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lundi 1 octobre 2018

CHANTS D'OMBRE - JOAL


JOAL

Joal, un des poèmes les plus plus connu de Léopold Sédar Senghor. Avec Femme noire et Nuit de Sine il ouvre et ferme le bal. Mais a-t-on idée que c'est la base d'assimiler sans être assimilé, de l'enracinement et ouverture ? Ici il y a la description de son Joal. Peintre muni du pinceau de ses souvenirs d'enfance, il remonte les larges étendues des tanns, les cours et les rues : les signares sont belles sous l'ombre des vérandas; les fastes du Couchant certainement côtoyés lors que le jeune paissait le troupeau en compagnons d'autres, surtout ses camarades parés des fleurs de la brousse, les festins funèbres pendant lesquels on égorgeait tant de boeufs, funérailles accompagnées par la rhapsodie des griots; funérailles durnt lesquels les hommes boivent la gueule pleine comme pour défier la mort; ivresse qui conduira à des batailles sporadiques. A un cerrtain moment donné, - il faut compter avec le catholicisme implanté - des choeurs vont se levaient en égrenant un Tantum ergo. C'est ce point qui est le noyau du poème comme nous le verrons tout à leur à travers la traduction de ce cantique : enracinement et ouverture !

  1. « Joal ! Joal je me rappelle. Je me rappelle les signares à l’ombre verte des vérandas, les signares aux yeux surréels comme un clair de lune sur la grève. »

    En lisant Joal, nous sommes surpris de noter - remarque superficielle ? - que le premier souvenir se porte sur les signares. Nous ne devrions certainement pas nous agripper à des choses infimes et il se peut bien que Senghor les ait prises en compte dès le début pour s’en débarrasser le plus rapidement possible. Mais de l’autre côté cela peut avoir beaucoup d'importance et par conséquent ne produire aucune surprise si l'on prend en compte le cœur de l’enfant, déjà poète et donc ouvert à la beauté de l’univers. Dans un tel il est facilement compréhensible qu'il reste marqué par ces beautés qui étaient choisies pour bercer le séjour des Colons Blancs, bercé, disons-nous par ces femmes source du métissage qu'il prônera plus tard. Quelle que soit la réalité, les voilà, beautés paressant paresseuseement à l’ombre des vérandas aux ombres vertes, vertes parce que Senghor juxtapose la couleur des feuillages qui les surplombent.

  2. « Je me rappelle les fastes du Couchant où Coumba Ndoffène voulait faire tailler son manteau royal. Je me rappelle les festins funèbres fumant du sang des troupeaux ; Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots »

    Disons en passant que le roi du Sine, Coumba Ndoffène Fa Maak Diouf, Fa Maak veut dire Sénior, fut assassiné à Joal par les Français en août 1871. alors qu'il était venu exercer son autorité sur la gestion de cette cité.

    Les festins funèbres : c’est un événement très important en pays sérère, surtout lors du décès d’une personne très âgée. Ce sont des festins qui pouvaient durer une semaine dans l’ancien temps. Des dizaines, voire des vingtaines de bœufs peuvent être tués, dépendant du nombre de fils et petits et bien sûr de la postérité de la famille. Il faut se souvenir que chez les Sérères, les devoirs et responsabilités dans de tels évènements sont partagés entre deux familles : la lignée paternelle et la lignée maternelle.

    Lors de ces fêtes, il n’est pas rare qu’il y ait des batailles qui peuvent provenir de plusieurs sources : ivresse, désaccord entre les membres de la même famille (paternelle ou maternelle), entre les deux branches ou bien à cause d’un « étranger », quelqu’un n’ayant pas de responsabilité, et par conséquence pas concerné par les évènements et qui veut gâcher leur bon déroulement. Cela peut provenir aussi d’un échauffement à cause de la rhapsodie des griots. Lorsque les cantatrices atteignent certaines fibres, la personne peut tomber en transe. Il faudra alors la faire sortir du cercle, ce qui n’est pas toujours facile. Il peut résister, ou bien une personne plus proche d’elle en termes de parenté peut dire qu’on l’a bousculée sans respect. Innombrables sont les raisons qui mènent aux querelles dont parle le poète.

  3. « Je me rappelle les voix païennes rythmant le Tantum Ergo et les processions et les palmes et les arcs de triomphe. »

    Au Sénégal, Joal-Fadiouth se compte parmi les premiers endroits convertis au christianisme. Et il n’est pas surprenant de voir un Senghor qui parle d’assimilation sans être assimilé, du métissage des cultures. En réalité, à cause de sa conception du monde, le Sérère a une capacité réceptrice sans limite. Cette vision du monde fait, par exemple, qu’il ne peut pas être surpris quand on lui dit que « le Christ est né du Saint Esprit, d’une vierge ». Cette capacité réceptrice, cette capacité d’assimilation et l’étendue de sa conception font qu’il perdra rarement ses croyances fondamentales. Les autres viennent s’y ajouter sans les noyer.

    Voilà donc des voix païennes, qui certainement vont faire le tour traditionnel de la tombe lors des évènements funéraires, qui s’adonnent au « Tantum Ergo », une chanson chrétienne qui exhorte les choses anciennes à faire place aux nouvelles. On ne dit pas remplacent, la différence est importante. Assimiler sans être assimilé ? C'est le métissage, qui ne veut pas dire la noyade de l’une au détriment de l’autre ! Nous vous donnons ici l’hymne eucharistique Tantum Ergo et sa version française :

    Tantum ergo sacramentum
    Veneremur cernui :
    Et antiquum documentum
    Novo cedat ritui :
    Praestet fides supplementum
    Sensuum defectui.
    Genitori, genitoque
    Laus et jubilatio, Salus, honor,
    virtus quoque
    Sir et benedicto ;
    Procedenti abutroque
    Compar sit laudatio
    Amen
    Un si grand sacrement
    Adorons-le prosternés
    Que les vieilles cérémonies
    Fassent place au nouveau rite
    Que la foi de nos cœurs supplée
    Aux faiblesses de nos sens.
    Au Père et à son Fils unique,
    Louange et vibrant triomphe !
    Gloire, honneur et toute puissance !
    Bénissons-les à jamais !
    A l’Esprit procédant des deux
    Egale adoration.
    Amen

  4. « Je me rappelle la danse des filles nubiles, les chants de lutte – oh ! la danse finale des jeunes hommes, buste penché élancé, et le pur cri d’amour des femmes – Kor Siga ! »

    Kor Siga ! Kor Sanou ! Cri d’éloge pour l’athlète, le héros. « Kor » veut dire « mari », et est suivi du nom de la sœur. En réalité c’est un choix judicieux et rarement la sœur dans la conception européenne est prise : il s’agit toujours d’une cousine, la fille du frère de son père ou bien, dans le cas des familles polygames, le nom de la demi-sœur. S’il y a plusieurs sœurs, c’est le nom de l’aînée qui est pris en compte. Cela ne veut pas dire qu’il y ait de l’inceste. C’est qu’il y a une structure sérère qui va au-delà d’une certaine conception et c’est dommage que nous, intellectuels africains, ne maîtrisions pas toujours ce patrimoine. C’est à cause de cela que nous embrassons toutes les tendances qui nous viennent d’outre-mer.

    Prenons par exemple la tendance féministe : comment expliqueront certaines de ces adeptes l’appellation « faap-o-tew », qui, littéralement, veut dire « père-qui-est-femme » ou simplement « père-femme » ? Si nous avons expliqué qu’il n’y a pas idée d’inceste, c’est uniquement parce que nous savons certaines explications qui ont été faites à tort sur le Kor-Sanou de Senghor, pensant que quelque part en Afrique se cachait une maîtresse, comme dans le cas d’Isabelle et de Soukeyna dans « Que m’accompagnent koras et balafon »

  5. « Je me rappelle, je me rappelle… Ma tête rythmant quelle marche lasse le long des jours d’Europe où parfois apparaît un jazz orphelin qui sanglote, sanglote, sanglote »

    Tant de souvenirs d’enfance, tant de souvenirs du royaume d’enfance, où viennent se greffer ceux du cursus en Europe. Une longue marche avec le mirage des charniers, des orphelins, des massacres. Le poète a traversé l’Europe de bout en bout. Le long de cette route, il a rencontré l’Esprit, la Raison, justement cette raison hellène. Il a connu le goût de la liberté et de la fraternité sur les pages régissant la République. Il a subi la guerre, la prison, la famine, le froid et la solitude, autant de partitions que se relaie un orchestre étrangement triste.


    COMPRENDRE L'OMBRE VERTE DES VERANDAS

    Dans les poèmes de Senghor il y parfois un point qu'il faut aller chercher en s'appuyant forcément sur la culture sérère et, par conséquent, la culture négro-africaine. Il en a donné un exemple et nous nous étendrons plus amplement sur ce point le moment venu. Ce que nous voulons expliquer ici, c'est un petit exercice d'ensembles et d'intersections concernant son Ombre verte des vérandas à travers un diagramme.

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