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samedi 29 septembre 2018

PRESENTATION IV - NOCTURNES

Vouloir coûte que coûte éjecter Léopold Sédar Senghor de son Royaume d'enfance et, partant de son africanité c'est lui faire un très grand tord. Et sur quelle base le faisons-nous ? L'avons-nous lu et compris ? Pourquoi le rejeter vers Grecs et Latins ? Nous pensons que le faire reviendrait à rejeter le menuisier parmi les pins, les sapins et les cèedres de la fôret. Encore une fois, ce n'est pas parce que le menuisier cherche à rafiner les meubles qu'il devient meuble ou bois.

Si nous l'avons lu, nous ne l'avons pas compris. Mais j'ose espérer que la réalité est que nous l'avons pas compris, ce qui est moindre mal et, partant plus pardonnable car le contraire rimerait à la calomnie, fruit de stupidité. La poésie de Senghor trouve ses racines profondes dans la séréritude et il s'en est lui-même exprimé : « ... La vérité est que j’ai surtout lu, plus exactement écouté, transcrit et commenté des poèmes négro-africains. Et les Antillais, qui les ignoraient – Césaire n’était pas de ceux-là – les trouvaient naturellement en descendant en eux-mêmes, en se laissant emporter par le torrent, à mille mètres sous terre. Si l’on veut nous trouver des maîtres, il serait plus sage de les chercher du côté de l’Afrique. Comme les lamantins vont boire à la source de Simal ».

C'est dans cette même lancée que nous côtoierons les Nocturnes, pour les latins une nocturne étant : étymologiquement, une « musique pour la nuit », une forme musicale classique, reposant sur un mouvement lent, une expression pathétique, divers ornements mélodiques et une partie centrale accélérée. C'est l'une des expressions typiques du romantisme musical.. L'on pourrait penser que Senghor est parti puiser dans un puits latin, ce qui serait tout à fait faux. Sa démarche suit la culture sérère, nocturene étant l'équivalent l'équivalent de Mbe en sérère ou, explicitement, A kim mbe qui est composé de plusieurs types à cause des évènements concernés, d'où la répartition de cette collection :

  1. CHANTS POUR SIGNARE - KIRIN

    Cette première partie correspond au premier type de mbe, la nocturne sérère et se nomme kirin : Durant les veillées, au clair de lune, des jeunes se regroupent autour d'un riiti ou violon, d'une guitare, de tam-tams ou juste au son des gamelles pour passer le temps. C'était aussi une occasion pour un jeune d'organiser une soirée chez une jeune fille, occasion de passer le temps ensemble. C'est de ces soirées qu'il se souvient Ngasobil : « De tes rires de tes jeux de tes chansons, de tes fables qu’effeuille ma mémoire, je ne garde que le curé noir dansant et sautant comme le Psalmiste devant l’Arche de Dieu comme l’Ancêtre à la tête bien jointe au rythme de nos mains : « Ndyaga-bâss ! Ndyaga-rîti ! ».

  2. CHANTS POUR L'INITIE - A KIM MBE

    A partir d'ici, les chansons de tous les sous-types de nocturnes à venir ont pratiquement le même contenu. Seuls les évènements diffèrent. Ici il s'agit de circoncision car qui dit Initié dit Circoncis. C'est une soirée de clôture de l'initiation des Circoncis : les initiés sont entourés par des hommes qui vont chanter jusqu'à l'aube. Aux premières lueurs du jour, les circoncis, après un bain, regagnent la maison dont ils s'étaient isolés pendant une période qui, dans le temps, pouvait aller jusqu'à un mois.

    Cette même cérémonie est organisée pour les nouvelles mariées. Eh non, pas d'interprétation hâtive : On ne pratique JAMAIS l'excision chez les Sérères ! . C'est une cérémonie durant laquelle les femmes déjà mariées s'enferment avec la nouvelle mariée pour lui donner des conseils pratiques tout en chantant et en dansant, accompagnées d'un nombre réduit de tam-tams, parfois un seul. Ce cercle est défendu à tout homme, sauf aux griots qui battent le tam-tam.

  3. ELEGIES - A KIM NGOR

    Comme exprimé au point qui vient juste avant, les chansons qui ornent ce genre viennent de chansons pour les initiés. Les évènements durant lesquels on parle de A kim ngoor sont :

    • Les chasses traditionnelles appelées O miis qui sont organisées quelques mois avant l'hivernage avec l'idée que ce l'on aura comme gibier est précurseur de la qualité des récoltes futures.

    • Célébration de funérailles qui étaient réléguées pour attendre une meilleure période, par exemple après les récoltes, on célèbre celles-ci. On passe la nuit en chantant des chansons d'initiation.

    • Pendant les MAL, associations villageoises qui vont assister un paysan surpassé par ses travaux champêtres. Elles peuvent recevoir jusqu'à un boeuf pour leur rémunération. Ces groupes d'hommes chantent aux rythmes des tam-tams, puisant dans le grenier des chansons d'initiation.

    • Pendant cérémonies divinatoires, O xoy en sérère. Un poème qui illustre ce type est l'Elégie des eaux:

      Vous m'avez accordé puissance de parole en votre justice inégale
      Seigneur, entendez bien ma voix. PLEUVE ! il pleut
      Et vous avez ouvert de votre bras de foudre les cataractes du pardon.
      Il pleut sur New York sur Ndiongolôr sur Ndialakhâr
      Il pleut sur Moscou et sur Pompidou, sur Paris et banlieue, sur Melbourne, sur Messine, sur Morzine
      Il pleut sur l'Inde et sur la Chine - quatre cent mille Chinois sont noyés, douze millions de Chinois sont sauvés, les bons et les méchants
      Pleut sur le Sahara et sur Middle West, sur le désert sur les terres à blé sur les terres à riz
      Sur les têtes de chaume sur les têtes de laine.
      Et renaît la Vie couleur de Présence


  4. ELEGIES MAJEURES - A KIM O NJOOR

    Njoor c'est le linceul. Ces chansons sont réservées aux funerailles, mais pendant le jour du décès. Pour vous assurer que ceci n'est pas une interprêtation gratuite, réexaminez les poèmes composant les Elégies majeures : ils sont destinés à des défunts, de Philippe-Maguilen à son ami George Pompidou en passant par Jean-Marie jusqu'à la grande Carthage, ancienne cité punique, détruite puis reconstruite par les Romains qui en firent la capitale de la province d'Afrique proconsulaire.


CONCLUSION

Nous arrivons à la conclusion de la présentation des collections de poèmes majeures de Léopold Sédar Senghor. Ceci n'est qu'un survol. Pour ceux dont l'intérêt est bien éveillé, nous avons un long chemin à parcourir : ce qui reste est de revenir chaque collection, de prendre poème par poème et d'essayer de dégager pour chacun d'eux l'essentiel, sa raison d'être. A très bientôt pour cette suite.... et merci pour la compagnie. Notez que vous pouvez vous abonner au glob ou juste déposer un commentaire : je suis plus prêt pour des cravaches intellectuelles que pour des remerciements et des éloges de forme.

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