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mercredi 3 octobre 2018

HOSTIES NOIRES - TAGA DE MBAYE DIOB


TAGA DE MBAYE DIOB
(Pour tama)

  1. « Mbaye Dyôb ! Je veux dire ton nom et ton honneur. Dyôb ! Je veux hisser ton nom au haut mât du retour, je veux chanter ton nom Dyôbène ! Toi qui m’appelais ton maître et me réchauffais de ta ferveur aux soirs d’hiver autour du poêle rouge qui donnait froid. »

    La carafe des hosties noires continue, incapable de se dévider malgré les gorgées ingurgitées par le poète pour atteindre le paroxysme de l’ivresse. Mais cette carafe, c’est aussi et surtout un terrain où les petites personnes sont les héroïnes à travers le fil des évènements. Des femmes de France à Emma Payelleville l’infirmière en passant par le volontaire libre, le champion de Thiané, voilà l’éloge de Mbaye Dyôb, dont le nom sera hissé au haut mât du retour, Mbaye, qui est tombé sur la terre de France. Les héros de cette guerre sortent de l’ordinaire pour y avoir débuté. Le poète chante un compagnon d’arme, un tirailleur du même régiment avec qui il se sentait proche. Celui-ci appelait « maître », ce professeur devenu soldat au jour de la mobilisation et le réchauffait de sa présence pendant les jours de froideur.

  2. « Dyôb ! Qui ne sais remonter ta généalogie et domestiquer le temps noir, dont les ancêtres ne sont pas rythmés par la voix du tama, toi qui n’as tué un lapin, qui t’es terré sous les bombes des grands vautours Dyôb ! – qui n’es ni capitaine ni aviateur ni cavalier pétaradant, pas seulement du train des équipages, mais soldat de deuxième classe au Quatrième Régiment des Tirailleurs sénégalais, Dyôb ! je veux chanter ton honneur. »

    Ce « Diop » va ressembler bizarrement à David Diop, un sénégalais qui ne sait remonter sa généalogie, qui ne connaît donc pas ses origines et qui ne connaît rien de l’histoire des noirs et qui, par-dessus tout, n’est pas un noble : ses ancêtres ne sont pas rythmés par la voix du tama. Dans cette guerre, ce n’est pas non plus le grand guerrier. Il n’a tué personne et s’est terré sous les bombes des grands vautours, certainement les avions bombardiers. Diop n’est ni capitaine, ni aviateur ni cavalier : il est simplement du simple train des équipages et soldat de deuxième classe au Quatrième Régiments des Tirailleurs Sénégalais.

  3. « Les vierges du Gandyol te feront un arc de triomphe de leurs bras courbes, de leurs bras d’argent et d’or rouge te feront une voie de gloire avec leurs pagnes rares des Rivières du Sud. Lors elles te feront un collier d’ivoire de leurs bouches qui parent plus que manteau royal, lors elles berceront ta marche, leurs voix se mêleront aux vagues de la mer, lors elles te chanteront : Tu as bravé plus que la mort, plus que les tanks et les avions qui sont rebelles aux sortilèges. Tu as bravé la faim, tu as bravé le froid et l’humiliation du captif. Oh ! Téméraire, tu as été le marchepied des griots des bouffons. Oh ! Toi qui ajoutas quels clous à ton calvaire pour ne pas déserter tes compagnons, pour ne pas rompre le pacte tacite, pour ne pas laisser ton fardeau aux camarades, dont les dos ploient à tout départ, dont les bras s’alanguissent chaque soir où l’on serre une main de moins et le front plus noir d’être éclairé par un regard de moins, les yeux s’enfoncent quand s’y reflète un sourire de moins. Dyôb ! – du Gâbou au Walo, du Ngalam à la Mer s’élèveront les chants des vierges d’ambre et que les accompagnent les cordes des kôras ! Et que les accompagnent les vagues et les vents ! Dyôb ! – je dis ton nom et ton honneur »

    Ce n’est pas le héro de guerre attendu. Si le poète hisse son nom sur le mât du retour, c’est, c’est surtout à cause d’un trait que Senghor mettra toujours au-dessus de tous les autres : la fidélité. Et le secret des mérites du tirailleur mort sous les bombes des avions, Sédar nous le livre à travers les bouches des filles du royaume d’enfance de la victime : « Tu as bravé plus que la mort, plus que les tanks et les avions qui sont rebelles aux sortilèges. Tu as bravé la faim, tu as bravé le froid et l’humiliation du captif. Oh ! Téméraire, tu as été le marchepied des griots des bouffons. Oh ! Toi qui ajoutas quels clous à ton calvaire pour ne pas déserter tes compagnons, pour ne pas rompre le pacte tacite, pour ne pas laisser ton fardeau aux camarades, dont les dos ploient à tout départ, dont les bras s’alanguissent chaque soir où l’on serre une main de moins et le front plus noir d’être éclairé par un regard de moins, les yeux s’enfoncent quand s’y reflète un sourire de moins »

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