre continent, tempêtes qu’agitent des pseudo intellectuels complexés qui ne comprennent pas l’ouverture et enracinement, encore moins la nécessité, comme Bismarck, de se jeter dans les bras de la Realpolitik. Notre race serait-elle donc indigne de grands hommes puisque dès que nous en avons un, nous le rejetons vers d’autres rives comme si c’était un cauchemar ? La règle est-elle qu’il nous faut un seul à la fois ? Nous aimerions savoir, car nous n’y comprenons pas grand’ chose et Lilyan Kesteloot non plus, puisqu’elle a invité à créer les termes pour définir ce qu’est un vrai nègre, un vrai africain. Croyez-nous, Monsieur Diop, une toute petite jugeote vous aurait prouvé que la différence entre Senghor et Cheikh Anta n’a pas l’épaisseur d’un crin de cheval ! Elle n’a pas la mesure de cette flamme insensée qui semble vous avoir fait perdre le nord !


« Venons-en à présent à ce qui, à mon humble avis, est le plus important : ton entretien du 2 juillet 2019 avec Elara Bertho. Bien que la plus grande partie de mon analyse ait porté sur ce que tu appelles tes “deux coups de griffe contre Cheikh Anta Diop’’, tu as préféré ne pas t’y attarder dans ta réplique hâtive et enflammée. Sans vouloir te faire un procès d’intention, je me demande encore si ce n’était pas à dessein, pour éviter une discussion un peu gênante sur la question de la langue. Si tu me dis que tes propos sur la traduction de la théorie de la relativité en wolof par Diop ne visaient pas à le tourner en dérision, je ne peux que t’en donner acte. Uniquement sur la forme, bien entendu. Parce que dans le fond, je ne vois pas en quoi tu es qualifié pour juger de la difficulté ou non de l’entreprise. « Tu as certes évoqué à l’occasion d’un de nos rares échanges par mail, ton ambitieux projet de traduction en wolof de concepts philosophiques. La nouvelle m’a fait plaisir et je t’ai dit qu’il est bien que ce soit une personne comme toi qui fasse ce travail. Je crois savoir que l’affaire évolue dans la bonne direction et je te renouvelle ici mes encouragements. J’espère simplement que tu as fait l’effort de t’alphabétiser. Je n’en ai pas eu l’impression la dernière fois que j’ai surpris des termes wolof dans certains de tes textes en français. »

Ici vous posez le problème de la langue en d’autres termes. Dans « Bachir tu permets » vous avez en effet fait ressortir le concept d’unicité de langue de Cheikh Anta Diop. Maintenant vous venez plus explicitement avec son projet de traduire la théorie de la relativité en wolof. Si Monsieur Diagne a dit qu’en effet traduire la théorie de la relativité ne devrait pas être aussi difficile que la traduction de poèmes, il a tout a fait raison. C’est que la traduction de la relativité demande, au préalable la traduction du métalangage, qui est le fait de trouver la traduction d’une série de termes en wolof et puis de les appliquer au plus large concept de la langue, ce qui ne peut pas être une entreprise aussi draconienne. Une seule chose importante à retenir c’est que pour se faire, il faudra bien s’associer des linguistiques. Si, par ailleurs Monsieur Diagne a un ambitieux projet de traduction en wolof de concepts philosophiques, c’est effectivement à louer. Dans ce cas, il doit passer par la même procédure de fixation du métalangage qu’aurait appliquée Cheikh Anta Diop. Ce qui est toutefois incompréhensible, c’est que vous sortez des griffes pour parafer son dos de fissures crypto personnelles en voulant le tourner en bourrique par son inanalphabétisme en wolof. Vous pensez donc que, comme vous il n’a pas fait des milliers d’heures pour s’alphabétiser en wolof ? Est-ce parce que vous avez trouvé une transcription francisée de mots wolofs dans un de ses textes ? Comme exemple, nous vous disons que, personnellement, bien qu’écrivant relativement bien nos langues nationales, nous utilisons parfois une transcription francisée de certains mots pour les rendre lisibles et compréhensibles pour certains de nos lecteurs dans certaines circonstances. Vous accusez avec trop de légèreté et la logique ne semble pas être votre force. Pour ce qui est de nos langues, force est de constater que leur transcription n’est malheureusement pas unilatérale, comme le prouvent les titres et sous-titres à travers nos masses média, allant jusqu’aux noms de compagnies à l’instar de « Joni joni » qui devrait être « Jooni jooni ». Ne pas prendre en compte cette probable éventualité n’est malheureusement pas d’ordre intellectuel et une attaque devrait être pesée plusieurs fois avant d’être déployée.  


« Tu reprends également à ton compte la vieille rengaine africaniste voyant en tout défenseur de Cheikh Anta Diop un fanatique, adepte d’on ne sait quelle nouvelle “religion’’. C’est lui faire un bien mauvais procès car peu de penseurs ont dû faire face autant que lui au feu roulant des critiques. Elles ne l’ont jamais dérangé, bien au contraire. Lorsqu’en 1974 Diop et Obenga se rendent au Caire pour une explication décisive avec les égyptologues occidentaux, une des choses qu’il dit à son ami et disciple congolais, c’est : “S’ils ont raison, sur la base de faits précis, nous n’aurons pas d’autre choix que de le reconnaître publiquement’’. Ils n’en eurent pas besoin, car comme chacun sait, leurs thèses sont sorties confortées de cette rencontre de haut niveau. Ce n’est pas moi qui le dis mais le rapport de l’UNESCO qui se conclut ainsi : « La très minutieuse préparation des communications des professeurs Cheikh Anta Diop et Obenga n’a pas eu, malgré les précisions contenues dans le document de travail préparatoire envoyé par l’UNESCO, une contrepartie toujours égale. Il s’en est suivi un réel déséquilibre dans les discussions. »

Eh oui, une autre accusation schizophrénique qui, en réalité est plutôt l’autre face de la médaille que vous portez en votre poitrine. Pour vous selon Monsieur Diagne tout défenseur de Cheikh Anta est un fanatique, adepte l’on ne sait de quelle nouvelle religion. Et pour vous ? Que toute personne s’opposant à un seul point de vue de Cheikh Anta est un hérétique à mettre au pilori ou sur un bûcher ? Mais pour mieux illustrer votre situation insoutenable, nous allons vous donner une petite anecdote :

« Il y avait deux sœurs. Revenues de l’école, elles trouvèrent deux oranges dans le salon. La petite sœur s’empara de la plus grande. Sa grande sœur la toisa :
- Pourquoi, quand tu es la première, tu t’empares toujours du plus grand morceau ?’
La petite sœur regarda sa sœur et lui dit:
- si tu avais été la première, quelle orange aurais-tu prise ?’
- La plus petite bien sûr !’, répondit la grande sœur sans tarder.
- ‘Mais pourquoi gueuler, puisque c’est justement la plus petite que tu as actuellement’, dit la petite sœur en épluchant tranquillement son orange. »

Voilà, Monsieur Diop la situation dans laquelle vous vous mettez. Notre problème est que nous cherchons sans succès une petite brèche positive à mettre sur votre compte, mais ne parvenons pas à trouver un seul point portant le manteau d’une approche intellectuelle et, partant, honnêtement défendable. Vous dites : « Lorsqu’en 1974 Diop et Obenga se rendent au Caire pour une explication décisive avec les égyptologues occidentaux, une des choses qu’il dit à son ami et disciple congolais, c’est : “S’ils ont raison, sur la base de faits précis, nous n’aurons pas d’autre choix que de le reconnaître publiquement’’. ». Bizarre si une telle vision peut être mise sur le compte d’un trait exceptionnel relatif à un homme de science car faire le contraire aurait été suicidaire de la part de Cheikh Anta Diop. Si au Sénégal il est permis de s’autoproclamer intellectuel et que l’on est incapable de suivre une trajectoire d’analyse rationnelle, ce n’est certes pas le cas partout ailleurs dans le monde. Quelqu’un a dit, sur seneweb.com : « A vrai dire, on est intellectuel qu'en rapport avec son époque. », Cela est surtout pertinent en archéologique où une découverte peut être dite « la plus vieille » jusqu’à la preuve du contraire.

  • Lucy fut découverte le 24 novembre 1974 à Hadar, sur les bords de la rivière Awash, dans le cadre de l'International Afar Research Expedition fondée par Maurice Taieb, un projet regroupant une trentaine de chercheurs éthiopiens, américains et français, codirigé par Donald Johanson (paléoanthropologue), Maurice Taieb (géologue) et Yves Coppens (paléontologue). Le premier fragment du fossile a été repéré par Donald Johanson et Tom Gray, l'un de ses étudiants, sur le versant d'un ravin. Lucy a été décrite une première fois en 1976 mais son rattachement à l'espèce Australopithecus afarensis n'a été proposé qu'en 1978.
  • Une ancienne espèce du genre humain, qui était jusqu'à présent inconnue, a été mise au jour dans une grotte en Afrique du Sud où ont été exhumés les ossements de 15 hominidés, ont annoncé jeudi des chercheurs internationaux. Les fossiles ont été trouvés dans une grotte profonde et extrêmement difficile d'accès, près de Johannesburg, sur le très riche site archéologique connu sous le nom de "Berceau de l'humanité" et inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Homo naledi. "Je suis ravi de vous présenter une nouvelle espèce du genre humain", a déclaré Lee Berger, chercheur à l'université du Witwatersrand à Johannesburg, lors d'une conférence de presse. En 2013 et 2014, des scientifiques ont exhumé plus de 1.550 os appartenant à au moins 15 individus, parmi lesquels des bébés, de jeunes adultes et des personnes plus âgées. Tous présentent une morphologie homogène mais n'ont pas encore été datés. La nouvelle espèce a été baptisée Homo naledi et classée dans le genre Homo, auquel appartient l'homme moderne.
  • Le crâne d'Australopithèque, baptisé MRD, a été découvert en février 2016 dans la région Afar en Éthiopie par un groupe international de chercheurs. Retrouvé dans un état de conservation remarquable, il pourrait "devenir une nouvelle icône de l'évolution humaine", juge Fred Spoor du Natural History Museum de Londres et rejoindre ainsi les célèbres "Ardi", "Lucy" et "Toumaï", un Sahelanthropus tchadensis vieux d’environ 7 millions d’années, qui a été mis au jour en 2001 au Tchad.
  • Ardi quant à lui, est un Ardipithecus ramidus, une autre espèce d'hominidé, découvert en Éthiopie et vieux d’environ 4,5 millions d'années. La très célèbre "Lucy" enfin, découverte elle aussi dans ce pays d'Afrique de l'est en 1974, est âgée de 3,2 millions d'années.
  • D'autres fossiles d'Australopithèque, moins connus, datent d'au moins 3,9 millions d'années, mais à la différence du crâne MRD (appartenant à un Australopithecus anamensis, un des tout premiers Australopithèques), seules des mâchoires et des dents avaient été retrouvées. Or, sans "vieux" crâne, notre compréhension de l'évolution de ces hominidés éteints ne restait que très partielle.

Comme on le constate, bien que chaque découverte ait une vraie valeur historique en archéologie, elle n’en fait pas moins un terrain glissant quant aux années écoulées selon sa datation. En prenant la civilisation de la race noire, nous pensons qu’il faut faire très attention, surtout depuis la découverte de l’existence des Olmèques sur les côtes du Golfe de Mexique et les théories de Monsieur Zecharia Sitchin basées sur les tablettes sumériennes. Etant donné que les recherches se poursuivent il ne faudra assassiner des chercheurs si, dans le futur, des chercheurs viennent avec de nouvelles découvertes contredisant Cheikh Anta car, en ce moment-là, vous tomberez effectivement dans un fanatisme religieux. Lui-même est ouvert à cette éventualité et, Ki-Zerbo, quant à la place du noir dans la société égyptienne dira : « L’Egypte, par sa richesse économique, agricole, commerciale et culturelle est un point attracteur énorme et un creuset pour de nombreux peuples (comme les Hébreux, les Hyksos, les Ethiopiens, les Nubiens, etc.) qui viennent se mélanger au fond originel. Plus globalement, l'Histoire de l'Afrique (1972) est ainsi un vaste panorama diachronique et circonstancié, rendu vivant par des extraits de chroniques, des grands évènements et des évolutions des peuples du continent. En cela, la forme, le fait de présenter les évolutions sociales économiques et politiques de la même manière que d'autres encyclopédies ont présenté l'Europe et l'Asie, replace de fait, dans la pratique, l'Histoire de l'Afrique au même rang que celles des autres continents. Et cela, sans avoir besoin de clamer une Afrique originelle, objectif de pureté à retrouver que proclame Cheikh Anta Diop. La présentation diachronique à l'échelle du continent souligne ainsi de fait l'évolution contiguë des différentes grandes civilisations, soulignant ainsi les points communs et l'échange des idées mais aussi le fait que les chocs qui les ont abattues ont une origine commune : l'expansion européenne et ses conséquences (expansion marocaine, turque et omanaise) »
Vous donnez donc raison à Monsieur Diagne dans la mesure où vous semblez habiller Cheikh Anta Diop d’une invulnérabilité à la critique, voire d’une infaillibilité puisque vous-même dites : « De même, lorsque Diop lance aux jeunes Africains : “Armez-vous de science jusqu’aux dents, car à connaissance égale la vérité finit toujours par triompher !’’, il ne peut exclure que leurs recherches puissent invalider un jour ou l’autre ses propres thèses. Sachant bien tout cela, je ne peux nullement te reprocher d’avoir cherché à remettre sa pensée en cause. ». Et puis, bien que la datation au carbone 14 soit du ressort de la physique chimie, les objets datés sont, avant tout d’ordre archéologique. Nous ne pouvons donc pas en vouloir à Cheikh Anta de s’être embourbé dans ce domaine, mais le fait de s’arrêter à ce domaine dans des recherches de laboratoire nous surprend, surtout pour quelqu’un qui, selon les rumeurs, s’était vanté de pouvoir créer une bombe nucléaire. Le domaine de la recherche en physique est pourtant si important, allant jusque dans celui de l’astronomie.


« Mais dis-moi, Souleymane Bachir Diagne, comment se fait-il qu’un esprit aussi vaste et brillant que le tien ne puisse nous proposer rien de personnel dans sa critique de Cheikh Anta Diop ? Tu es allé puiser à pleines mains chez François-Xavier Fauvelle-Aymar qui écrit dans “L’Afrique de Cheikh Anta Diop. Histoire et idéologie’’ (Karthala, 1996) : “Mais au demeurant, quoi qu’on en conclue, il reste que Diop use là d’un modèle de l’Etat-nation sous sa forme la plus jacobine explicitement emprunté à la France’’. Fauvelle s’exprime ainsi au terme d’un laborieux développement sur la supposée préférence de Diop pour une “langue unique’’. Et toi, vingt trois ans plus tard, tu déclares : “Deuxièmement il – Diop – est beaucoup plus jacobin et français qu’il ne le croit parce qu’il veut une langue unique. Cela n’a pas de sens d’avoir une langue d’unification : pourquoi le projet devrait-il être un projet qui imite l’Etat-Nation, c’est-à-dire être homogène avec une seule langue, de manière centralisée ?’’ Il ne me viendra jamais à l’esprit de mettre en doute tes capacités intellectuelles. Mais alors pourquoi ne t’en sers-tu pas pour penser par toi-même comme ne cessait d’ailleurs de nous le recommander Senghor ? Quel besoin as-tu d’aller “emprunter’’ des griffes à un intellectuel français qui s’est construit, comme le montre bien Obenga, dans une haine vigilante et quasi morbide de Cheikh Anta Diop ? »

Monsieur Diop, depuis quand le fait de citer une source pour appuyer sa vision, ce que vous faites vous-mêmes d’ailleurs, ou simplement pour ne pas se positionner en réinventeur de la roue – déontologie scientifique oblige, est-il devenu un péché ? Le point pertinent est-il que citer une autre source n’est plus posé comme un apport pour appuyer le fondement de sa vision, mais une incapacité de penser par soi-même ? Que Cheikh Anta soit influencé par l’Occident, comme nous tous d’ailleurs, n’est pas à débattre. Si vous voulez un Cheikh Anta purement africain sans aucune contamination, il faudra aller chercher ce Cheikh dans le petit garçon de Ceytu, et cela, bien avant son école coranique ! Car, contrairement à ce que vous pensez, c’est à partir de cette initiation que la boue d’une autre civilisation avait commencé à couvrir notre pharaon, poussière plus dénaturalisante et plus dénaturaliste que vous n’oserez jamais aborder. C’est justement cette idyllique africanité dont vous voulez l’envelopper qui fait que vous enterrez jusqu’à l’existence de celle qui fut pourtant son complément, puisque épouse et de surcroît française. Ici il faut nous comprendre car nous n’adhérons pas à cette attention particulière de la nationalité d’une épouse que ce soit celle de Cheikh Anta ou bien celle de Senghor ou de quelqu’un d’autre. Si nous en parlons, c’est que c’est un trait de dénaturation que l’on agite à l’encontre de Senghor à telle enseigne qu’on veut l’occulter quand il s’agit de Cheikh Anta Diop. Pour nous, personnellement, dire que tel a une femme française, wolove, diola, ou malgache est une aberration : on a une femme, point barre.
En somme, dans cette interview, tu crânes avec des mots grandioses qui ne sont même pas les tiens mais ceux écrits par Fauvelle quand il n’avait que vingt huit ans. En d’autres circonstances Fauvelle t’aurait fait une petite querelle de derrière les fagots. Mais il s’en garde bien car, idéologiquement parlant, c’est tout bénef pour lui d’être relayé par une voix africaine. Il t’en sait donc gré et, dans une toute récente émission de France Culture, conclut sa charge furieuse contre Cheikh Anta Diop par les mots que voici : “D’ailleurs, ne croyez pas que tous les intellectuels africains sont d’accord avec Diop, lisez donc Souleymane Bachir Diagne !’’. »
Hélas, nous autres Africains, vraiment « suñu fayda mu ngi ñuy ñakloo fayda » ! Nous avons une allergie qui frise la démence, recroquevillés que nous sommes dans notre fierté médiocre, négative et négationniste. C’est le fruit du complexe, un voile obscurcissant toute vision saine de l’esprit. Le puritanisme africain que nous dégainons est si mal posé et si suicidaire qu’aucune posture ne saurait être plus ridicule. Avons-nous donc toujours vécu dans l’illusion que la connaissance n’a pas de couleur ? Car si le fait d’être cité par un français ou un américain veut dire que nous sommes racialement corrompus, que faisons-nous de nos diplômes et surtout pourquoi vous-même, fierté indirecte, faites-vous exhibition des universités américaines où vous enseignez, une façon de vous rehausser comme ces Sénégalais de France, S.F, qui, revenus au Sénégal se sentent au-dessus des autres sénégalais à cause du simple fait qu’ils ont séjourné dans la métropole ? Est-ce un péché si ce ne sont pas tous les intellectuels africains qui sont d’accord avec Cheikh Anta Diop ? Vous tombez justement dans le piège entrevu par Monsieur Diagne car, en effet, pour vous Cheikh Anta est une divinité. Enlevez donc la poutre qui est dans votre œil si vous avez dessein d’enlever la paille ou le grain de sable qui est dans l’œil de votre prochain !


« Cette affaire n’est pas bien jolie mais un tel faux-pas, cela peut arriver à tout un chacun, en particulier à ceux qui, comme toi, ont fini par ne plus s’attendre à être contredits. Il en a résulté une situation assez cocasse où en te réfutant sur la théorie de la langue unique, je me trompais en quelque sorte d’interlocuteur. Cela ne mérite-t-il pas réflexion ? le plus grave, toutefois, c’est le fait que tu reprennes à ton compte l’accusation de “jacobinisme’’ supposée être, pour un certain africanisme de combat, l’arme fatale contre Cheikh Anta Diop.

Oui, vous avez raison : « Cette affaire n’est pas bien jolie mais un tel faux-pas, cela peut arriver à tout un chacun, en particulier à ceux qui, comme toi, ont fini par ne plus s’attendre à être contredits. ». C’est si vilain, car vous dites qu’un faux pas peut arriver à tout un chacun. Sérieusement, Monsieur Diop, la logique ne semble pas être votre point fort. Vous ne cessez de vous contredire ; vous ne cessez de dire à l’autre d’accepter ce que vous refusez. Vous dites qu’un faux pas peut arriver à tout un chacun. Sauf à Cheikh Anta Diop ? Vous dites personne n’a la connaissance. Sauf vous et Cheikh Anta Diop ? Vous dites que Monsieur Diagne ne s’attend plus à être contredit, mais vous l’attaquez, sans toutefois pouvoir le contredire, argumentairement parlant, en rien du tout. En réalité vous citez ses textes et les attaquez, pas sur une base scientifique et, partant, argumentaire, mais dogmatiquement comme on le ferait devant un hérétique blasphémateur de surcroît.
Vous n’avez rien compris du thème unicité de langue et l’auriez-vous compris, la meilleure démarche aurait été de venir avec d’autres thèses pouvant démontrer que c’est applicable et comment cela pourrait se faire. Donnez-nous un modèle et une procédure, pas une belle idée utopiste, compte tenu de tous les facteurs sociaux qu’il faut affronter dans la procédure d’adoption et de propagation d’une langue donnée. Vous risquez une crise cardiaque si vous tenez Cheikh Anta comme infaillible, ce qui est le contraire même, en d’autres circonstances, de sa propre vision que vous citez : « Armez-vous de science jusqu’aux dents, car à connaissance égale la vérité finit toujours par triompher !’ », avant de conclure vous-mêmes : « il [Cheikh Anta Diop] ne peut exclure que leurs recherches puissent invalider un jour ou l’autre ses propres thèses ». Mais justement vos attaques répétées ne sont-elles pas, encore une fois, une contre vérité de vos propres propos quand vous dites : « Sachant bien tout cela, je ne peux nullement te reprocher d’avoir cherché à remettre sa pensée en cause. » ?
C’est justement sur des contradictions répétitives que vous vous accoudez pour lui faire des reproches, allant jusqu’à disqualifier l’africanité de Monsieur Diagne pour nous le livrer tout nu en occidentalisé échoué sur les berges de la mer Egée ou un lutin perdu dans les brumes bretonno-normandes !


«On ne peut laisser personne glisser ce mot dans une interview, ni vu ni connu, alors qu’il a un potentiel si explosif. C’est ce mot-là, et au fond ce mot seul, qui m’a fait réagir. Nous faut-il une “relecture négro-africaine’’ de Cheikh Anta Diop ? Elle s’impose plus que jamais. Mais comment “relire’’ une œuvre que l’on n’a même pas pris le temps de lire ? Je n’ai pas été le seul à essayer de te montrer, textes à l’appui, à quelles extrémités peut mener le manque de caractère d’une intelligentsia africaine encore tellement fascinée par l’Occident. »

Wow ! « On ne peut laisser personne glisser ce mot dans une interview, ni vu ni connu alors qu’il a potentiel si explosif »… Décidément Monsieur Bachir Diagne vous a senti venir depuis longtemps et de très loin. Il a bien vu en vous pire qu’un fanatisme religieux car cette sentence sonne en effet comme une fatwa ayant la même teneur que la sentence de Rome sur Galileo quand il brandit la faucille de sa découverte sur la géocentricité de notre bleue planète. Espérons que vous n’avez pas préparé une ceinture d’explosifs contre cet hérétique africain occidentalisé qui a osé blasphémer si gravement devant votre divinité !
Ainsi donc vous proposez une relecture… négro-africaine de Cheikh Anta Diop ? Comment est-ce possible ? Parce qu’une lecture négro-africaine, je crois entendre Négritude et, partant, Césaire et Senghor, a été faite ? Ne serait-elle pas du réductionnisme, cette relecture, quant à la personne de Cheikh Anta Diop ? Si sa connaissance se limite à une dimension négro-africaine, Il nous paraît alors relative et donc indigne d’être habillée du terme connaissance et serait tombée au lot du réductionnisme involontaire que l’on affiche lorsqu’on parle de femme astronaute ou d’astronaute afro-américain. Mais le ridicule ne nous fait plus mal. En effet nous sourions toutes dents dehors lorsque de Pays de Tiers Monde nous avons été taxés de Pays Sous-développés puis de Pays en Voie de Développement puis maintenant en Pays Emergeants. C’est la marque du pauvre qui fait prévaloir son droit d’être accepté en pauvre et pas discriminé ! Lorsque Senghor parle de relecture de Marx et Engels, c’était dans le but de voir comment réadapter leur système aux réalités africaines, d’autant plus que tous nos jeunes révolutionnaires s’y jetaient sans réfléchir, ne s’appuyant, comme des fuyards, que sur le fait que l’URSS s’offrait en modèle anti-colonial. Tout était bon tant qu’il ne s’agissait pas de l’ancienne puissance coloniale. Ainsi fuyant des Occidentaux, nous tombâmes dans les bras morphiques d’autres Occidentaux, poursuivant ainsi notre dénaturation puisqu’incapables de prendre en compte un autre danger. Il le fallait bien. Et encore aujourd’hui, nous n’avons pas atteint l’autre rive. Le prouve votre vision d’une pureté africaine hors sujet ! Nous sommes dans les bras d’autres morphines et cela, à tous les niveaux. Comme vous par exemple, qui vous enorgueillissez d’enseigner dans des universités américaines. Qu’y enseignez-vous ? Kothie Barma, Ndiadiane Ndiaye et les femmes de Nder, la Bataille de Mbind o Ngor ? Le ridicule ne vous tuera pas, qui crânez contre un autre que vous taxez de dénaturée parce que celui-ci est aux Etats Unis, en train d’enseigner et ose citer des français pour appuyer ses arguments ! Vraiment dommage que le ridicule ne tue plus chez nous. Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’adopter une Realpolitik pour enfin dépasser notre Petite Identité Noire et embrasser celle plus complète de l’Etre Humain et nous proclamer enfin êtres humains parmi les êtres humains ? Votre puritanisme, que vous enseignez dans vos universités, est une contamination pire que la colonisation car elle pond des jeunes aux pensées tardives et attardées qui s’agrippent sur une identité africaine qu’ils n’ont ni de près ni de loin, sauf sur des lèvres, interpellation d’un cerveau qui semble dépourvu de neurones. Pourtant tout a été résumé dans la notion d’ouverture et enracinement.


« L’accusation de “jacobinisme’’ supposée être, pour un certain africanisme de combat, l’arme fatale contre Cheikh Anta Diop ». Parce que l’expression ou la vision est française ? Qu’est-ce que le jacobinisme pour être une arme fatale contre Cheikh Anta Diop ? Voilà sa définition dans Wikipédia : « Le jacobinisme est une doctrine politique qui défend la souveraineté populaire et l'indivisibilité de la République française. Il tient son nom du Club des jacobins, dont les membres s'étaient établis pendant la Révolution française dans l'ancien couvent des Jacobins à Paris. Le mot jacobinisme désigne aujourd'hui une doctrine qui tend à organiser le pouvoir de façon administrative (bureaucratie) et centralisée (centralisation) et à le faire exercer par une petite élite de techniciens (technocratie) qui étendent leur compétence à tous les échelons géographiques et à tous les domaines de la vie sociale afin de les rendre uniformes, ce qui en fait l'adversaire du régionalisme. L'usage moderne du mot jacobinisme est de quelque manière anachronique. En effet, le jacobinisme, pendant la Révolution française, était une réaction aux enjeux particuliers de l'époque. Pour n'en retenir que la philosophie, on pourrait aussi entendre le jacobinisme comme une doctrine opposée aux politiques communautaires, qui tendraient, par exemple, aux divisions internes. »

Nous vous demandons : Cheikh Anta a-t-il écrit quelque chose où il se défend, d’une façon ou d’une autre contre le jacobinisme ? Pouvez-vous trouver un passage, une idée pouvant réfuter cette vision que vous réfutez ? Il nous faut un argumentaire ! Et nous sommes plus que convaincus que vous n’irez certainement pas puiser des sources occidentales, vu l’extrême allergie que vous semblez détenir envers toute source occidentale. Savez-vous qu’il y a quelqu’un d’autre qui a eu la phobie de l’occidentalisation, crainte d’un fils prodigue préparant son retour de cette boue de civilisé et pourtant vous la lui niez. S’il n’y a aucune référence pouvant le prouver, alors n’êtes-vous pas en train de sombrer gravement dans le dogmatisme, approche toujours déployée devant une divinité et, partant, est d’ordre religieux, une allusion que vous voulez coûte que coûte combattre ? A défaut, et puisque vous refusez toute référence extérieure à Monsieur Diagne, développez votre point de vue, développement personnel de vos idées qui s’est abonné absent tout au long de vos textes pourtant !


« Pour le reste, chacun de nous peut avoir la plus haute idée de lui-même mais je doute que nos petites personnes comptent vraiment. Beaucoup d’amis communs ont été gênés, voire choqués, par cette polémique soudaine et très inhabituelle au Sénégal. Je crois que c’est ta réaction qui a mis le feu aux poudres.

Ah bon ? Vraiment ? Monsieur Diop vous commencez à faire peur, dans la mesure où tous vous mettent au rang des géants intellectuels du Sénégal. Pourtant vous nous servez une démarche dépourvue de toute logique et, osons le dire, d’honnêteté intellectuelle. Et saviez-vous que quand l’opprobre arrive jusqu’au Saint des saints, il ne nous reste absolument rien d’autre que la décadence ? Vous dites expressément : « Beaucoup d’amis communs ont été gênés, voire choqués, par cette polémique soudaine et très inhabituelle au Sénégal. Je crois que c’est ta réaction qui a mis le feu aux poudres. » Cela nous surprend, car c’est vous qui êtes allé chercher un texte de Bachir puis, sans apporter une antithèse, avez commencé à faire feu de tout et cela dans un domaine qui semble vous dépasser puisque vous n’apportez aucune argumentation qui vous soit ni propre ni même impropre. En réalité vous êtes choqué que l’on ait cité votre dieu et vous vous êtes ceint d’une ceinture d’explosifs pour faire tabula rasa de tout. Quand la colère nous envahit, le taux d’adrénaline nous rend aveugles, ne laissant sur place que la bête sanguinaire prête à faire un carnage.


« Elle aura cependant été, pour le dire ainsi, un mal pour un bien. Les idées de Diop ont en effet rarement été aussi présentes dans l’espace public sénégalais, surtout depuis sa disparition. L’on a vite oublié ce que tu as pu écrire il y a vingt ans pour réfléchir à ce qui peut nous arriver dans vingt ans. Je trouve cela très bien. S’il en est ainsi, c’est que la discussion a été prise en mains, pour l’essentiel, par cette “jeunesse africaine en quête de sens’’ dont parle Aminata Dramane Traoré. Certains de ces jeunes ont, ainsi qu’en témoigne l’article de Khadim Ndiaye, une égale affection pour chacun de nous deux. Je les sais d’ailleurs déchirés en ce moment. Ils n’ont qu’une hâte : que les esprits se calment et qu’ils reprennent leur dialogue avec l’un et l’autre sans avoir à se sentir coupables de n’avoir pas choisi leur camp. Il ne devrait pas y avoir de camp, en fait. À mes yeux, cette affaire est toute simple. Ayant jugé pernicieux et de mauvais goût un de tes articles, je l’ai dit publiquement en me limitant à une analyse du texte. Ayant encore moins apprécié une de tes interviews, j’ai dit publiquement que j’y vois le symbole d’une allégeance intellectuelle à l’Occident à la fois déshonorante et dangereuse. C’est aussi simple que cela. Tu as peut-être été surpris, comme moi-même, par les réactions très vives d’une partie de l’opinion. C’est que, comme l’a si magnifiquement rappelé un des intervenants à ce débat, Cheikh Anta Diop est aujourd’hui encore pour beaucoup d’Africains non seulement un penseur mais aussi une conscience. Il est bon de s’en souvenir chaque fois que l’on est tenté de le traîner dans la boue. »

« Elle aura cependant été, pour le dire ainsi, un mal pour un bien. Les idées de Diop ont en effet rarement été aussi présentes dans l’espace public sénégalais, surtout depuis sa disparition. » Et nous ajoutons que ceci est bien dommage, mais ce n’est pas de façon indigne qu’il faut les exposer sur la place publique. En réalité, Monsieur Diop, vous n’exposez pas les pensées de Cheikh Anta dans l’espace public sénégalais, vous le défendez à partir du vide et cela peut avoir l’effet contraire de ce que vous tentez d’accomplir. Cheikh Anta Diop est réellement un géant et il faut de grands arrosoirs pour nourrir ses racines et les maintenir profondément en terre. Essayer de les alimenter avec des crachats risque fort de les tuer et de flétrir l’arbre tout entier. Tout compte fait, nous avons noté en grande partie que vous accusez Monsieur Diagne de vos propres fautes. Vous en faites l’initiateur alors que c’est vous qui avez déterré la hache de guerre. Vous lui refusez de citer des sources, comme si le droit d’indiquer des sources vous appartenait puisque vous citez Monsieur Samb; vous l’accusez de s’être tourné vers ces sources au lieu de plonger dans sa vaste tête et vous ne développez ni thèse ni antithèse. En bon Sénégalais vous n’aimez pas les confrontations verbales et pourtant c’est exactement ce que vous faites. Vous n’aimez pas qu’on ait comparé votre façon de réagir à un fanatisme religieux et c’est exactement ce que vous dépliez. Vous citez Cheikh Anta Diop qui a eu la pensée qu’un jour il se peut que des jeunes puissent réfuter ces thèses et dans le même temps vous réfutez cette possibilité. Vous rejetez Monsieur Diagne dans les brumes bretonno-normandes et vous mettez au-dessus de lui en pur Sénégalais, faisant de lui le dénaturé. En toutes choses vous vous présentez comme au-dessus de la mêlée, africain pur sang ; et Monsieur Diagne la mouche tsé-tsé dans la boue de la non-africanité.
Personne ne vous en aurez voulu, si ce débat était ceint de logique, d’argumentation, bref un vrai débat d’idées. Malheureusement vous vous êtes présenté en prosélyte, un fanatique religieux très dangereux. Et c’est d’autant plus dangereux que vous vous contredisez tout au long de votre intervention, comme par exemple quand vous proposez une relecture négro-africaine de Cheikh Anta Diop. C’est dire qu’il y a d’autres relectures possibles parmi lesquelles, nommément une interprétation jacobiniste certainement !

UN RAPIDE EXEMPLE POUR LE DICtiONNAIRE

Njamala Njogoy