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lundi 22 octobre 2018

DOUDAM - L'AGONIE D'UN ECOSYSTEME

Au Professeur Markku Simula, membre de l'Académie d'Agriculture de France

Debout sur le seuil, je regarde à l'Ouest : des rôniers épars jouent avec la vue, l'hozizon à reculé de plus de dix

kilomètres. Mon regard cherche des types d'arbres comme jadis, tout enfant, en jouant à cache-cache, je cherchais mes camarades jusque sous les greniers sur pilotis. Je n'en trouve aucun : ils ont tous disparu. Comme le tapis de bambous dont les tiges servaient à faire des ustensiles comme de belles pipes et des fourreaux pour garder le tabac. Il paraît que pour en voir quelques uns maintenant il faut aller jusqu'au terroir de mes cousins-de-lait, les Diolas qui se bercent au hamac du fleuve Casamance, au-delà de la Gambie. En vieillard de mille ans je parle d'arbres que ne connaissent mes enfants. Ils n'ont pas idée non plus des courants forts de Dindié, cette partie de bras de mer où nous n'osions pas aller nous baigner à cause de sa violence, nous contentant de rester sur ses rives pour la pêche à la ligne. Des nuages noirs plus que ma peau s'assemblaient, rideau de charbon contre la ligne lugubre de l'horizon. Mais de l'Ouest il n'y a jamais eu pluie se déversant sur le territoire de mon vivant. Pas encore.

Alors je me réfugie vers le Sud. C'est delà que jadis venait la pluie, rideau blanc d'eau se froissant avec un bruit de

déchirure de tissu neuf, sabots d'un milliard d'étalons fous contre les feuillages inondés que transformaient en gamelles-tam-tams de gosses mille perles liquides. L'idée de la violence de ces pluies s'incarnera plus si votre esprit peut s'accouder sur les films Western, comme Dance avec les loups de Kevin Costner, lorsqu'en pleine nuit les bufles se déchaînent à travers les steppes. Maintenant ce Sud n'a plus que des longues caravanes de nuages sodomites et, partant, stériles, tableaux célestes au ballet de couleurs ne pouvant plus produire une seule goutte fertile. C'est pareil à une longue caravane de chameaux au coeur du désert qui elle-même cherche quelque oasis dans l'aridité du désespoir O Ngoo Fayiil ! Il n'y a plus ces cataractes dignes des temps de Noé, lorsque les écluses du ciel et de la terre s'ouvrirent ! Et des carpes sautaient dans les champs d'arachides et de mil; les vaches s'embourbaient, les bergers frisaient l'hypodermie et la foudre qui tonnait la fureur de Dieu au-dessus de la terre déjà enceinte de mille ruisseaux.

Ah ! C'est vrai qu'il y a encore l'espoir : il nous reste deux points cardinaux à explorer : Le premier c'est l'Est : Là-bas il y a Parare-la-voisine, de l'autre côté du marigot qui parfois charriait crocos ou caïmans durant la saison des pluies. Jadis ce

village était invisible à cause de la densité des arbres. Dans le marigot qui le sépare de Doudam, il y avait des carpes plus grosses que la paume de la main, des poissons-chats et bien d'autres encore tandis que dans les buissons touffus campaient les hyènes et les chacals qui le soir, comme des percepteurs d'impôts, descendaient vers les villages réclamer leur part du bétail. Aujourd'hui ma vue ne s'arrête sur aucune barricade de verdure, aucune haie d'arbres dont la tête portait fièrement l'honneur du royaume d'enfance jusqu'aux hauteurs du zéphyr et de la brise montant de la mer vers le crépuscule : j'aperçois un cheval qui galope de l'autre côté de ce village voisin; une femme qui porte une baignoire sur la tête et qui marche nonchalamment; une calèche qui vient certainement de Diouroup-la-goudronnière.

Je n'osais penser au point cardinal qui reste : comme un avertissement la pluie vient beaucoup plus souvent de ce Nord-

synonyme-de-désert, de Sahara. L'évaporation des étangs du Grand Nord ? Et les pluies se font sporadiques et vénériennes. Pourtant mon peuple qui crie au désert, mon peuple qui prie pour la pluie se met en brassards rouges dès qu'une seule goutte de pluie tombe. Inondation ! inondation ! Et des cartes d'électeurs s'agitent contre les gouvernants gouvernés par les voix électorales comme la lame de la guillotine au-dessus de la tête de Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine ce 16 octobre 1793 sur la Place de la Révolution à Paris.

Nous avons étendu nos villes jusque dans les marées où j'entendais jadis chanter les crapeaux du crépuscule vieillissant aux premières lueurs du jour et, pour moderniser disons-nous, voilà que nous posons des dalles le long de nos rues qui ne connaissent pas de canalisation. Oui, c'est bien de daller toutes les rues pour diminuer la poussière, réduire les poudres de pollutions dans nos poumons déjà pleins de la suie des pots d'échappemenent encrassés au diésel. Mais par où passeront les maigres gouttes d'eau que nous donne un ciel devenu si avare au-dessus de nos terres, cette pluie dont la tombée commence à s'assimiler à la probabilité d'un gain de loterie ?

A Doudam-la-palmeraie nous cultivateurs avons gagné plus de ving mètres sur le marigot qui jadis, lorsqu'enceinte des milles foetus de gouttes d'eau jumelles, bombaient son ventre d'eau jusque dans les champs. à Mbour-la-côtière où jadis j'arpentais à moto les dunes des plages d'emblée disparues, des rochers sèchent à perte de vue leur dos noir comme l'épave ivre d'une baleine échouée parmi des corails. Des hôtels ont baissé rideaux et fenêtres, fermé les portes comme si des hôtes surréels, trop bercés par un trop plein d'oxygène s'étaient tous adonnés à un sommeil de bien-être.

Oh ! Ce n'est pas fini, Professeur : Il y a aussi Guet-Ndar. Là-bas les canons liquides de l'Atlantique démontent les mètres de

plage, bombardent le rivage, avec fureur mais patiemment armée d'une volonté d'acier comme si, prenant comme référence les alentours de Suomenlinna au temps des guerres de Crimée ou Gorée lorsque s'affrontèrent Français-Hollandais-anglais, l'Atlantique voulait nous reproduire en 3D lces batailles des prétemps du monde, lorsque les conquérents d'emblée futiles à ses yeux, commencèrent à planter les pieds sur des littorals indomptés. C'était bien jadis : L'Atlantique, cette vaste étendue mystérieuse drapée d'un bouclier plus fulgurant que celui des légions romaines, frappe belliqueusement à la porte de mes rivages, forte force accoudée à sa nature d'un des trois éléments qui gouvernent le cosmos en appliquant leurs règles, équerres et compas impassibles à la file indienne des minutes qui se succèdent. Nous sommes d'emblée entre l'eau du Ciel qui ne veut pas tomber et l'eau de la Terre qui veut nous engloutir, toute salée et puissante.

La séchresse et les inondations ridicules emportent nos gouvernements rivées à la danse aléatoire du climat qui semble être sorti d'un bar aux dernières lueurs du jour. Et je titube le long des rues de la Cité Développement, balloté à gauche et à droite sur des pieds pas fermes et m'appuyant sur une vue embuée. J'ai la vision courte, car tellement de grains de sable soulevés du désert se sont mariés à mes pluies prophético-prophétesses.

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