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lundi 24 septembre 2018

QUELQUES POEMES DE L. S. SENGHOR EN SERERE - AUDIO


Nous présentons ici une vingtaine de poèmes de Léopold Sédar Senghor traduits en Sérère, sa langue maternelle. Les récitations sont entrecoupées de musique sérère très variée dont la sélection tente d'être assez proche de chaque thème. C'est ainsi que l'on trouvera parmi cette musique des chansons comme La chanson des partisans et Solitude de Duke Elington entre autres.



    Titre sérèreTitre français
  1. In memoriam In memoriam
  2. A carind xanjarPorte dorée
  3. A und aleL'ouragan
  4. Um bind a Eme SeseerLettre à un poète - A AImé Césaire
  5. Naal muumTout le long du jour
  6. O yeng a SinigNuit de Sine
  7. JoongJoal
  8. O tew o paalFemme noire
  9. Nitaal paal Masque nègre
  10. Nduleer neLe message
  11. Emma PaylawiilA Emma Payelleville
  12. A tep galaas took Pari Neige sur Paris
  13. Um xed maske ke Prière aux masques
  14. Mbangool neLe totem
  15. Dangand ndi o gooy Blues ou spleen
  16. A sutax kasoA un prisonier libre
  17. Siiknoor fa jaaniiw A la Mort
  18. Fat a kooraa fa pala yooranaamQue m'accompagnent kora et balafong
  19. Kaltaa EerosPar-delà Eros
  20. A kat no peenqe ruux'ina a kop Retour de l'enfant prodigue
  21. Xa kosti xa paal - Ee-ecoopi Parti IHosties noires - Ethiopiques Partie I
  22. Xa kosti xa paal - Ee-ecoopi Parti IIHosties noires - Ethiopiques Partie II

JUSTE UN TOUR

Vois-tu, j’ai bien fait le monde, ma mie
Et bercé entre mes phalanges évasives
Des champs de blé battus de frissons
Venin au bout de ma langue surréelle
Craché une agonie virtuelle
Par delà des jalons de termitières jumelles.
De Mauna Kea au Wyoming
Du Namib au Gobi
Et de Venise à Mourmansk
- Les fleurs de Heinola et de Valkeala l'Orientale s’étaient subitement enflammées
Dans l’obscurité hivernale battue d’aurore boréale
Et les canons de Crimée sur Suomenlinna poussaient
Des coliques tardives comme la mort rouillée
Sur les versants abrupts de Gorée l’Enchaînée.
Mais il y a aussi Alger, l’odeur des Eucalyptus
Dans l’air méditerranéen jusqu’à Oran
− Les ruelles étroites de la Kasbah m’invitaient à suivre
La pente rêche des révoltes au talon lointain de l’histoire présente

Et le froid frisson qui me lèche l’échine
D’un doigt de froideur non simulée…

Te parlerai-je d’Arusha et du Morogoro ?
Les filles Massaï étaient élancées comme des palmiers,
Guinée double juxtaposée au Kilimandjaro berçant
Ses filles nénuphar sous la caresse jalouse du Fouta Djallon
Gazelles fières et farouches aux colliers d’ambre
Sur la noirceur crépusculaire des peaux indigo.

Veux-tu prendre ma main pour la descente vers l’Ukraine
− Les sapins sont de neige, les lacs de verglas
Et la terre poussière de diamant sous le reflet du soleil las.
Nous retrouverons une cabane cosaque à la tombée de la nuit
Pour la soupe qui réchauffe le cœur sous les fourrures amies.
Nous vivrons parmi les élans et les lynx
L’ours dormira tout l’hiver
Les lapins porteront la robe blanche mode saison
Et chaque soir je prendrai le café chaud
A la tasse cristalline de tes yeux fennec.
Nous ne ferons voile sur Venise
Qu’au retour des oiseaux partis pour le Septentrion,
A l’adieu des neiges !

M'ELOIGNER

Je veux m’éloigner
Puisque telle est la dictée de ton regard
Le conseil ardent de ton silence.
C’est la mère devant le cercueil
De son aimé vers le ventre tendre de la terre insensible.
Les larmes sont de sang
Mon sang de globules enneigés
Mes neiges de froid impassible aux typhons de tes yeux
Comme d’acier ce fuseau de laine
Qu’a secrètement filé la mémoire
Sous la pénombre de ton être surréel.
Lorsque dans les eaux profondes de l’exil,
Que mon souffle plus jamais ne balaie la savane de ton visage,
Tu sauras lire sous la palme des étoiles
Une larme de zèle,
Tu sauras que l’Athlète jadis ivre
de la rumeur des arènes est devenu ascète,
Que le prophète a déposé sa besace
Et ses chapelets de soupirs
Et son aspiration céleste au piédestal de tes yeux.

HYBRIDE

Il n’est qu'hybrique, ô Amie
Et pour te retracer la piste soudée
Aux premiers rayons originels,
     Je t’élève,
        Il y a plus d’un quart de siècle,
           au mont d’un vingt neuf septembre.

Ils étaient arrivés au-dessus du village.
La langue des palmes troubadour accordée
Articulait un air triste au violon de la brise retraçant
la mélopée des saules pleureurs ivres
au bar des épidémies paludéennes.
Il y avait une femme dont l’hymen refusait
Toute prise de jeton qui devrait courir
La savane au flanc vert des pâturages.
Accoudé à la balustrade de khornium
Les hublots découpant contre la face
Des cercles entrecoupés de flash multicolores
Il sondait le désespoir d’un être au bout d’un autre continuum.
« Trévor, mon frère au Couvent des Astres !
« De tes entrailles j’ai senti l’émoi
« Et le cerveau électronique m’a confirmé
« Ce que j’espérais simple suspicion.
« Noble est la cause, grand le sacrifice en ton coeur pétri
« Mais libre ta volonté qui se berce
« au hamac de notre spirale
« où la volonté intrinsqèque est reine.
« J’adhère à ta requête non encore formulée
« Et te laisserai le fil vibratoire
« Que promulguent les astres par les fils intergalactiques.
« Des frères reviendront recharger la pile sensorielle
« Mais tu devras, d’emblée fils d’Adéma,
« Rejoindre le sein destructeur de Gaïa au bout de l’œuvre ! »


Ils avaient besoin de peu de mots.
Déjà surgit le désintégrateur aux alvéoles multicolores.
Sur une joue la larme des adieux à ceux de son continuum,
ses frères qui encore ce soir dormiront
Sous la chevelure laiteuse de Bellatrix
Et toujours plus jeunes que le soleil
qui, demain encore, écartera le rideau naissant de l’aube,
Sur l’autre celle venue d’une joie fervente
A la seule pensée de soulager l’âme solitaire.

Des centaines d’années durèrent quelques secondes,
quelques secondes des millénaires,fusion s
Jardin d’unités astronomiques sous la faucille Espace-temp.
Il n’était plus qu’une boule d’énergie dans la clarté stellaire,
Amassant à son passage les traits dissous de l’humanité
Dans le firmament impalpable des éléments.

Un feuillage subitement s’affole,
Une porte grince sous une brise inconnue
Tandis qu’un bras de lumière associée à l’aube évanescente caressait
Les paupières d’un couple pour insinuer l’étreinte d’un jour nouveau.

     Il a franchi la galaxie,
        plongé vers l’astre aux satellites vagabonds
           Puis longé les continents
              Pour retrouver l’hymen élu
Comme ce soir son soupir cherche l’incarnation de ton souffle
Dans le blizzard ivre qui titube par les rues citadines…

dimanche 23 septembre 2018

TEMPS DE GRACE

Devine toutes les tentatives, dérives d’équations quantiques,
frondes de griffes impassibles.
Des mois qu'une main bride guette la furie des rêves fugitifs
Contre ma poitrine muraille !
Et les sabots canons tenaces à sabord pillent
La hargne des rampes de pas surréels.

La pluie déverse une nuit entière des silhouettes,
Mirage aux contreforts du Fouta conquis.
Résisterai-je au reflet des fanions mauves ?
Combien de temps contre l’aplomb du nez,
La chevelure rebelle du tamarinier
Par delà l’ombre d’un visage émeraude livré
A la fraîcheur éternelle des prunelles cristallines ?
− C’est le refuge d’une rigueur à toute érosion rebelle.
Et ce quadrillage de lacs surréels,
cime de sourcils calmes glaive de l'archange aux embrasures de l’Etre.
Le bruissement de la palme lascive des paupières,
Cils bouquet de nénuphars en fleur,
Le calme sidéral sous la pensée muette d’une véranda
Qui se berce au simulacre d’un volcan assoupi.
Un quart de lune, lèvres jumelles au contour d’arc-en-ciel
Ou satellites surréels par la courbe de l’ellipse
A la conjonction déclive de la voie lactée…
Une cascade de sourire ambigu assaille
La baie sédentaire du menton et ruisselle
S’unir à l’infinité océane de ta poitrine atlantide.


II

Lasse sous la palmeraie des îlots juxtaposés,
Ma tête cherche le lit des méduses océanes
Ainsi q’un vouivre sur la nappe étale de l’Ockeechoobee !
Mais voilà déjà le dos arc-bouté des alligators
Sous la pénombre du crépuscule diaphane !
J’ai contre les lèvres de la mémoire un goût de sève amère
Et l’heure figée se lisse à la caresse extraite
Des phalanges virtuelles.
La pensée impassible se coagule,
magma sur la paix solitaire de tes mamelles.
C’est l’instant déclive à l’autel pyramidal du Septentrion
Tel le souffle d’un bateau en dérive s’accoude à la détresse d’une fusée.
– Pourtant aucun secours sur le quai battu de typhons !
Rien qu’une turbine de solitude au bunker de ma poitrine !


III

Je t’ai vue nue sous le linteau des astres fugitifs.
Tu priais face au Levant,
Le front dans l’aura nirvanique,
Les coudes relevés sur la candeur des monts au bout du continent
Tandis qu’un nuage sombre descendait sur Sion vers le Couchant
Et soudain, sous l’apparition me traînant
Au-delà d’une lisière transitoire où l’être participe
A la naissance et à la mort le long d’une médiane paradisiaque,
Une larme, Déesse mienne, a vitrifié mes paupières meurtries !
Mais il me fallait résister, tenir la contemplation du jardin aimé,
Paysage d’un autre continuum au firmament de l’inaccessible.
J’ai alors choisi le contrefort abrupt,
Skis aux pieds bien que sans piste,
Le cœur frisant une vélocité féroce par la galaxie de ma poitrine.
J’ai l’espoir qu’au soleil déclive j’arriverai à la cave du nombril,
Sous l’ombre des cailcédrats où la gravité avoisinera celle propice à mon être
Et permettra, le temps d’une révolution,
D’abriter les palabres avant la formation de Ta-moitié-ma-moitié
Sous la bannière haute du plexus aux abords de l’hymen…

Mais bien avant ce saut ultime,
Ma main tremblera longuement devant la perche de tes cheveux
Ainsi qu’un tentacule sensoriel à la recherche
D’une proie dans le zéphyr, à la recherche de sa survie !


IV

Le voyage le long
De ton manoir l’a épuisé, ô Aimée !
Et le sable mouvant
De tes traits récalcitrants abattu
Le pèlerin loin des oasis.
Pourrai-je, en cette nuit rester
Dans la Baie du Nombril
Et comme ceux fervents d’un fidèle le long d’un chapelet
Faire courir mes doigts sur le roseau de l’être qui s’émeut ?

Demain, je reprendrai la route aux sirènes premières….
Mais enfant Sinois au sommeil transparent, Je sais le secret à l’extrémité de l’aube prochaine.
J’ai parcouru les livres, médité longuement
Sous la torche ovoïde des étoiles
Et ausculté les parchemins poudreux des Dogons et du Macina.
J’ai parlé avec les génies dans le creux transparent de la Nuit,
Fait rouler les cauris à la sorcière qui dort
Par delà le village des toits de chaume.
- « Devant toi, m’ont-ils dit, sur le paysage infini de son corps,
«Tu affronteras les courants belliqueux
« Qui brodent les lisières de la Vie et de la Mort.
« Il y aura l’Eden, affluent de fougue perdu
« Dans le drap transcendant d’une jungle surréelle
« A l’extrême nuitée d’avant la création de l’univers.
« Elle est mère Amazone, tapis d’arbres et de fougères
« Plus touffue que la forêt où dansent les pygmées
« Sous les feux de bois aux soirs sans lune. »


V

Voilà qu’en ce sommeil transparent
M’enivrent tes parfums de pomme cannelle !
J’ai traversé ton pays de goyaves,
D’acajou et d’arômes d’avant le début du monde.
Tu es venue
Dans un canopée Zapotèque,
Des guerriers au visage masqué
Et des nubiles aux hanches d’huile rythmaient
Une mélopée par la fugue rêche
Des Grandes Prairies du Far West !


VI

Je ne saurai nager longtemps
Dans cette mer de feu, O Sœur Aimée !
Princesse, je me noie.
Je ne sais quel versant suivre,
Car voilà subitement l’intersection à la lisière de l’heure
Et je confonds d’emblée Droite et Gauche
Sous l’influence espiègle de ta mescaline !
Tes mains de déesse se porteront-elles à mon secours,
Me tireras-tu de la boue infecte
Où déjà s’érige la tête inane de la mort ?
Je suis tes genoux qui me bercent au rythme d’un hamac inédit.
Nos orteils tentacules d’une pieuvre de désirs vibrent,
Et ma tête de bébé suit lentement la farandole qu’égrène ta voix de nourrice.


VII

Si je ne me noie, Sur le chemin de retour je contournerai le fleuve mortel.
A rebours je suivrai la cuisse des montagnes
Longeant la croupe qui se dresse plus fière
Que l’Estérel éternellement battu de mistral.
J’ai espoir qu’au soupir de la lune nouvelle,
J’arriverai sous le toit de ta nuque
Pour reposer enfin à l’ombre laiteuse de ta chevelure,
Entre les doigts de l’âme,
Le chapelet du pèlerin purifié à la Kaaba de tes yeux.

samedi 22 septembre 2018

SENGHOR : LA RIME CACHEE DE LETTRE A UN POETE

Dans « Lettre à un poète » quand Senghor lance à Césaire : « Tu chantais les Ancêtres et les Princes légitimes, tu cueillais une étoile au firmament pour la rime rythmique à contre temps », il nous met la puce à l’oreille et va en effet rimer tout le poème dédié à l'ami poête dans une rime rythmique à contre temps qui donne du fil à retordre à quiconque tente de démêler les fils de ce trésor caché. Retranscrivons le poème pour en dévoiler la rime :

Au frère et à l’ami mon salut abrupt et fraternel !
Les goélands noirs les piroguiers au long cours m’ont fait goûter de tes nouvelles
Mêlées aux épices aux bruits odorants des Rivières du Sud et des Îles.
Ils m’ont dit ton crédit l’éminence de ton front et la fleur de tes lèvres subtiles,
Qu’ils te font, tes disciples, ruche de silence, une roue de paon
Que jusqu’au lever de la lune tu tiens leur zèle altéré et haletant.
Est-ce ton parfum de fruits fabuleux ou ton sillage de lumière en plein midi ?
Que de femmes à la peau de sapotille dans le harem de ton esprit !
Me charme par-delà les années sous la cendre de tes paupières,
La braise ardente, ta musique vers quoi nous tendions nos cœurs d’hier.
Aurais-tu oublié ta noblesse qui est de chanter
Les Ancêtres et les Princes et les dieux qui ne sont ni gouttes de rosée ?
Tu devrais offrir aux esprits les fruits blancs de ton jardin
Tu ne mangeais que la fleur, récolte dans l’année même du mil fin
Et ne pas dérober un seul pétale pour en parfumer ta bouche.
Au fond du puits de ma mémoire je touche
Ton visage où je puise l’eau qui rafraichit mon long regret
Tu t’allonges royal accoudé
Au coussin d’une colline claire,
Ta couche presse la terre
Qui doucement peine,
Les tam-tams, dans les plaines noyées rythment
Ton chant et ton vers est la respiration de la nuit et de la mer lointaine
Tu chantais les Ancêtres et le Princes légitimes,
Tu cueillais une étoile au firmament
Pour la rime rythmique à contretemps
Et les pauvres à tes pieds nus
Jetaient les nattes de leur gain d’une année
Et les femmes à tes pieds nus
Leur cœur d’ambre et la danse de leur âme arrachée.
Mon ami, mon ami – O Tu reviendras !
Je t’attendrai – Le message confié au patron du cotre sous les caïlcédrats.
Tu reviendras au festin des prémices
Quand fume sur les toits la douceur du soir au soleil déclive
Et que promènent les athlètes leur jeunesse
Parés comme des fiancés, il sied que tu arrives.

vendredi 21 septembre 2018

L'AFRIQUE : PROBLEME D'APPORT - PROBLEME DE FUTUR

Trois articles déjà postés traitaient du problème de la Négritude, sujet, comme nous l'avions dit, un peu mal posé, nous l'admettions. C'est que ce n'est pas la Négritude qui a un problème mais le Nègre et, partant l'Afrique, son continent souche. Colonisé et voulant rejeter ce monde qui l'avait rejeté, l'Africain est pourtant forcé d'emboîter le pas à cet Occident contre lequel il se rebelle d'une façon ou d'une autre. Là le hic c'est qu'il semble ne pas avoir réellement identifié le vrai problème en soi, d'où cette révolte épidermique qui le rend allergique à toute critique; qui fait qu'il va jusqu'à critiquer certains de ses enfants qu'il juge suspects puisque sentant le roussi de proximité avec cet Occident, selon sa conception. C'est ainsi que pour lui toute critique est raciste, et paternaliste tout conseil. Toujours aux aguets, il est forcé de se débattre et ainsi s'enlise dans une boue dont il ne connaît le nom.

C'est ainsi que Camara Laye sera foudroyé par les critiques pour avoir présenté une enfance idyllique confinée à l'Afrique et ne pas dénigrer l'Occident dans son roman L'enfant noir. Senghor sera foudroyé pour avoir dit Seigneur pardonne à la France et d'avoir épousé une blanche et osé écrire Femme noire, ou de dire que la l'émotion est nègre, la raison hellene. Tant de réactions qui parfois semblent sortir d'une malette de délires. C'est pour cette raison qu'il nous semble assez clair que le Nègre a un long chemin à faire pour faire face à la piste qui mène à son salut. Pourtant ce chemin pourrait être terriblement raccourci : Il suffit juste d'identifier le vrai problème, la vraie raison de sa condition actuelle, au lieu d'agiter ses membres engourdis dans tous les sens comme l'effort de survie qui perd plus qu'il ne sauve celui qui se noie, puisque l'ayant enveloppé de panique et, partant, livré à la mort.

Comprenons-nous : Nous avons un devoir de mémoire et c’est bien noble de remonter à ses origines par des fouilles archéologiques et la linguistique historique, mais cela peut paraître pathétique si cette remontée est tendue comme une bouée de sauvetage, une corde pour se hisser et se faire accepter au banquet de l’Universel. C'est justement cette dimension du discours de Monsieur Sarkozy que les nègres ont râté dans leur interprétation. Celui-ci, s'adressant à la jeunesse, est une invitation à se tourner vers le futur. Peut-être a-t-il fait une petite faute car, après avoir parlé d'un continent ayant connu tant de civisations brillantes, il est contradictoire de parler d'une Afrique n'étant pas assez entrée dans l'histoire. Il aurait du dire qu'elle devrait être assez présente pour pouvoir faire face à l'avenir.

La psychose parfois mitigée qui pousse à toujours vouloir remonter à des origines lointaines est on ne peut plus compréhensible : La situation aurait été moins pénible si l’Afrique n’avait connu que quelques unes de ses terres colonisées. Cela aurait été plus supportable, disons-nous, si, partout à travers le globe, le Nègre n’avait pas été soumis à la règle et à l’équerre de la domination, de l’avilissement, qui forceront la naissance de la Négritude. Encore une fois, c'est évident que nous avons un devoir de mémoire quant à l'histoire, mais, comme Monsieur Sarkozy l'a dit dans son discours de Dakar, le passé ne s'efface pas : « ... Je ne suis pas venu effacer le passé car le passé ne s'efface pas ... Je ne suis pas venu nier les fautes ni les crimes car il y a eu des fautes et il y a eu des crimes. Il y a eu la traite négrière, il y a eu l'esclavage, les hommes, les femmes, les enfants achetés et vendus comme des marchandises. Et ce crime ne fut pas seulement un crime contre les Africains, ce fut un crime contre l'homme, ce fut un crime contre l'humanité tout entière. Et l'homme noir qui éternellement « entend de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit de l'un d'entre eux qu'on jette à la mer ». Cet homme noir qui ne peut s'empêcher de se répéter sans fin. «Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ». Cet homme noir, je veux le dire ici à Dakar, a le visage de tous les hommes du monde. Cette souffrance de l'homme noir, je ne parle pas de l'homme au sens du sexe, je parle de l'homme au sens de l'être humain et bien sûr de la femme et de l'homme dans son acceptation générale. Cette souffrance de l'homme noir, c'est la souffrance de tous les hommes. Cette blessure ouverte dans l'âme de l'homme noir est une blessure ouverte dans l'âme de tous les hommes...

«.. Mais il est vrai que jadis, les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu'ils devaient penser, ce qu'ils devaient croire, ce qu'ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l'Afrique. Ils ont eu tort. Ils n'ont pas vu la profondeur et la richesse de l'âme africaine. Ils ont cru qu'ils étaient supérieurs, qu'ils étaient plus avancés, qu'ils étaient le progrès, qu'ils étaient la civilisation. Ils ont eu tort. Ils ont voulu convertir l'homme africain, ils ont voulu le façonner à leur image, ils ont cru qu'ils avaient tous les droits, ils ont cru qu'ils étaient tout puissants, plus puissants que les dieux de l'Afrique, plus puissants que l'âme africaine, plus puissants que les liens sacrés que les hommes avaient tissés patiemment pendant des millénaires avec le ciel et la terre d'Afrique, plus puissants que les mystères qui venaient du fond des âges. Ils ont eu tort. Ils ont abîmé un art de vivre...

«... Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale. Ils ont eu tort. Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la haine. Ils ont rendu plus difficile l'ouverture aux autres, l'échange, le partage parce que pour s'ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions... Mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l'amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant. La colonisation fut une grande faute qui détruisit chez le colonisé l'estime de soi et fit naître dans son cœur cette haine de soi qui débouche toujours sur la haine des autres. La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l'embryon d'une destinée commune. Et cette idée me tient particulièrement à cœur. La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l'Europe et le destin de l'Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes... Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l'autre, par la crainte de l'avenir. Le colonisateur est venu, il a pris, il s'est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail ».

Certes cette colonisation a apporté beaucoup de dégâts dans le développement de l'Afrique mais aussi, ce qui est plus grave, elle nous sert de perche en nous permettant de nous excuser sur nos tares, nos défauts et défaillances, nos échecs. Dans ces situations, au lieu de prendre toute la responsabilité, nous plantons les pieds dans une terre de reproches comme un vieux ficus et pointons le doigt vers l'Occident, vers la colonisation. Ceci nous pousse à des situations de paradoxes ridicules qui frisent le nonsense :

  1. Nous voulons déboulonner la statue de Faidherbe mais ne pipons mot sur le pont qui porte son nom. Peut-être faut-il l'abattre, puisqu'il est plus encombrant.

  2. Nous disons France dégage ou Auchan dégage alors que nos enfants meurent dans la Méditerranée pour aller clanddestinement en France; nos présidents et ministres vont se faire soigner en France et leur femmes y vont accoucher; pendant des attaques djihadistes, un sauvetage en mer, l'incendie d'un immeuble, la dénonciation d'un président au pouvoir, nous tendons les bras vers la France. Ainsi nos universités ne sont dignes de recevoir que des paysans du Sine-Saloum, du Cayor, du Baol, de la Casamanse; nos oppositions pensent avoir plus de voix en brandissant des pancartes dans les rues de Paris...

  3. Les SF c'est-à-dire Sénégalais de France, belle appellation pleine d'éloges aux nuances de succès qui pousse d'autres vers les berges de l'Hexagone, font le gros dos et sont regardés comme des Sur-Hommes à cause du fait qu'ils séjournent dans la métropole. Un certains discours d'investiture restera dans la mémoire, et, pour quelqu'un de très averti, fut le levier de la migration puisqu'ayant présenté les émigrés comme des hommes à part sur les bras de qui reposerait en majorité le développement du pays. Cela devint si hallucinant que des filles acceptèrent de se marier avec des émigrés n'ayant pas mis pieds sur le territoire depuis plus de sept ans et sur simple vue de photo.

  4. fils de ministres parviennent à soutirer à leur père des valises de dix millions de francs laissées quelque part dans un coin de la maison.

  5. Toutes nos femmes passent par des césariennes, le sel iodé qu'on avait prévu de vendre sur prescription est le seul sel qui compte maintenant dans tous les ménages; des tomates tombées dans une voiture jamais climatisée et souvent garée au soleil se sont maintenues toutes neuves pendant plus d'un mois - OGM ?

  6. Jusqu'au seuil d'une élection des candidats voulant être à la tête du pays sont indécis, ce qui laisse deviner la légèreté d'un programme pour quelqu'un qui veut prendre dans ses mains mortelles le destin d'un peuple.
  7. Nous sautons sur Donald Trump quand on rapporte qu'il a traité les pays africains de pays de merde. Que la source soit vraie ou fausse n'a pas d'importance. C'est que même s'il l'a dit, il n'est pas le premier sur la liste : les premiers sur la listes sont nos propres enfants qui meurent dans le flot des mers pour regagner l'autre rive. Ils sont les premiers à dire que c'est des pays de merde, que le fait d'y vivre est quasiment égal à la mort, raison pour laquelle c'est Barça ou Barsaq.

Voilà tant de points et la liste est loin d'être exhaustive. Le mal du Nègre, c'est de ne pas avoir le courage de faire face à lui-même. L'histoire lui a tendu une perche qui facilite le campement dans la médiocrité : juste pointer le doigt vers la colonisation dès qu'il y a échec. Non ! un échec ne peut pas venir de nous. Il ne peut être de notre part. Il ne peut être qu'une conséquence de la colonisation, et donc de l'Occident, notamment de la France.

Une autre mauvaise vision est de penser que l'Occident va s'ouvrir, qu'elle aura besoin de l'Afrique à cause de sa population vieillissante, sa croissance démographique quasi stagnante. Nous pensons que c'est ne pas compter avec le futur de l'Intelligence Artificielle; c'est ne pas compter avec l'avènement d'un futur qui sera fortement robotisé. Ainsi, au lieu de travailler, de mettre toutes les potentialités en oeuvre, nous ouvrons notre grande gueule pour décreter des Einstein du XXIème siècle. Nous disons Amen mais force est de constater que des einstein cela ne se décrète pas. Cela se fabrique, pas en ciblant des élèves, mais en assainissant l'environnement intégral de l'Être.

Nous pensons qu'il est temps que les Africain scindent le problème de leur condition en cinq points majeurs

  1. La domination et l'occupation : Les Occidentaux sont venus, leurs armées ont eu raison de nous. Ils ont campé chez nous, ont exploité, fait tout ce que le Président Sarkozy a retracé dans son Discours de Dakar.
  2. Le choc culturel : des habitudes parfois diamétralement opposées et poussant à des analyses assez négatives qui sont parfois noyées dans une interprêtation de racisme, ce qui n'est pas exact. Il faut avoir du discernement pour faire la part des choses. Un exemple : un Nègre taxa le propriétaire d'un petit restaurant de raciste car celui-ci l'avait chassé pour une très bonne raison : revenu du pays, on lui avait remis des mollusques séchés à remettre à un autre compatriotre. Ils se donnèrent rendez-vous. En attendant son compatriote dans le restaurant, les mollusques puaient tellement que les clients commencèrent à sortir un à un. En faisant le tour pour voir la source de l'odeur nauséabonde, le propriétaire vit le sac plastique contre le pieds de la table, s'enquit du contenu puis fit sortir le fautif de suite. Il se mit ensuite à asperger l'espace d'aérossol, ne réagissant point aux vociférations du porteur de sac plastique qui l'arrosait de tous les noms d'oiseau. Voilà l'exemple d'un Nègre qui, au lieu d'accepter sa faute, décharge celle-ci sur tous les Nègres du monde : on ne l'a pas fait sortir parce qu'il est stupide, lui, mais parce que le proprio n'aime pas les Nègres, il est raciste...

    Le choc culturel a fait écrire à Léon Gontran Damas Hoquet dans Pigments, Pière d'un petit enfant nèegre à Guy Tyrolien, Le message à Léopold Sédar Senghor, entre autres.

  3. Le reniement : Après avoir été dominés, on nous nié l'humanité. De l'exposition universelle de 1889 à Paris à L'essai sur l'inégalité des races du Comte Joseph Arthur de Gobineau, l'humanité du Nègre avait pris un sacré coup. C'est ainsi que, reprenant le thème Homme versus Anima traité intensément par les philosophes au sortir de la Deuxième guerre mondiale, Senghor introduira Ehtiopiques par le poème L'homme et la Bête.

  4. Le refus : Qu'on le veuille ou non, la Deuxième guerre mondiale sera le levier qui facilitera les indépendances des pays africains. La France occupant l'Afrique et étant occupée par l'Allemagne va faire partir des Africains pour participer au combat pour déguerpissement des allemands. Une fois le combat fini, il était évident que les choses allaient terribelement changer, d'où, encore une fois la vision prodonde de l'homme de discernement qu'était Senghor en érivant Chant de printemps : « Je t’ai dit : Ecoute le silence sous les colères flamboyantes la voix de l’Afrique planant au-dessus de la rage des canons longs, la voix de ton cœur de ton sang, écoute sous le délire de ta tête de tes cris. Est-ce sa faute si Dieu lui a demandé les prémices de ses moissons, les plus beaux épis et les plus beaux corps élus patiemment parmi les peuples ? Est-ce sa faute si Dieu fait de ses fils les verges à châtier la superbe des nations ? Ecoute sa voix bleue dans l’air lavé de haine, vois le sacrificateur verser les libations au pied du tumulus. Elle proclame le grand émoi qui fait trembler les corps aux souffles chauds d’Avril ! Elle proclame l’attente amoureuse du renouveau dans la fièvre de ce printemps, la vie qui fait vagir deux enfants nouveau-nés au bord d’un tombeau cave. » Il y aura donc des résistances, des demandes d'indépendance et, aux Etats Unis, les mouvements d'émancipation : d'emblée hors de question qu'après avoir combattu dans les charniers, que cousin Blanc John entre par la porte avant d'un bus et que cousin Noir John passe par celle de derrière.

  5. L'apport : Voilà le point qu'évite le Nègre. Voilà le point sur lequel le Nègre ne s'est pas arrêté. On ne peut pas effacer le passé : on a été dominé; notre continent a été occupé; on nous a nié jusqu'à l'humanité; il y a eu choc culturel sous turban de racisme et nous avons refusé; nous avons pris nos indépendances; et après ? Qu'est-ce qui reste ? Nous répondons : L'APPORT.

    C'est le point qui nous fait peur. C'est l'essentiel de ce que Sarkozy voulait nous dire en s'adressant à la jeunesse, c'est-à-dire aux Piliers du Futur. Et nous ne l'avons pas écouté. Pourtant il aurait fallu. Nous devrions écouter plus ceux qui parlent de notre morve que ceux qui disent qu'elle n'existe pas alors que nos narines en sont bouchées. A contre courant, Monsieur Sarkozy pourrait reprendre la pierre qui lui est jetée et nous la retourner en empruntant le désespoir de Senghor devant la sourdité de leur appel lors de la débandade de la Deuxième guerre mondiale dans son poème Guelôwar : « Dans la nuit nous avons crié notre détresse. Pas une voix n’a répondu. Les princes de l’Eglise se sont tus, les hommes d’Etat ont clamé la magnanimité des hyènes. Il s’agit bien du nègre ! il s’agit bien de l’homme ! non ! quand il s’agit de l’Europe. » Eh oui ! Non, Monsieur le Président, quand il s'agit de l'Afrique qui a une allergie épidermique à toute critique, surtout venant de la France et le conseil est toujours paternaliste. Pourtant, peu importe multes choses ! Dans cet instant du discours de Dakar, il fallait juste vous écouter avec des oreilles attentives car « Président ! Ta voix nous dit l’honneur l’espoir et le combat, et ses ailes s’agitent dans notre poitrine. Ta voix nous dit la République, que nous dresserons la Cité dans le jour bleu, dans l’égalité des peuples fraternels. Et nous, nous aurions du juste répondre « Présents, ô Président !»

Nous pensons que l'Afrique trouvera la trajectoire lorsqu'elle saura faire face à ce dernier point car faire face à ce point se résume à prendre ses responsabilités, prendre son destin en mains.

UN RAPIDE EXEMPLE POUR LE DICtiONNAIRE

Njamala Njogoy