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mercredi 3 octobre 2018

HOSTIES NOIRES - AUX SOLDATS NEGRO-AMERICAINS


AUX SOLDATS NEGRO-AMERICAINS
A Mercier Cook

  1. « Je ne vous ai pas reconnus sous votre prison d’uniformes couleur de tristesse, je ne vous ai pas reconnus sous la calebasse du casque sans panache, je n’ai pas reconnu le hennissement chevrotant de vos chevaux de fer, qui boivent mais ne mangent pas. »

    Une autre ramification de ce nouvel ordre mondial qui se prépare : les soldats afro-américains qui ont participé à la guerre.

    Partis d’une Amérique ségrégationniste, relégués aux positions arrières tout le long de la chaîne sociale, ils vont affronter d’autres blancs, s’adonner à des actes héroïques, d’emblée hommes parmi les hommes. Mais cette humanité, Senghor va l’éplucher comme un oignon. Il va rejeter l’écorce supérieure, fermant les yeux pour repousser toute connaissance de cette couverture qui vient de l’Europe défunte des machines et des canons : les uniformes sont des prisons, couleur de tristesse, au lieu de la calebasse africaine qui contient le lait à nourrir une famille, les soldats ont un casque en fer, les chevaux sont de fer donc les chars et autres véhicules de guerre. Ils sont réellement habillés par « les somnambules qui ont renié leur identité d’homme, caméléons sourds de la métamorphose, et leur honte vous fixe dans votre cage de solitude » Senghor rejette intégralement cet accoutrement qui est tout sauf humain.

  2. « Et ce n’est plus la noblesse des éléphants, c’est la lourdeur barbare des monstres des printemps du monde. Sous votre visage fermé, je ne vous ai pas reconnus. J’ai touché seulement la chaleur de votre main brune, je me suis nommé : Afrika ! Et j’ai retrouvé le rire perdu, j’ai salué la voix ancienne et le grondement des cascades du Congo. »

    Le poète est en face de ces enfants de l’Afrique sur leurs montures qui n’ont rien de la noblesse première des éléphants. Ces montures sont d’une barbarie qui existait avant toute autre chose, plus animales et sauvages que les animaux, d’où l’expression « prétemps du monde ». Ce visage fermé, cet accoutrement barbare est méconnaissable. Ce ne sera qu’au toucher, réalité sous-jacente, que le poète verra la vraie nature, celle-là qu’il peut et veut accepter et par conséquence re-connaître. Le visage fermé s’ouvre pour dévoiler le rire perdu qui rappelle le grondement innocent des cascades du Congo.

  3. « Frères, je ne sais si c’est vous qui avez bombardé les cathédrales, orgueil de l’Europe, si vous êtes la foudre dont la main de Dieu a brûlé Sodome et Gomorrhe. Non, vous êtes les messagers de sa merci, le souffle du Printemps après l’Hiver. A ceux qui avaient oublié le rire – ils ne se servaient plus que d’un sourire oblique, ils ne connaissaient plus que la saveur salée des larmes et l’irritante odeur du sang, vous apportez le printemps de la Paix et l’espoir au bout de l’attente. Et leur nuit se remplit d’une douceur de lait, les champs bleus du ciel se couvrent de fleurs, le silence chante suavement. Vous leur apportez le soleil. L’air palpite de murmures liquides et de pépiements cristallins et de battements soyeux d’ailes. Les cités aériennes sont tièdes de nids.»

    Ces frères qui viennent de faire leur entrée sont-ils ceux qui formaient cette ligne rectiligne bombardant l’orgueil des capitales ? Sont-ils la foudre dont la main de Dieu a brûlé Sodome et Gomorrhe ? Ce ne serait pas un mauvais rôle, mais Senghor se le refuse. Si les Nègres ont participé à cette catastrophe mondiale, c’est uniquement parce qu’ils y ont été forcés. Le poète veut remonter aux valeurs premières de la négritude, à cet esprit simpliste rejoignant celui de l’animiste qui voyait la joie vivre dans les choses simples, Dieu dans les choses environnantes.

    C’est justement cette joie de vivre, ce « manque d’évolution bénit » qu’apportent ses frères noirs : « A ceux qui avaient oublié le rire – ils ne se servaient plus que d’un sourire oblique, ils ne connaissaient plus que la saveur salée des larmes et l’irritante odeur du sang, vous apportez le printemps de la Paix et l’espoir au bout de l’attente ».

    Perdus dans un système si évolué que l’homme n’a plus de place ; perdus dans un monde qui cherche sa propre figure et a peine à le reconnaître, combien d’européens et d’américains ne viennent se réfugier en Afrique pour retrouver ce monde simple, cette joie de vivre et surtout la capacité de vivre avec des choses simples, sans compte en banque, sans facture d’électricité que poursuivent encore quelques africains ?

    Mais l’Afrique, loin de maîtriser son rôle comme elle semble incapable de maîtriser ses richesses veut la part de l’Autre, être comme l’Autre, prier et voir le monde comme l’Autre, changeant de Dieu à son nom sur la seule base que l’autre, sur la faute de ses oreilles entendait les noms différemment. Au lieu de corriger le tort, de s’arrêter pour mieux se rattraper, voilà que l’Afrique perdue le long du sentier continue de tourner en rond. C’est ainsi que le Sénégalais vous dira phonétiquement que son nom est « Diop », mauvaise transcription française de son nom, alors qu’il n’y a pas de Diop au Sénégal : dans ce pays il n’y a que des « Diôbe », pour suivre une transcription française juste.

    Si elle ose le faire, si l’Afrique ose s’arrêter, comme les tirailleurs osèrent utiliser leur gamelles comme tam-tams après les batailles ou le dimanche pour danser : « Qui donc dansera le dimanche aux sons du tam-tam des gamelles » peut-être réussira-t-elle sa progression, gardant à l’œil le fait qu’elle est « libre de la liberté du destin » et que seul « celui qui est noble peut faire les travaux de hontes ».

    Les noirs américains ont brisé quelque chose pour apposer une simplicité et apporter L’air palpitant « de murmures liquides et de pépiements cristallins et de battements soyeux d’ailes », rendant « les cités aériennes sont tièdes de nids ».

  4. « Par les rues de joie ruisselante, les garçons jouent avec leurs rêves, les hommes dansent devant leurs machines et se surprennent à chanter. Les paupières des écolières sont pétales de roses, les fruits mûrissent à la poitrine des vierges et les hanches des femmes – oh ! Douceur – généreusement s’alourdissent. Frères noirs, guerriers dont la bouche est fleur qui chante – Oh ! Délice de vivre après l’Hiver – je vous salue comme des messagers de paix.»

    Et voilà que l’Eden renaît le long des rues. Une vie nouvelle recommence sur terre parmi les garçons qui, au lieu des éclats de rire et la voix imitant celle des animaux le long des contes, entendaient tonner des canons de désastre. Les hommes dansent devant leurs machines et se surprennent à chanter, les écolières sont pétales de roses… Voilà tout un monde qui se réveille d’un long somme passé dans l’horreur des charniers, dans un monde défunt des canons et des machines pour embrasser la lumière de la joie de vivre.

HOSTIES NOIRES - POUR UN FFI BLESSE


POUR UN F.F.I NOIR BLESSE

  1. « Si noir le FFI dans le ciel bleu ! Si lourd son corps noir dans l’air libéré ! Si noir le FFI sur deux épaules
    blanches ! Si rouge son sang entre deux blancheurs ! Léger le FFI dans le ciel de cristal, léger son corps vidé de sang d’or et de pourpre ! Sur les deux épaules carrées, voyez ! si légère la flamme de son âme. Dors sur le duvet blanc de l’air, car les oiseaux ont réappris leurs chansons d’hier. Dors, car tu as donné le riche de ton cœur – Que la paix berce ton sommeil ! »

    Après chant de printemps, le nouvel ordre a fait quelques grands pas. L’attitude, l’honneur déplié pour le F.F.I noir contraste beaucoup avec les attitudes sous-jacentes décrites de l’éloge à « Emma Payelleville » et « Femmes de France ». Ce soldat noir est porté sur deux épaules blanches, deux épaules carrées sous un ciel cristal et c’est certainement ce spectacle qui le hissera au répertoire des poèmes, pas forcément l’acte héroïque : les soldats blancs ont commencé à développer une certaine humanité envers leurs compagnons de combat et à reconnaître leur mérite.


    * FFI : Forces Françaises de l'Intérieur

HOSTIES NOIRES - THIAROYE


THIAROYE

  1. « Prisonniers noirs je dis bien prisonniers français, est-ce donc vrai que la France n’est plus la France ? Est-ce donc vrai que l’ennemi lui a dérobé son visage ? Est-ce vrai que la haine des banquiers a acheté ses bras d’acier ? »

    Dans son amour profond, convaincu que le nombril commun qui unit désormais son Afrique et l’Europe, nommément le Sénégal et la France ne pourra jamais être opéré sans mettre en danger tous les deux frères siam, le poète désespérément cherche à pardonner, à comprendre en cherchant un masque venu se poser sur le visage réel de la France. Les prisonniers noirs sont des prisonniers français, sauf si la France n’est plus la France, sauf si un ennemi a pris le visage de la France pour se cacher derrière afin de mieux assouvir ses plans, comme le loup se mit dans la peau de l’agneau ou que des banquiers sans cœur aient acheté ses bras d’acier.

  2. « Et votre sang n’a-t-il pas ablué la nation oublieuse de sa mission d’hier ? Dites, votre sang ne s’est-il pas mêlé au sang lustral de ses martyrs ? Vos funérailles seront-elles celles de la Vierge-Espérance ? »

    La France a-t-elle oublié la mission des tirailleurs sénégalais ? Leur sang a aspergé son sol le purifier de la grippe nazi : « …Et le sang de mes frères noirs les Tirailleurs sénégalais dont chaque goutte répandue est une pointe de feu à mon flanc » ou encore : « Ils sont là étendus par les routes captives, le long des routes du désastre, les sveltes peupliers, les statues des dieux sombres drapés dans leurs longs manteaux d’or, les prisonniers sénégalais ténébreusement allongés sur la terre de France ».

  3. « Sang, sang ô Sang noir de mes frères, vous tachez l’innocence de mes draps. Vous êtes la sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix. Wôï ! Entendez ma voix aveugle, génies sourds-muets de la nuit. Pluie de sang rouge sauterelles ! Et mon cœur crie à l’azur et à la merci. »

    Les draps du poète jadis innocent, nid d’un sommeil étale et paisible, sont maintenant tâchés, compromis. Il baigne dans l’angoisse, la gorge enrouée par la souffrance. Morts, ayant transcendé, le poète appelle ses morts au secours face à l’immensité du désastre qui laisse du sang comme une couverture de sauterelles sur terre, et son cœur crie à l’azur, à la merci.

  4. « Non, vous n’êtes pas morts gratuits ô Morts ! Ce sang n’est pas de l’eau tépide. Il arrose épais notre espoir, qui fleurira au crépuscule. Il est notre soif notre faim d’honneur, ces grandes reines absolues. Non, vous n’êtes pas morts gratuits. Vous êtes les témoins de l’Afrique immortelle, vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain. Dormez ô Morts ! Et que ma voix vous berce, ma voix de courroux que berce l’espoir. »

    Que l’on ne se trompe pas : cette mort n’est pas gratuite, ce sang n’est pas un sang affadi comme l’arbre dégénéré qui ne peut plus donner de rejeton. Il est ruisseau de vie qui arrose l’espoir de l’Afrique qui tôt ou tard quittera l’état d’espoir pour devenir réalité, fleurissant au crépuscule.

    Si ce sang est versé, c’est que les tirailleurs et partant les africains ont faim et soif de l’honneur qui depuis des siècles est foulé aux pieds. Ces tirailleurs se sont révoltés pour s’affirmer hommes parmi les hommes, hommes à l’égal des hommes et devenir les témoins nous dirons mieux les prémices d’un monde nouveau, ce monde de l’Afrique des indépendances qui a toujours aspiré à la dignité enfouie.

    Le devoir accompli, qu’ils dorment en paix, nos morts, et que les bercent nos voix, notre voix en colère, notre voix que supporte, anime et maintient l’espoir de ce monde qui sera demain.

HOSTIES NOIRES - LETTRE A UN PRISONNIER


LETTRE A UN PRISONNIER

  1. « Ngom ! Champion de Tyâné ! C’est moi qui te salue, moi ton voisin de village et de cœur. Je te lance mon salut blanc comme le cri blanc de l’aurore par-dessus les barbelés de la haine et de la sottise, et je te nomme par ton nom et ton honneur. Mon salut à Tamsir Dargui Ndyâye, qui se nourrit de parchemins qui lui font la langue subtile et les doigts plus fins et plus longs ; à Samba Dyouma le poète, et sa voix est couleur de flamme, et son front porte les marques du destin, à Nyaoutt Mbodye, à Koli Ngom ton frère de nom, à tous ceux qui, à l’heure où les grands bras sont tristes comme des branches battues de soleil, le soir, se groupent frissonnants autour du plat de l’amitié. »

    Senghor écrit à Ngom, un tirailleur sénégalais fait prisonnier. Ce qui est spécial, c’est que dans cette diaspora de tirailleurs, Senghor a rencontré quelqu’un dont le village n’est pas loin de Djilor et qui, de surcroît, est un sérère comme lui.

    Après une longue absence de son pays, cette rencontre a une couverture particulière. Ngom a d’autres compagnons de prison avec lui, chacun ayant une particularité : Tamsir Dargui Ndiaye se nourrit de parchemins, Samba Dyouma est poète et Nyaoutt Mbodye et Koli Ngom, qui a le même nom de famille que le destinataire du message.

    Senghor transmet son salut à tous ceux se regroupent, frissonnants, tristes, solitaires autour du plat de l’amitié. C’est que les grands bras sont tristes, incapables de s’étendre jusqu’à eux.

  2. « Je t’écris dans la solitude de ma résidence surveillée – et chère – de ma peau noire. Heureux amis, qui ignorez les murs de glace et les appartements trop clairs qui stérilisent toute graine sur les masques d’ancêtres et les souvenirs mêmes de l’amour. »

    Le poète ne se sent pas plus libre que les prisonniers. Il est dans la solitude de sa résidence surveillée de sa peau noire. Il envie presque la prison de ses compagnons quand il la compare à sa propre situation : il est entouré de murs de glaces, dans un appartement trop clair qui empêche toute graine de devenir fertile, détruisant jusqu’à la vie secrète des masques, jusqu’au souvenir de l’amour qui ont besoin d’un coin sombre pour germer dans le secret, à l’abris d’un regard profane.

  3. « Vous ignorez le bon pain blanc et le lait et le sel, et les mets substantiels qui ne nourrissent pas, qui divisent les civils et la foule des boulevards, les somnambules qui ont renié leur identité d’homme, caméléons sourds de la métamorphoses, et leur honte vous fixe dans votre cage de solitude. Vous ignorez les restaurants et les piscines, et la noblesse au sang noir interdite, et la Science et l’Humanité, dressant leurs cordons de police aux frontières de la négritude. »

    Senghor a en aversion toutes particularité qui font cette « civilisation », cette couverture superficielle de la culture européenne qui raffine de petites choses tandis que de l’autre côté elle est d’une barbarie sans pareille, faisant des européens des soi-disant civilisés, des somnambules ayant renié leur identité d’homme, caméléons sourds de la métamorphose.

  4. « Faut-il crier plus fort ? Ou m’entendez-vous, dites ? Je ne reconnais plus les hommes blancs, mes frères comme ce soir au cinéma, perdus qu’ils étaient au-delà du vide fait autour de ma peau. »

    Parti au cinéma, ce mensonge virtuel dont on fait réalité, les voilà tous dispersés, faisant le vide autour de l’Africain pour suivre, comme lui dans sa jeunesse, un monde sans mémoire.

  5. « Je t’écris parce que mes livres sont blancs comme l’ennui, comme la misère et comme la mort. Faites-moi place autour du poêle, que je reprenne ma place encore tiède. Que nos mains se touchent en puisant dans le riz fumant de l’amitié, que les vieux mots sérères de bouche en bouche passent comme une pipe amicale. Que Dargui nous partage ses fruits succulents – foin de toute sécheresse parfumée ! Toi sers-nous tes bons mots, énormes comme le nombril de l’Afrique prodigieuse. »

    Le poète, dans l’ennui de cette civilisation a envie de reprendre la place qu’il vient juste de quitter – libéré de prison avant ses camarades ? Il veut, autour du plat commun, que les mains amies se touchent en puisant dans le riz, comme une pipe amicale, une pipe amérindienne pour sceller l’amitié, l’alliance.

  6. « Quel chanteur ce soir convoquera tous les Ancêtres autour de nous, autour de nous le troupeau pacifique des bêtes de la brousse ? Qui logera nos rêves sous les paupières des étoiles ? Ngom, réponds-moi par le courrier de la lune nouvelle. Au détour du chemin, j’irai au devant de tes mots nus qui hésitent. C’est l’oiselet au sortir de sa cage, tes mots si naïvement assemblés ; et les doctes en rient, et ils me restituent le surréel et le lait m’en rejaillit au visage. J’attends ta lettre à l’heure où le matin terrasse la mort. Je la recevrai pieusement comme l’ablution matinale, comme la rosée de l’aurore. »

    Mais il n’y a aucun chanteur, personne pour venir à la rescousse et sauvegarder leurs espoirs. Ici, comme souvent, Senghor embrasse déjà une idée qu’il développera profondément dans « Postface » sur le caractère de la comparaison, l’utilisation de l’image à travers la poésie de langue française et surtout la vision des surréalistes.

HOSTIES NOIRES - NDESSE


NDESSE

  1. « Mère, on m’écrit que tu blanchis comme la brousse à l’extrême hivernage, quand je devais être ta fête, la fête gymnique de tes moissons, ta saison belle avec sept fois neuf ans sans nuages et les greniers pleins à craquer de fin mil. Ton champion Kor-Sanou ! Tel le palmier de Katamague il domine tous ses rivaux de sa tête au mouvement de panache d’argent et les cheveux des femmes s’agitent sur leurs épaules, et les cœurs des vierges dans le tumulte de leur poitrine »

    Le poète reçoit une lettre, lui disant que sa mère est en train de vieillir, de pousser des cheveux blancs, de blanchir comme la brousse blanchit et devient fanée à la fin de l’hivernage. Les herbes deviennent jaunes. Cette danse des saisons, le changement du terroir entre septembre et les derniers jours d’octobre ont profondément marqué le poète. C’est ce dualisme de l’existence entre verdure et sécheresse, vie et mort. C’est qu’au quatorzième parallèle nord où se trouve sont Sénégal natal, la transition est aussi rapide que la tombée du crépuscule. Mais le plus important ici, c’est cette situation de la mère qui vieillit, et qui le pousse à faire le bilan en tant que fils.

    Mère tu vieillis [et je suis loin, pas à côté de toi] alors que je devais être ta fête, - lisez ta fierté -, la fête gymnique de tes saisons, ta saison belle avec sept fois neuf ans sans nuage et les greniers pleins à craquer de fin mil. Les points qui devraient faire le poids dans cette balance du bilan sont : La fierté de la mère : « Je devais être ta fête ». C’est le support de la joie de la mère, en la couvrant d’une attention particulière.

    La force de la mère : « La fête gymnique de tes moissons. Etant le support de la mère, il devait être assez fort et pouvoir, durant une seule saison, récolter assez pour que, même s’il ne pleut pas pendant quarante neuf ans, les greniers de la mère seraient pleins à craquer de fin mil pas de ce gros mil qu’il traite de nourriture de cheval.

    Le lutteur de la mère : Comme cette mère de Djirnda Lamine, Senghor devait être l’athlète, la fierté des stades, ce qui l’aurait fait vivre pleinement sa culture, sa liberté d’âme, comme ceux-là qui sont « libres de la liberté du destin » et l’aurait élevé au-dessus de tous ses camarades comme dépassait de son feuillage le géant rônier de Katamague et être la coqueluche des filles. Ici, en réalité, Senghor réellement surpassent bien de gens de sa classe d’âge, ses rivaux par « sa tête au mouvement de panache d’argent »

    Voilà la mesure selon les paramètres de laquelle Senghor fait son bilan, voilà les traits qui auraient fait de sa vie une vie pleine, une vie faite d’émotion, d’un surgissement perpétuel du pouls vital, contrairement à cette raison hellène qui a transformé son monde en un monde défunt des machines, cette Europe qui « enterre le levain des nations et l’espoir des races nouvelles » . Ici l’homme vit pleinement sa vie, sur la simple base de petites choses : le support, la fidélité, l’union humaine, la nourriture et les plaisirs de la vie, interprétés à travers les jeux gymniques accompagnés de ces chants qui vaincront « machines et canons »

    Pour comprendre « l’émotion nègre et la raison hellène », il faut toujours venir puiser dans ce sentiment profond qui habite le poète et qui le fait regretter, presque, d’avoir jamais mis les pieds à l’école, d’avoir fait cette rencontre et la conviction fatale de prendre conscience que ce monde atomique est fait d’interdépendances irrévocables et donc de métissage.

  2. « Voici que je suis devant toi Mère, soldat aux manches nues et je suis vêtu de mots étrangers, où tes yeux ne voient qu’un assemblage de bâtons et de haillons. »

    Initié à la raison hellène, ayant goûté à la pomme du jardin d’Europe comme Adam celle de l’Eden, le bilan se fait terriblement négatif : au lieu du jeune homme qui donne toute sa force pour soutenir sa mère dans ses derniers jours, au lieu d’être l’athlète des arènes où coule la simple joie de vivre, le voilà tout dépouillé, pauvre enfant prodigue. Et sa pauvreté, ici, est encore plus profonde. L’enfant évangélique avait des problèmes matériels, l’enfant sérère a un problème qui frise l’assimilation, car il a perdu jusqu’à la langue, le seul moyen qu’il avait pour se faire comprendre.

  3. « Si je te pouvais parler Mère ! Mais tu n’entendrais qu’un gazouillis précieux et tu n’entendrais pas comme lorsque, bonnes femmes de sérères, vous déridiez le dieu au troupeau de nuages, pétaradant des coups de fusil par-dessus le cliquetis des mots paragnessés. Mère, parle-moi. Ma langue glisse sur nos mots sonores et durs. Tu les sais faire doux et moelleux comme à ton fils chéri autrefois »

    Le souci primordial est étroitement lié à la langue, véhicule central de toute activité humaine. N’est-ce point elle qui fera la différence entre l’Homme et la Bête à la fin du combat ? La compréhension, la connaissance de l’autre passe les vocables porteurs de sa pensée et sans lesquels nous serions tous les uns les autres comme face à des murs que nous appellerions nos semblables. C’est justement à travers ce moteur linguistique que l’assimilation peut intervenir, d’où le souci du poète.

    A la manière des femmes sérères de son village, il y a toutefois une possibilité de l’assimiler, la comprendre, la maîtriser sans être broyé par elle, ce qui sera le combat profond de Léopold Sédar Senghor : maîtriser le français pour s’en servir comme un instrument pur et simple, sans être blessé par l’outil.

  4. « Ah ! Me pèse le fardeau pieux de mon mensonge. Je ne suis plus le fonctionnaire qui a autorité, le marabout aux disciples charmés. L’Europe m’a broyé comme le plat guerrier sous les pattes pachydermes des tanks. Mon cœur est plus meurtri que mon corps jadis, au retour des lointaines escapades aux bords enchantés des Esprits. »

    Quel est ce mensonge ? Pour ne pas accabler sa mère, Sédar ne lui a-t-il caché la réalité qu’il était devenu soldat, avec à chaque instant la possibilité de rencontrer la mort, plus certainement que lorsqu’il revenait de Fa’oye :

    « Or je revenais de Fa’oye, m’étant abreuvé à la tombe solennelle comme les lamantins s’abreuvent à la fontaine de Simal. Et c’était l’heure où l’on voit les Esprits,
    Quand la lumière est transparente et il fallait s’écarter des sentiers, pour éviter leur main fraternelle et mortelle »

    Il n’est plus le fonctionnaire qui a autorité, il n’est plus professeur aux élèves charmés. C’est un simple soldat de deuxième classe dans le quarantième régiment des tirailleurs sénégalais, un soldat broyé, aplati sous les chenilles des tanks. C’est un soldat fatigué, le corps meurtri comme jadis, lorsqu’il allait à la rencontre des Esprits. C’est certainement ces moments qui lui permirent de dire : « J’ai donc vécu en ce royaume, vu de mes yeux, de mes oreilles entendu les êtres fabuleux par-delà les choses : les Kouss dans les tamariniers, les crocodiles, gardiens des fontaines, les lamantins, qui chantaient dans la rivière, les Morts du village et les Ancêtres, qui me parlaient, m’initiant aux vérités alternées de la nuit et de midi ».

  5. « Je devais être, Mère, le palmier florissant de ta vieillesse, je te voudrais rendre l’ivresse de tes jeunes années. »

    Une mère qui vieillit, un fils qui devait être le support et qui est d’emblée soldat, face à la mort à tout instant. Quelle situation, que celle de cet enfant qui devait être le palmier florissant de sa mère, qui n’a qu’un souci, celui de rendre à sa mère les jours bels de sa jeunesse lointaine !

  6. « Je ne suis plus qu’un enfant qui se souvient de ton sein maternel et qui pleure. Reçois-moi dans la nuit qu’éclaire l’assurance de ton regard, redis-moi les vieux contes des veillées noires, que je me perde par les routes sans mémoire. Mère, je suis un soldat humilié qu’on nourrit de gros mil. Dis-moi donc l’orgueil de mes pères ! »

    Mais c’est lui qui a besoin de support. Loin d’être cette colonne majestueuse, cette large épaule portant la mère, c’est lui qui veut redevenir un enfant pour se blottir contre son sein et réécouter les contes des veillées de jadis. Nourri de gros mil, avili comme soldat, il veut remonter les routes du passé pour retrouver la fierté de sa lignée paternelle, la fierté énigmatique de Diogoye le Lion.

HOSTIES NOIRES - TAGA DE MBAYE DIOB


TAGA DE MBAYE DIOB
(Pour tama)

  1. « Mbaye Dyôb ! Je veux dire ton nom et ton honneur. Dyôb ! Je veux hisser ton nom au haut mât du retour, je veux chanter ton nom Dyôbène ! Toi qui m’appelais ton maître et me réchauffais de ta ferveur aux soirs d’hiver autour du poêle rouge qui donnait froid. »

    La carafe des hosties noires continue, incapable de se dévider malgré les gorgées ingurgitées par le poète pour atteindre le paroxysme de l’ivresse. Mais cette carafe, c’est aussi et surtout un terrain où les petites personnes sont les héroïnes à travers le fil des évènements. Des femmes de France à Emma Payelleville l’infirmière en passant par le volontaire libre, le champion de Thiané, voilà l’éloge de Mbaye Dyôb, dont le nom sera hissé au haut mât du retour, Mbaye, qui est tombé sur la terre de France. Les héros de cette guerre sortent de l’ordinaire pour y avoir débuté. Le poète chante un compagnon d’arme, un tirailleur du même régiment avec qui il se sentait proche. Celui-ci appelait « maître », ce professeur devenu soldat au jour de la mobilisation et le réchauffait de sa présence pendant les jours de froideur.

  2. « Dyôb ! Qui ne sais remonter ta généalogie et domestiquer le temps noir, dont les ancêtres ne sont pas rythmés par la voix du tama, toi qui n’as tué un lapin, qui t’es terré sous les bombes des grands vautours Dyôb ! – qui n’es ni capitaine ni aviateur ni cavalier pétaradant, pas seulement du train des équipages, mais soldat de deuxième classe au Quatrième Régiment des Tirailleurs sénégalais, Dyôb ! je veux chanter ton honneur. »

    Ce « Diop » va ressembler bizarrement à David Diop, un sénégalais qui ne sait remonter sa généalogie, qui ne connaît donc pas ses origines et qui ne connaît rien de l’histoire des noirs et qui, par-dessus tout, n’est pas un noble : ses ancêtres ne sont pas rythmés par la voix du tama. Dans cette guerre, ce n’est pas non plus le grand guerrier. Il n’a tué personne et s’est terré sous les bombes des grands vautours, certainement les avions bombardiers. Diop n’est ni capitaine, ni aviateur ni cavalier : il est simplement du simple train des équipages et soldat de deuxième classe au Quatrième Régiments des Tirailleurs Sénégalais.

  3. « Les vierges du Gandyol te feront un arc de triomphe de leurs bras courbes, de leurs bras d’argent et d’or rouge te feront une voie de gloire avec leurs pagnes rares des Rivières du Sud. Lors elles te feront un collier d’ivoire de leurs bouches qui parent plus que manteau royal, lors elles berceront ta marche, leurs voix se mêleront aux vagues de la mer, lors elles te chanteront : Tu as bravé plus que la mort, plus que les tanks et les avions qui sont rebelles aux sortilèges. Tu as bravé la faim, tu as bravé le froid et l’humiliation du captif. Oh ! Téméraire, tu as été le marchepied des griots des bouffons. Oh ! Toi qui ajoutas quels clous à ton calvaire pour ne pas déserter tes compagnons, pour ne pas rompre le pacte tacite, pour ne pas laisser ton fardeau aux camarades, dont les dos ploient à tout départ, dont les bras s’alanguissent chaque soir où l’on serre une main de moins et le front plus noir d’être éclairé par un regard de moins, les yeux s’enfoncent quand s’y reflète un sourire de moins. Dyôb ! – du Gâbou au Walo, du Ngalam à la Mer s’élèveront les chants des vierges d’ambre et que les accompagnent les cordes des kôras ! Et que les accompagnent les vagues et les vents ! Dyôb ! – je dis ton nom et ton honneur »

    Ce n’est pas le héro de guerre attendu. Si le poète hisse son nom sur le mât du retour, c’est, c’est surtout à cause d’un trait que Senghor mettra toujours au-dessus de tous les autres : la fidélité. Et le secret des mérites du tirailleur mort sous les bombes des avions, Sédar nous le livre à travers les bouches des filles du royaume d’enfance de la victime : « Tu as bravé plus que la mort, plus que les tanks et les avions qui sont rebelles aux sortilèges. Tu as bravé la faim, tu as bravé le froid et l’humiliation du captif. Oh ! Téméraire, tu as été le marchepied des griots des bouffons. Oh ! Toi qui ajoutas quels clous à ton calvaire pour ne pas déserter tes compagnons, pour ne pas rompre le pacte tacite, pour ne pas laisser ton fardeau aux camarades, dont les dos ploient à tout départ, dont les bras s’alanguissent chaque soir où l’on serre une main de moins et le front plus noir d’être éclairé par un regard de moins, les yeux s’enfoncent quand s’y reflète un sourire de moins »

HOSTIES NOIRES - FEMMES DE FRANCE


FEMMES DE FRANCE

A Mademoiselle Jacqueline Cahour

    « Femmes de France, et vous filles de France, laissez-moi vous chanter ! Que pour vous soient les notes claires du sorong. Acceptez-les bien que le rythme en soit barbare, les accords dissonants, comme le lait et le pain du paysan, purs dans ses mains si gauches et calleuses ! »

    Pendant la guerre, certains peuples avaient demandé aux femmes d’adresser des lettres aux soldats pour les soutenir de mots le long des combats, les Etats-Unis allant jusqu’à engager carrément des femmes pour divertir les soldats par des danses et des chansons pendant les nuits sans attaques.

    Senghor chante les femmes de France, qui furent un soutien inégalable pour les tirailleurs sénégalais, ces héros venus combattre et que certains regardaient comme des demi-hommes.

    Dans sa chanson, il va aborder encore sa modestie : « Acceptez-les bien que le rythme en soit barbare, les accords dissonants, comme le lait et le pain du paysan, purs dans ses mains si gauches et calleuses ! », et cela rejoint cet autre vers : « Moi qui dit toujours aussi mal qu’un lointain écolier de brousse : Bonjour Mademoiselle… Comment allez-vous ?» Ou encore : « Depuis longtemps civilisé, je n’ai pas encore apaisé le Dieu blanc du Sommeil. Je parle bien sa langue, mais si barbare mon accent »

    Il compare cette « barbarie » et la « dissonance » de son sorong au lait et au pain pur sortant des mains calleuses d’un paysan.

    On peut bien, à travers les peuples et cela depuis l’urbanisation, se moquer des paysans dans leur maladresse et la callosité de leurs mains, mais on acceptera universellement la pureté de leur produit. C’est cette vérité juste et bien fondée que Sédar va prendre pour faire accepter, sur la base d’une réflexion, les notes de son sorong qui peuvent paraître barbares et dissonantes.

    Le sorong, instrument africain dans cette Europe déchirée par la tentative aryenne, est présenté avec une prise de conscience terriblement soucieuse, mais avec une défense qui continuera dans « Lettre à un prisonnier » : « Ngom ! réponds-moi par le courrier de la lune nouvelle. Au détour du chemin, j’irai au devant de tes mots nus qui hésitent. C’est l’oiselet au sortir de sa cage, tes mots si naïvement assemblés ; et les doctes en rient, et ils me restituent le surréel et le lait m’en rejaillit au visage » avant la grande défense qui s’étalera à travers « Postface ».



  1. « O vous, beaux arbres droits debout sous la canonnade et les bombes, seuls bras aux jours d’accablement, aux jours de désespoir panique, vous fières tours et fiers clochers sous l’arrogance du soleil de Juin, vous clair écho au cri du Coq Gaulois ! »

    Senghor compare la bravoure de ces dames à l’entêtement d’arbres debout impassiblement sous les canons et les bombes qui éclatent. Elles n’ont certainement pas obéi à certains ordres ou bien n’ont pas eu égards à certaines rumeurs, suivant leur cœur maternel et de sœur, leur cœur humain. Dans ce chaud soleil de juin, comme des clochers, les voilà qui gardent leur dignité humaine, leur sensibilité, leur émotion, par-delà la « raison » qui dressent ses canons et ses jalons à coups de règles rapides, fidèle à l’emblème de la France qui veut l’égalité et la fraternité.

  2. « Vos lettres ont bercé leurs nuits de prisonnier de mots diaphanes et soyeux comme des ailes, de mots doux comme un sein de femme, chantants comme un ruisseau d’avril. »

    Et voilà la vraie raison de l’éloge : les courriers des femmes de France destinés au prisonniers pour leur soutenir le moral, leur donner encore des rêves sans lesquels il est difficile à l’humain de se redresser pour faire face à l’avenir.

  3. « Petites bourgeoises et paysannes, pour eux seuls vous ne fûtes pas avares, pour eux vous osâtes braver l’affront de l’Hyène, l’affront plus mortel que des balles. »

    Là où les camarades, les hommes d’état et les hommes d’église se rebiffent, voilà ces femmes, toutes classes confondues, qui maintiennent le combat, gardant la noblesse première de l’être humain. Le poète ne dira-t-il pas au général de Gaulle : « Nous avons cherché un appui, qui croulait comme le sable des dunes, des chefs, et ils étaient absents, des compagnons, ils ne nous reconnaissaient plus, et nous ne reconnaissions plus la France. Dans la nuit nous avons crié notre détresse. Pas une voix n’a répondu. Les princes de l’Eglise se sont tus, les hommes d’Etat ont clamé la magnanimité des hyènes : il s’agit bien du nègre ! Il s’agit bien de l’homme ! Non ! Quand il s’agit de l’Europe. »

    Pendant la débandade de l’armée française, la situation des tirailleurs était certainement parmi les plus dramatiques, dans une France occupée par les nazis avec des nègres venus combattre et qui n’avaient plus de chef. Mais le rôle des femmes durant cette période a certainement été des plus nobles.

    Elles ont osé braver l’Hyène, qui n’est autre qu’Hitler avec son régime et sa vision aryenne du monde. Ce n’était plus le nègre. Le nègre n’était pas un homme, du moins tant qu’il s’agissait de la mesure de l’Europe. Et cet affront, c’est certainement au risque de leur vie qu’elles osèrent s’y aventurer.

  4. « Et leurs fronts durs pour vous seules s’ouvraient, et leurs mots simples pour vous seules étaient clairs comme leurs yeux noirs et la transparence de l’eau. Seules vous entendiez ce battement de cœur semblable à un tam-tam lointain, et il faut coller son oreille à terre et descendre de son cheval. Pour eux vous fûtes mères, pour eux vous fûtes sœurs. Femmes de France et fleurs de France, soyez bénies ! »

    Emma Payelleville est certes une de ces femmes de France. Les mêmes images sont reprises en d’autres termes, mais avec toujours la même nuance, la même intensité de cette communion où les races se croisent pour se fondre en une humanité profonde.  

    Comparons les versets issus des deux poèmes. Dans ceux du poème en cours nous lisons : « Et leurs fronts durs pour vous seules s’ouvraient, et leurs mots simples pour vous seules étaient clairs comme leurs yeux noirs et la transparence de l’eau ». Dans le poème dédié à Emma Payelleville l’infirmière, Sédar nous murmure : « …sous ton visage au carrefour des cœurs noirs gardé jalousement par les ténèbres fidèles de leur mémoire noire », qui marquent la reconnaissance éternelle de ces cœurs noirs envers les œuvres humainement héroïques de ces femmes qui « seules entendiez ce battement de cœur semblable à un tam-tam lointain », comme Emma, la si faible et frêle fille rompit les remparts décrétés entre elle et les prisonniers noirs. Cette fille ignorante de la technique des bureaux, sans livre sans dictionnaire sans interprète aigu sut de ses yeux d’humanité percer l’épaisseur des remparts et le mystère lourd des corps noirs.

   

UN RAPIDE EXEMPLE POUR LE DICtiONNAIRE

Njamala Njogoy